Une cabane en pierre sèche est un type d'édifice champêtre, bâti entièrement sans mortier, avec des pierres d'extraction locale, et ayant servi d'abri temporaire ou saisonnier au cultivateur des XVIIIe et XIXe siècles, à ses outils, ses animaux, sa récolte, dans une parcelle éloignée de son habitation permanente.
Cabanes en pierre sèche et architecture
Que faut-il entendre par « cabanes en pierre sèche » et en quoi peut-on parler d’« architecture » à leur propos ?
Des productions architecturales
Les cabanes en pierre sèche sont au premier chef des productions architecturales dans la mesure où :
elles allient des techniques de construction d’origine rurale (maçonnerie à pierres sèches, c’est-à-dire sans mortier) à des procédés de franchissement de l'espace (voûte de pierres encorbellées et inclinées, voûte clavée) librement adaptés de l'architecture savante (il ne faut pas confondre le type architectural qu'est la cabane de pierre sèche avec d'une part la technique de la maçonnerie à pierres sèches, d'autre part le procédé de voûtement en pierre qu'est la voûte d'encorbellement : cette technique et ce procédé sont vieux comme le monde, leur ancienneté n'implique pas automatiquement l'ancienneté de l'édifice où ils sont employés);
elles manifestent une variété des formes et une plastique originale imputables non seulement à la diversité géologique de leurs matériaux et à la variété de leurs fonctions mais aussi aux différences de savoir-faire et d'inspiration esthétique de leurs constructeurs;
elles ont une durée de vie utile, au cours de laquelle elles subissent des vicissitudes (modifications, réfections, etc.), cessant d'être entretenues dès leur abandon et s'acheminant petit à petit vers la ruine et la disparition.
Voûte en pierres sèches encorbellées et inclinées vers l'extérieur sur plan circulaire (cabane à Espagnac, Lot)
Voûte en pierre sèche formée de deux encorbellements symétriquement opposés (cabane à Joncy, Saône-et-Loire)
Voûte clavée en berceau (bergerie à Redortiers (Alpes-de-Haute-Provence)
Elles relèvent d'une architecture sans architecte ou anonyme en ce sens qu'elles sont l'œuvre non pas d'architectes (contrairement aux bâtiments religieux, militaires et civils du passé) mais de paysans et d'ouvriers autoconstructeurs ou de maçons dont le nom est perdu.
Une architecture rurale
Elles entrent dans le cadre de l'architecture rurale de par :
leur implantation dans les campagnes, le plus souvent aux marges des terroirs,
leur intégration aux aménagements en pierre sèche des champs cultivés (murs, tas d’épierrement, voies de cheminement, etc.),
leurs fonctions essentiellement agricoles et, dans une moindre mesure, pastorales,
leur mode d'utilisation occasionnel, temporaire ou saisonnier.
Une architecture populaire
Elles ressortissent d'une architecture populaire, du fait de l'origine sociale de leurs bâtisseurs et utilisateurs (petit peuple des campagnes et des villes).
Elles constituent une architecture vernaculaire dans la mesure où :
elles ont surgi dans un même mouvement de construction affectant diverses régions mais s'inscrivant dans une période variant d'une région à l'autre selon des décalages;
elles sont caractéristiques des couches sociales qui les ont construites et utilisées;
elles sont soumises à la diffusion de techniques, de plans et de formes transcendant le cadre régional, voire national (loin d’être un phénomène purement méditerranéen, la cabane de pierre sèche se rencontre également dans des régions françaises autres que celles du Midi (Lyonnais, Bourgogne, Franche-Comté, Champagne, etc.) et dans divers pays de l’Europe non méditerranéenne (Irlande, Grande-Bretagne, Suisse, etc.).
Une architecture des Temps modernes et de l'Époque contemporaine
Elles appartiennent à l'architecture des temps modernes ((XVIIe, XVIIIe) et surtout de l'Époque contemporaine (XIXe siècles) et n'ont rien à voir avec les témoins des architectures funéraires (chambres sous cairn, tombes mycéniennes, etc.), militaires (nuragues, etc.) et domestiques (cabanes chalcolithiques, etc.) de la Préhistoire et de l'Antiquité car :
les époques respectives sont très éloignées les unes des autres;
les places respectives dans l'échelle socio-économique des bâtiments ne sont pas les mêmes;
les techniques de construction sont différentes malgré des analogies (la voûte de pierres sèches encorbellées et inclinées est distincte de la voûte d'appareil en tas-de-charge, aux pierres taillées et placées à l'horizontale) (le célèbre Trésor d'Atrée à Mycènes, ou tombeau d’Agamemnon, doit être comparé avec ce qui lui est fonctionnellement et socialement comparable, c’est-à-dire les mausolées funéraires des rois et empereurs de l’histoire ancienne ou récente, ainsi la tombe de Napoléon aux Invalides à Paris ou le mausolée de Lénine sur la Place Rouge à Moscou).