Si elle est reconnue dans le monde des savants, la marquise du Châtelet suscite des écrits assez acerbes de la part de certains de ses contemporains : elle est souvent décrite comme une femme laide, et d'un certain orgueil.
Ainsi, sous la plume de Mme du Deffand, lit-on : Représentez-vous une femme grande et sèche, le teint échauffé, le visage maigre, le nez pointu, de petits yeux vert de mer, sans hanches, la poitrine étroite, de gros bras, de grosses jambes, des pieds énormes. Le rire glapissant, la bouche plate, les dents clairsemées et extrêmement gâtées. Comme elle veut être belle en dépit de la nature, et qu'elle veut être magnifique en dépit de la fortune, elle est obligée, pour se donner le superflu, de se priver de bien du nécessaire, tels que chemises, mouchoirs. Et sans talents, sans mémoire, sans goût, sans imagination, elle s'est faite géomètre pour paraître au-dessus des autres femmes, ne doutant pas que la singularité ne donnât la supériorité. On la regarde comme une princesse de théâtre et l'on a presque oublié qu'elle est femme de condition. (...) On dit qu'elle étudie la géométrie pour parvenir à entendre ses livres. La science est un problème difficile à résoudre : elle en parle comme Sganarelle parlait latin devant ceux qui ne le savaient pas...(...) Quelque célèbre que soit madame du Châtelet, elle ne serait pas satisfaite si elle n'était pas célébrée, et c'est encore à quoi elle est parvenue en devenant l'amie déclarée de M. de Voltaire ; c'est lui qui donne de l'éclat à sa vie et c'est à lui qu'elle devra l'immortalité.
ou sous la plume de Madame de Créquy : C'était une merveille de force ainsi qu'un prodige de gaucherie. Elle avait des mains et des pieds formidables ; elle avait déjà la peau comme une râpe à muscade. Enfin la belle Emilie n'était qu'un vilain cent-suisse, et pour avoir souffert que Voltaire osât parler de sa beauté, il fallait assurément que l'algèbre et la géométrie l'eussent fait devenir folle. Ce qu'elle avait toujours eu d'insupportable, c'est qu'elle avait toujours été pédante et visant à la transcendance en fait de compréhension, tandis qu'elle embrouillait tout ce qu'on lui mettait en mémoire, et qu'elle en faisait une manière d'hochepot indigestible. (...)Je comprends bien que M. de Voltaire ait eu la fantaisie de la faire passer pour une savante ; mais je n'ai jamais pu m'expliquer comment M. Clairault, qui était rude et sévère, avait eu cette complaisance-là. Nous disions toujours qu'elle avait dû lui donner de l'argent, et nous n'avons jamais ouï parler du génie sublime et du profond savoir de Madame du Châtelet sans éclater de rire.
ou sous la plume de Madame de Staal-Delaunay : Madame du Châtelet est, d'hier, à son troisième logement. Elle ne pouvait plus supporter celui qu'elle avait choisi. Il y avait du bruit et de la fumée sans feu (il me semble que c'est son emblème). Le bruit, ce n'est pas la nuit qu'il l'incommode, m'a-t-elle dit, c'est le jour, au fort de son travail : cela dérange ses idées. Elle fait actuellement la revue de ses principes : c'est un exercice qu'elle réitère chaque année, sans quoi ils pourraient s'échapper et peut-être s'en aller si loin qu'elle n'en retrouverait pas un seul. Je crois bien que sa tête est pour eux une maison de force et non le lieu de leur naissance : c'est le cas de veiller soigneusement à leur garde ! "
enfin, de Collé à propos de la mort de Madame du Châtelet : Il faut espérer que c'est là le dernier air que Madame du Châtelet se donnera ; mourir en couche à son âge, c'est décidément prétendre ne rien faire comme les autres...
À l'inverse, Mme du Châtelet était admirée par nombre de ses contemporains. Ainsi, peut-on lire sous la plume de Voltaire : Jamais une femme ne fut si savante qu’elle, et jamais personne ne mérita moins qu’on dît d’elle : c’est une femme savante. (...) Elle ne parlait jamais de science qu’à ceux avec qui elle croyait pouvoir s’instruire, et jamais n’en parla pour se faire remarquer.
De même, le journal des savants consacre deux grands articles à l'analyse de ses Institutions de Physique et écrit d'elle :«Quel encouragement pour ceux qui les cultivent (les sciences), de voir une Dame qui, pouvant plaire dans le monde, a mieux aimé s'instruire dans sa retraite, qui dans un âge où les plaisirs s'offrent en foule, préfère à leur erreur malheureusement si douce, la recherche de la vérité toujours si pénible, qui alliant enfin la force aux grâces de l'esprit et de la figure, n'est point arrêtée par ce que les sciences ont de plus abstrait.»
Voltaire, affecté par la mort d’Émilie, écrira à Frédéric II, roi de Prusse, le 15 octobre 1749 : « J'ay perdu un amy de vingt-cinq années, un grand homme qui n'avoit de défaut que d'être une femme, et que tout Paris regrette et honore ».