L'éruption du Santorin à l'époque minoenne décodée

Publié par Michel le 06/02/2012 à 00:00
Source: CNRS-INSU
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Les éruptions caldériques comme celle qui détruisit une partie de l'Ile de Santorin (Grèce) sont mal connues et il est à ce jour impossible de les prévoir. En étudiant la zonation des éléments traces de minéraux contenus dans les ponces déposées lors l'éruption minoenne du volcan Santorin, une équipe internationale (France, Singapour, Suisse) démontre que la dernière phase de gestation de tels événements dure moins d'un siècle, ce qui est très court au regard des milliers d'années de repos depuis la dernière éruption du volcan . Elle est provoquée par des intrusions successives de magma riche en silice dans les profondeurs de l'édifice volcanique. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature .


Produits de l'éruption du Santorin à la fin de l'âge de Bronze (Minoen). La falaise atteint 20 mètres de haut.

Les éruptions caldériques sont l'un des phénomènes les plus destructeurs sur Terre. Ces éruptions ne durent que quelques heures à quelques jours seulement, mais elles libèrent tellement de magma (des dizaines à des milliers de kilomètres cubes) que le volcan s'effondre sur lui-même, formant une vaste dépression (une caldéra). De telles éruptions se produisent rarement à l'échelle de temps humaine, mais leurs effets sont dévastateurs aux échelles locales et mondiales. Les écoulements pyroclastiques dont la température voisine les 400°C inondent le terrain autour du volcan et détruisent tout sur leur passage ; d'énormes panaches de cendres et d'aérosols acides atteignent et s'étalent dans la haute atmosphère perturbant le climat global.

Une telle éruption s'est produit sur l'île de Santorin (Grèce) à l'âge de bronze. Les tsunamis créés par l'entrée des écoulements pyroclastiques dans la mer et par l'effondrement de la caldera ont impacté la civilisation minoenne en Crête, 100 km au sud. Les volcans de Yellowstone (Etats-Unis) et Campei Flegrei (Italie) ont eu des éruptions caldériques il y a 640 000 et 39 000 ans, respectivement. Si quelques éruptions caldériques se sont produites aux temps historiques (ex. Mont Pinatubo, Philippines, 1991), les longues phases précurseur n'ont jamais été suivies par l'instrumentation moderne. En conséquence, les phénomènes précurseurs associés à de tels événements ne sont pas connus. Une meilleure compréhension des processus qui mènent aux grandes éruptions caldériques est donc critique pour leur prédiction.


Image d'un cristal de feldspath plagioclase contenu dans une ponce du Santorin, obtenue par microscopie électronique, montrant la zonation du cristal. Le diagramme du haut montre la zonation du contenu en magnésium (points noirs). Quand le cristal croît, il incorpore du magnésium (ligne bleue). Avec le temps le magésium diffuse à l'extérieur du cristal, essayant d'atteindre un profil d'équilibre (ligne verte) sans l'atteindre. En modélisant mathématiquement la diffusion (ligne rouge), les auteurs sont capables de montrer que le cristal n'a pas résidé dans le magma plus qu'un siècle avant l'éruption minoenne. © Druitt et al. Nature 2012

Les auteurs de l'article ont étudié le zonage chimique des cristaux présents dans les produits ponceux de l'éruption minoenne du volcan Santorin pour mieux comprendre les processus pré-éruptifs et déterminer leur échelle de temps. La technique consiste à analyser ponctuellement la composition d'éléments tels que le magnésium, le strontium et le titane qui sont présents en quantités traces dans un minéral, le feldspath plagioclase, et à établir le taux de diffusion et de rééquilibrage de ces éléments lorsque l'environnement (pression, température, composition magmatique) du cristal change. Les résultats donnent des informations sur la vitesse à laquelle les grands systèmes caldériques passent de l'état de repos à l'état éruptif.

Malgré le grand volume de magma produit (40 à 60 kilomètres cubes), et la longue (18 000 ans) période écoulée depuis la précédente grande éruption du Santorin, la plupart des cristaux dans le magma minoen ont enregistré des processus datant de moins de 100 ans avant l'éruption. Ce résultat surprenant s'explique par la réalimentation de la chambre magmatique par de gros volumes de magma riche en silice au cours du siècle précédent l'éruption, et le mélange de différents volumes de magma toujours en cours pendant les derniers mois. Il semble que les dernières phases d'assemblage des grands réservoirs magmatiques peuvent se produire sur les échelles de temps géologiquement très courtes par rapport à la période de repos, avec des phases de croissance importantes peu avant l'éruption. Ce type de magma est chargé en gaz. La réalimentation de la chambre a probablement pour effet de mettre le magma sous pression et de déclencher l'éruption.

Ces observations ont des implications pour les stratégies de surveillance des caldéras en état de repos prolongé mais potentiellement actives. Des volumes d'intrusions magmatiques élevés, maintenus sur quelques décennies, sont peut-être nécessaires pour "conditionner" les grands réservoirs magmatiques avant une éruption. La réalimentation rapide du réservoir est nécessaire pour fracturer les roches encaissantes, permettre la propagation d'un filon de magma visqueux vers la surface et initier l'éruption. Le défis est maintenant de détecter les signaux géophysiques crées par ces processus profonds bien en avance des éruptions explosives de grand ampleur.


Référence:

Decadal to monthly timescales of magma transfer and reservoir growth at a caldera volcano - T. Druitt, F. Costa, E. Deloule, M. Dungan, B. Scaillet -Nature, 2 février 2012.
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