Tolstoï pédagogue - Définition

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Introduction

Léon Tolstoï, géant de la littérature russe, est souvent méconnu en tant que pédagogue. Pourtant, il fut un grand précurseur et développa des concepts qu'il expérimenta dans l'école qu'il installa dans sa propriété pour les fils de ses paysans.

L'école d'Iasnaïa Poliana

En 1847, Tolstoï a 19 ans. Il vient d’hériter de la propriété d’Iasnaïa Poliana, ainsi que de ses 700 « âmes », c'est-à-dire les serfs travaillant sur ses terres. Il va essayer d’améliorer le sort de ses paysans, mais il butera sur leur passivité et la négligence des intendants.

De retour des guerres du Caucase, 7 ans plus tard, il décide de rendre ses terres aux paysans, pour qu’ils puissent améliorer leur sort. Mais ils ne veulent pas. Ils ont peur de se faire escroquer. Tolstoï écrira dans son journal : « Ils ne veulent pas de la liberté », et se tournera vers l’enseignement pour chercher une réponse à l’émancipation des peuples.

En 1859, il ouvre une école dans sa propriété pour les enfants de ses moujiks. Il va d’abord appliquer les principes qu’il ressent, inspirés de Montaigne et de Rousseau. Puis il va faire un voyage en Europe l’année suivante où il tentera de répondre à la question : « Quoi enseigner et comment ? ». Il est déçu on s’en doute par l’école traditionnelle, mais de manière plus surprenante, aussi par les expériences progressistes de l’époque, inspirées par l'oeuvre de Johann Heinrich Pestalozzi (premier éducateur à appliquer les principes de Rousseau en éducation) ou encore Friedrich Fröbel (l’inventeur des jardins d’enfants), dont il rencontre le neveu. Il ne veut pas d’une école qui éduque selon telle ou telle idéologie, et souhaite séparer complètement l’instruction de l’éducation. En France, il critique l’instruction qui permet à des enfants de faire des calculs compliqués, tout en étant incapable d’en comprendre le sens. Par contre, il est ébahi de la connaissance des petits français, d’œuvres comme « le comte de Monte Cristo » ou encore « Les trois mousquetaires ». Il en conclut : « L’école n’est pas dans les écoles, mais dans les revues et les cafés ».

Quand il revient en Russie, Tolstoï a fait un véritable travail de documentation. Pendant son absence, Alexandre II publie un traité d’abolition du servage. Raison de plus pour mettre en place une pédagogie de l’émancipation. Il crée aussi un journal pour rendre compte de son expérience pédagogique et défendre sa vision de l’enseignement.

Mais la police tsariste et les ministères de l’intérieur ne voient pas d’un bon œil les expériences pédagogiques de l’écrivain. L’expérience prendra fin en 1862, alors qu’une escouade de gendarmes investit le domaine pendant deux jours et met l’école sens dessus dessous.

Postérité pédagogique de Tolstoï

Par le principe de non-immixtion, par le refus de l’éducation, par l’abolition des punitions et des récompenses, par le postulat que l’enfant désire apprendre et est bon par nature, Tolstoï se pose en héraut des mouvements de résistance aux pédagogies technicistes d’un Jean Itard ou plus tard, celles inspirées par le béhaviorisme.

Tolstoï fut un grand précurseur et a ouvert de nouvelles possibilités en pédagogie.

Alexander Sutherland Neill et la liberté

En 1921, se tient à Calais le rassemblement pour l'éducation nouvelle. Dans la déclaration de Neill qui suit, on retrouve tous les principes de l’école de Tolstoï, avec une vision rousseauiste de la société (donc l’école) pervertissant la nature originellement bonne de l’enfant :

«C’est sur les conseils du démon que l’on inventa l’école. L’enfant aime la nature, on le parqua dans des salles closes. L’enfant aime voir son activité servir à quelque chose on fit en sorte qu’elle n’eut aucun but. Il aime bouger on l’oblige à se tenir immobile, il aime manier des objets, on le mit en contact avec des seules idées, il aime parler, on le contraignit au silence, il voudrait s’enthousiasmer, on invente les punitions. Alors les enfants apprirent ce qu’ils n’auraient jamais appris sans l’école, ils surent dissimuler, ils surent tricher, ils surent mentir».

Carl Rogers et les mouvements non-directifs

Carl Rogers élabore une thérapie centrée sur le développement de la personne. En 1940, il est enseignant et découvre l’importance de l’écoute dans la relation pédagogique.

Petit à petit il va mettre en place une pédagogie non-directive. Le rôle du maître n’est plus d’imposer le savoir mais d’accompagner l’apprentissage de celui qui veut acquérir le savoir.

Célestin Freinet et le désir d’apprendre

La question qui traverse toute la pédagogie de Freinet est : «Comment faire boire un cheval qui n’a pas soif ?», ou comment susciter le désir d’apprendre, c'est-à-dire un désir intrinsèque, non motivé par la contrainte. C’est aussi le pédagogue de la méthode naturelle. Pour se rendre compte de ce que Freinet doit à Tolstoï, voici une citation de ce dernier :

«Je considère l’excitation de l’intérêt de l’élève comme le meilleur ressort et par suite la liberté et le naturel de l’enseignement comme la condition la plus essentielle et la plus importante pour la qualité des études».

John Dewey et l’expérience

Le pédagogue du «Learning by doing» s’inscrit à plusieurs reprises dans la filiation de Tolstoï. Il a une réflexion similaire sur l’intérêt en pédagogie :

«C’est maintenant qu’il faut tirer tout l’avantage possible de son intérêt pour le gribouillage, non pas pour que dans dix ans il ait une belle écriture ou qu’il soit un bon comptable, mais pour qu’il puisse en retirer quelque chose maintenant, qu’il puisse effectuer quelque chose qui marquera une nouvelle étape qui l’éloigne de l’immaturité».

Lui aussi pense que par la contrainte, on pervertit l’enfant, plus précisément, cela entraîne «la désintégration du caractère» ! :

«Il ne serait pas très agréable d’avoir à évaluer l’état psychologique réel des élèves qui sortent de nos écoles».

Mais c’est tout particulièrement dans la vision de l’expérience qu’on entrevoit la relation entre ces deux pédagogues. Pour Dewey, grande figure du pragmatisme, on ne mesure la validité d’une théorie que dans ses applications pratiques. Tolstoï ne pensait pas mieux l’éducation :

«Et si un étranger désire apprécier ce degré de connaissances, qu’il vive avec nous et étudie les résultats et les applications pratiques de ce que nous savons.»
« La seule méthode [de la pédagogie] : l’expérience ».
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