Abbaye de Royaumont | |||
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Latitude Longitude | |||
Pays | France | ||
Région | Île-de-France | ||
Département | Val-d'Oise | ||
Ville | Asnières-sur-Oise | ||
Culte | Catholique (désaffectée) | ||
Type | abbaye | ||
Rattaché à | Ordre cistercien | ||
Début de la construction | 1228 | ||
Fin des travaux | 1235 | ||
Autres campagnes de travaux | 1785-1789 | ||
Style(s) dominant(s) | Gothique | ||
Protection | Monument historique | ||
Site internet | Consulter | ||
Localisation | |||
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L'abbaye de Royaumont est située dans le hameau de Baillon à Asnières-sur-Oise dans le Val-d'Oise, à environ trente kilomètres au nord de Paris. C'est la plus grande abbaye cistercienne d'Île-de-France, construite entre 1228 et 1235 sous l'égide de Louis IX.
Fondée par le futur roi saint Louis selon le vœu de son père, l'abbaye fut édifiée en un lieu nommé Cuimont puis rebaptisé en Mons Regalis, Mont royal ou Royaumont. Son statut d'abbaye royale comme son pendant, l'abbaye de Maubuisson, lui confère un statut exceptionnel : elle n'est pas sous la dépendance d'une des « filles » de Cîteaux que sont les abbayes de La Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond, mais relève directement de l'abbaye mère de Cîteaux.
Elle compte jusqu'à cent-quarante moines dès sa fondation. Elle est entourée d'une certaine mondanité avec de fréquents séjours royaux. Outre les nombreuses retraites où Saint-Louis vit comme un moine, l'abbaye devient la nécropole familiale : le roi y fait inhumer un frère et trois de ses enfants.
L'abbaye est un lieu ouvert et soumis à la volonté royale, elle accueille le dominicain Vincent de Beauvais, précepteur des enfants royaux. Il est probable que la bibliothèque de Royaumont ait d'ailleurs joué un rôle dans l'élaboration de l'encyclopédie Speculum Majus. Tout au long de son règne, saint Louis favorise Royaumont de dons en argent, en terre, mais également en droits et avantages de toutes natures. En 1235, le roi accorde une rente annuelle de cinq cents livres pour l'entretien d'au moins soixante moines. Un des biographes du roi évoque quelques années plus tard une centaine de moines et une quarantaine de frères convers. À la mort du roi, l'abbé étant un des exécuteurs testamentaires, l'abbaye reçoit un tiers de la bibliothèque royale et est une des mieux dotées du royaume.
La vie monastique décline rapidement par la suite car plus aucun roi n'accorde par la suite l'importance qui lui avait accordée saint Louis. La situation est encore aggravée durant la guerre de Cent Ans : les abbayes ne disposent pas de la protection qu'offrent les châteaux forts et Royaumont est régulièrement rançonnée. Au début du XVe siècle, le lieu est considéré dans plusieurs Chapitres Généraux de l'ordre cistercien comme une abbaye ruinée. Les bâtiments ne sont pas touchés, mais les terres sont ravagées. En 1473, un incendie détruit la toiture et le clocher de l'église ; les réparations ne sont entreprises qu'au début du XVIe siècle.
La prospérité semble néanmoins revenir après les troubles, mais sa mise sous commende en 1549 compromet ce renouveau.
Le dernier abbé commendataire de Royaumont mène une vie diamétralement à l'opposée de l'austérité monastique. Henri-Éleonore-François Le Cornut de Ballivières est l'aumônier du roi et vit l'essentiel de son temps à Versailles. Mais il se rend néanmoins à Royaumont qu'il fait visiter au futur tsar Paul Ier de Russie et au roi de Suède Gustave III. Les locaux dont il dispose ne conviennent pas à son train de vie ni à ses illustres visiteurs. Détonnant avec les sobres bâtiments cisterciens du XIIIe siècle qui l'entourent, l'abbé de Ballivières fait édifier en 1785 une splendide palais abbatial neoclassique inspiré du petit Trianon autant que des villas de Palladio en Vénétie, avec salles de trictrac et de billard. La résidence est livrée en 1789, mais il n'en profite pas longtemps, s'étant enfui à l'étranger dès les prémices de la Révolution française.
En mai 1790, les représentants de la municipalité d'Asnières procèdent à l'inventaire des biens et des revenus de l'abbaye. Les derniers moines, à peine une dizaine, sont alors chassés, cinq d'entre-eux qui souhaitent conserver une vie monastique sont envoyés à l'abbaye des Vaux-de-Cernay près de Dampierre-en-Yvelines. En octobre de la même années, les ordres religieux sont supprimés par l'Assemblée nationale et les biens de la communauté sont expertisés. Les bâtiments vendus comme biens nationaux en 1791 : les scellés sont posés en janvier et la vente aux enchères se déroule en mai. L'abbaye est achetée par le marquis Jean-Joseph Bourguet de Guilhem de Travanet, un industriel, qui avait été le banquier de jeu de la reine Marie-Antoinette et a épousé la fille de Bombelle, un ministre de Louis XVI. Les bâtiments sont vidés de toutes leurs activités passées : le mobilier, les livres et les archives, l'argenterie, les cloches mais aussi les tombes. L'ensemble est reconverti en une filature de coton. Les trois-cents ouvriers sont employés à la destruction de l'église en 1792 à l'exception curieuse d'un pilier, les pierres sont utilisées pour construire les habitations des ouvriers. Le reste des bâtiments sont adaptés à l'activité industrielle. En 1815, l'usine est revendue par les héritiers de Travanet à un industriel belge, Joseph Van der Mersch.
Au début du XIXe siècle, l'ensemble constitue une curieuse imbrication de ruines gothiques et de bâtiments industriels. Les Van der Mersch savent habilement profiter de la vogue romantique : ils font venir des ouvriers flamands qui assurent le succès de l'entreprise industrielle, mais attirent également la grande bourgeoisie parisienne par de nombreuses fêtes et réceptions. Une salle de bal est aménagée dans l'ancien réfectoire des frères convers ainsi qu'un petit théâtre dans le passage attenant. Certaines habitations ouvrières du parc sont reconverties en cottages. Parmi les hôtes célèbres, on peut citer Benjamin Constant, propriétaire de l'abbaye d'Hérivaux non loin de là, La Fayette, Eugène Sue, le peintre Horace Vernet...
Les successeurs remplacent la filature par un atelier d'impression de petits châles dits « Californie ». Mais leur entreprise périclite rapidement et elle ferme finalement ses portes en 1860.
Après la tourmente révolutionnaire, l'ordre cistercien ne revient pas à Royaumont. Les bâtiments sont en revanche occupés par un des nouveaux ordres apparus au XIXe siècle dans un élan de retour aux valeurs chrétiennes. C'est d'abord la communauté des Oblats de Marie-Immaculée de Marseille qui rachète l'ensemble et s'y installe en 1864. Elle confie très rapidement l'abbaye aux sœurs de la Sainte-Famille de Bordeaux qui en fait son noviciat en 1869. Les bâtiments reçoivent les quatre branches de la formation offerte aux religieuses : les sœurs agricoles, l'éducation des demoiselles de l'instruction aux ignorants et le soin aux malades pauvres. Durant la belle saison, des processions ornées de fleurs sont organisées.
Les bâtiments très amoindris par l'occupation de la filature sont progressivement restaurés. Le gothique est très à la mode à cette époque, et la communauté trouve en Charles Vernier, un architecte de la région, celui qui permet de faire revivre l'abbaye du passé. Le réfectoire des moines, divisé en ateliers, est restauré, la totalité de l'ancien bâtiment des moines est restauré en style gothique, une chambre de Saint-Louis est créée avec croisée d'ogive, un plafond étoilé et un vitrail racontant la pieuse vie du roi, et l'aile détruite du cloître est reconstruite. Mais les temps changent et les religieuses ne pourront pas mettre en œuvre leur rêve de rebâtir l'église : dans un contexte d'anti-cléricalisme croissant, elles sont dans l'obligation de quitter Royaumont en 1904, un an avant la loi de séparation de l'Église et de l'État.
L'abbaye fut rachetée en 1905 par un riche industriel, Jules-Edouard Goüin, déjà propriétaire du palais abbatial. Il fait de Royaumont une résidence de campagne et restaure les lieux. Durant la Première Guerre mondiale, l'abbaye retrouve une vocation d'accueil collectif : elle est transformée en hôpital militaire, sous la responsabilité de féministes écossaises. L'ensemble monastique accueille 3 000 blessés de 1914 à 1917. Les bâtiments subsistants de l'abbaye sont classés monument historique en 1927.
En 1923, Henri Goüin, petit-fils d'Henri Goüin, rachète l'abbaye. Très lié avec son épouse Isabel au milieu musical, il ne tarde pas à découvrir les possibilités qu'offre l'abbaye : elle est transformée en 1936 en lieu de concerts, rapidement organisés en saison musicale ouverte au public dans l'ancien réfectoire des moines. Après la Seconde Guerre mondiale, la vocation du lieu se diversifie et Royaumont devient un centre culturel international, lieu alternatif aux institutions universitaires françaises traditionnelles. Durant les années 1950 et 1960, l'ancienne abbaye devient un lieu de rencontre des milieux intellectuels et artistiques à l'échelle internationale, avec de nombreux séminaires, colloques et conférences. Parmi ses illustres visiteurs, sont venus Nathalie Sarraute, Eugène Ionesco, Alain Robbe-Grillet, Vladimir Jankélévitch, Mircea Eliade, Witold Gombrowicz, Francis Poulenc ou encore Roger Caillois. En 1964, l'abbaye devient à l'initiative de ses propriétaires la première fondation culturelle de France, la Fondation Royaumont pour le progrès des sciences de l'homme. Après une interruption des « rencontres » de 1968 à 1971, se met en place une évolution vers une réflexion sur la biologie et l'anthropologie. Après la disparition d'Henri Goüin en 1977, une nouvelle vocation culturelle a été recherchée avec les collectivités publiques. La fondation s'est réorganisée autour du thème de la musique vocale tout en diversifiant ses activités dans les domaines de la musique, de la poésie, de la danse contemporaine, de la préservation du patrimoine et des projets artistiques pluridisciplinaires. Un service hôtelier complète ces activités et accueille séminaires et colloques permettant de financer en partie l'entretien de l'ensemble.