Trois conséquences épistémologiques de la nouvelle approche de l'espace
- L'opposition entre un lieu (ponctuel) et une aire (étendue spatialement) n’est plus de mise. Le lieu devient une des formes de l'espace, conçue de façon ponctuelle et dont le lien avec ce qui l'entoure évolue entre enclavement (distance infinie) et ubiquité (distance nulle). Les techniques de réduction des distances sont : la co-présence, la mobilité, la télécommunication.
- La société forme un tout systémique, sujet de recherche la science sociale. Le tout n’est pas délimité en parties juxtaposées (société, économie, espace, temps…) dont certaines seraient plus puissantes que d’autres (comme le veut l’impérialisme épistémologique des historicistes, des économistes ou des sociologues). Le tout comporte diverses dimensions : économie, sociologie, histoire, spatial, politique, individualité,… et l’espace est l’une des dimensions de la société : tous les éléments sociaux se caractérisent par une certaine distance par rapport aux autres et toutes les stratégies, politiques, actes, idéologies, technologies, savoirs des acteurs sociaux prennent nécessairement en compte (même inconsciemment) la dimension de la distance. Toute la société est à dimension spatiale et tout l’espace est à dimension sociale. Mais la société n’est pas que spatiale. Toute étude de la société, d’un point de vue spatial, doit prendre en compte l’ensemble des caractéristiques économiques, historiques et sociologiques. Ainsi, le concept de « socio-spatial » est-il un pléonasme, puisque le chercheur doit toujours prendre en compte l’ensemble des dimensions sociétale dans son approche scientifique.
- L’espace peut être étudié à la fois dans sa composante matérielle (distance entre les éléments), dans sa composante idéelle (conceptions que les éléments se font de la distance), et dans sa composante immatérielle (utilisation des télécommunications pour réduire la distance, sans la réduire « matériellement »).
L'approche actuelle du concept d'espace en sciences sociales
Cette nouvelle approche philosophique de l’espace, relationnelle (puisqu'elle considère que les points trouvent leur réalité en fonction de leurs relations) et relativiste (puisqu'elle ne considère pas l'espace comme une réalité en soi), rend possible une approche « dimensionnelle » : l’espace est l'une des dimensions de la réalité. Ainsi, si une société peut être étudiée en fonction de ses relations économiques, de ses relations sociales, de son histoire, "elle peut être étudiée selon la dimension de son espace" (Jacques Lévy, 1993).
- L’espace est réel : il a des conséquences sur tous les objets, autant que l'économie, l'histoire ou la sociologie.
- L’espace est relationnel : les positions des objets n’existent pas en soi, mais dépendent de la distance entre les éléments.
- L’espace n'est pas étudiable en soi : l'espace est une dimension d'appréhension et non un objet étudiable. De la même manière que l'histoire est l'étude du temps dans les relations économiques, les relations sociales, les représentation ou les individus, et qu'étudier le temps, en lui-même, n'a pas de sens en sciences sociales, il est impossible d'étudier l'espace en lui-même. Cette position est le spatialisme, partagé par certains géographes, qui étudient l'espace comme une chose en soi et le sens commun, qui la plupart du temps ne considère pas l'espace comme une dimension fonctionnelle de la réalité humaine.