La tragédie aérienne du Sault-au-Cochon, qui a fait 23 morts le 9 septembre 1949, est le premier écrasement d'avion dû à un acte criminel en Occident. Il n'est cependant pas le premier crash d'un avion de transport au Québec puisque, le 24 juillet 1948, un Douglas DC-3 de la Rimouski Airlines, transportant principalement des bûcherons de la Consolidated Bathurst, s'était écrasé aux abords de l'île d'Anticosti faisant 29 morts. Il est cependant le premier dont la nouvelle a pris une dimension internationale.
Le 9 septembre, un DC-3 de la Quebec Airways (filiale de la Canadian Pacific Airways), en provenance de Montréal, décolle de son escale à l'aéroport de Sainte-Foy à Québec, à 10 heures 20 avec 5 minutes de retard. À 10 heures 45, il survole le Sault-au-Cochon, un petit hameau de pêcheurs situé à 65 km à l'est de Québec, peu après le Cap Tourmente. C'est au moment où il amorce son virage vers le fleuve. L'avion va exploser quelques instants plus tard.
Sur leurs bateaux, les pêcheurs entendent l'explosion et voient les objets virevolter dans l'air, parfois plus haut que l'avion lui-même. Celui-ci s'écrase au-dessus du cap, à 3 kilomètres de la voie ferrée. Les témoins se rendent vite sur la rive téléphoner au village le plus proche afin d'annoncer la nouvelle.
Trois agents sont immédiatement envoyés sur les lieux. Après avoir monté le cap et s'être frayé un sentier dans les bois, ils aperçoivent l'épave et les débris éparpillés autour. Les passagers, morts sur le coup, sont amoncelés en avant et en arrière de la cabine. Il y a 23 morts dont 19 passagers. Parmi eux, se trouvent trois dirigeants de la Kennecott Copper Corporation de New York, qui sont également des cadres de la Quebec Iron and Titanium, propriétaire de plusieurs mines dans la Côte-Nord. Tous ces gens se rendaient à Baie-Comeau, lieu d'escale de l'avion.
Le 19 septembre, le Petit Journal de Montréal laisse filtrer l'information que la police s'apprête à arrêter une femme qui aurait apporté le colis à l'avion. Le lendemain, Généreux Ruest, habitant le quartier Saint-Roch à Québec, se présente à la police et déclare que c'est sa sœur Marguerite qui est allée le porter à l'avion, qu'il contenait une statuette devant être livrée à Baie-Comeau et qu'il s'agissait d'une commission de la part d'Albert Guay. Celui-ci lui avait donné rendez-vous le matin du 9 à la Gare du Palais afin de lui remettre le bagage, ainsi que de l'argent pour payer le taxi et l'affranchissement de la livraison. En retour, il acceptait d'annuler la dette de $600 qu'elle lui devait.
Le 23 septembre, Albert Guay, accusé du meurtre de sa femme, ainsi que de 22 autres personnes, est arrêté à son domicile du quartier Saint-Sauveur. L'enquête préliminaire est fixée au 4 octobre.
Dès le lendemain, la nouvelle va prendre une dimension internationale dans les journaux. Les autorités américaines réclament, de leur côté, une enquête rapide, à cause du climat d'incertitude. En effet, certaines personnes se demandent si, dans le climat de début de guerre froide, il ne s'agirait pas d'un attentat terroriste relié aux milieux communistes.
Dès le 9, deux experts ingénieurs, S. M. Francis et Stanley Lynn, se sont rendus sur les lieux du crash afin d'examiner les débris de l'appareil et de tenter de trouver une explication à l'explosion. Ils sont accompagnés de trois chimistes et de plusieurs techniciens. Ils découvrent rapidement que l'explosion a eu lieu dans la soute à bagages à l'avant gauche de l'avion. Des pièces de métal sont découvertes autour de l'avion qui auraient pu servir de détonateur. Après quelques jours, on en vient à la conclusion que l'explosion est due à de la dynamite probablement placée dans un colis piégé que l'on a déposé dans l'appareil lors de l'escale de L'Ancienne-Lorette.
La SQ enquête aussi de son côté et regarde de plus près les antécédents des passagers et de leurs proches. L'une des victimes se nomme Rita Morel, épouse d'un citoyen de Québec, Albert Guay. Le matin même du crash, celui-ci avait contracté une police d'assurance à son nom de 10 000 $ en cas de mort accidentelle. Le même matin, Marguerite Pitre, une amie d'Albert Guay, avait fait déposer dans l'avion un colis devant être livré à Baie-Comeau. Il était plus que probable, selon les enquêteurs, qu'il aurait pu contenir la bombe.