Histoire de la folie - Définition

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L’amalgame entre sorciers, hérétiques et malades mentaux

Mais il arrive aussi que ce soit l’homme qui recherche le commerce avec le diable. On a alors affaire à un sorcier. Dès le XIe siècle, des sorcières sont brûlées vives. Ce n’est pas l’Église mais l’opinion publique qui est à l’origine de la répression : face à un malheur survenu sans raison apparente, la foule en impute la responsabilité à une sorcière supposée.

À partir du XIIIe siècle, l’autorité ecclésiastique prend le relais, notamment parce que les sorcières s’enquièrent de l’avenir auprès des démons alors que l’avenir est réservé à Dieu. La répression s’abat. Les sorcières et sorciers seront, dans toute l’Europe, torturés, excommuniés, mis au pilori, fouettés, emmurés, brûlés vifs.

Au XIIIe siècle aussi se produit l’amalgame entre sorciers, hérétiques et malades mentaux. En 1239 et 1245, des Cathares accusés de sorcellerie sont condamnés par les tribunaux de l’Inquisition. En 1258, le pape Alexandre IV confie officiellement aux inquisiteurs italiens la répression de la sorcellerie.

Or ces prétendus sorciers sont souvent des patients psychiques, ou du moins des gens au psychisme fragile. Voilà ce qu’en dit Muriel Laharie, auteur française qui a écrit un livre documenté sur la folie au Moyen Âge :

« Leurs transes, leurs expériences oniriques et leurs hallucinations (favorisées parfois par la consommation de plantes ou de champignons hallucinogènes) entrent dans le cadre d’états hystériques ou dépressifs, ou bien de psychoses délirantes, aiguës ou chroniques. Mais leur mythomanie, leurs affabulations, leurs discours naïfs, confus ou incohérents sont expliqués par une pseudo-alliance avec le diable. »
«... Sous les tortures, de malheureuses femmes déséquilibrées et impressionnables avouent n’importe quel crime. (…) La «chasse aux sorcières», qui battra son plein seulement à partir de la fin du XIVe siècle, connaît ainsi ses premières manifestations à l’époque féodale. Elle doit être, à l’évidence, replacée dans le contexte de l’exclusion dont sont victimes au XIIIe siècle à la fois les hérétiques et les fous dans leur ensemble ; la folie ayant simplement, dans ce cas précis, pris le masque de la sorcellerie. »

« Le fou est celui qui dit en son cœur que Dieu n’existe pas »

Puis les invasions barbares, les épidémies de peste, les famines, les tyrannies, l’insécurité généralisée, les malheurs de toutes sortes ont poussé les hommes à rechercher un réconfort dans les croyances surnaturelles. Les pratiques magiques, mystiques et démonologiques font alors un retour en force et le christianisme apporte à l’humanité souffrante le message d’espoir qu’elle attendait, celui d’une vie meilleure dans l’au-delà. Le dogme chrétien prédomine dans tous les domaines de la vie, y compris la santé. Les saints protègent contre les maladies, les prêtres chrétiens soignent les corps et les âmes, les malades se réfugient dans les églises, les monastères et les hôpitaux construits à proximité.

Il semble que, pendant le Haut Moyen Âge, l’esprit chrétien de charité ait profité aux malades mentaux auxquels il apportait soutien et réconfort. Selon certains auteurs, l’assistance apportée aux malades à cette époque était supérieure à celle pratiquée aux XVIIe et XVIIIe siècles. Mais, au fil des siècles, au fur et à mesure que s’impose le dogmatisme chrétien, se développent la démonologie et l’exorcisme.

« Le fou est celui qui dit en son cœur que Dieu n’existe pas », dit le Psaume 53. Le fou, c’est donc l’athée. Et le chapitre 20 de l’Apocalypse précise que le diable a été enchaîné pour mille ans mais qu’il doit être ensuite relâché pour un peu de temps. C’est donc au début du deuxième millénaire que son règne peut commencer. Le diable choisit sa proie, pénètre en elle et la personne est possédée. « Le diable peut arrêter complètement l’usage de la raison en troublant l’imagination et l’appétit sensible, comme cela se voit chez les possédés », dit saint Thomas d’Aquin.

Les causes de la possession sont les péchés. Cela peut être le péché du possédé lui-même, souvent la luxure ou le blasphème, mais aussi le péché d’un membre de la famille ou d’un proche. Par exemple, un mari dit à son épouse : « Va au diable ! » et celle-ci sent instantanément le démon entrer en elle par son oreille. Souvent aussi, lorsqu’aucune faute majeure ne peut être reprochée à la personne qui perd la raison, c’est le péché de l’humanité en général que le possédé doit expier.

Les hommes aussi bien que les femmes peuvent être saisis par Satan, dont le but est de nuire à toute l’espèce humaine : chevaliers, gens du peuple, moines et prêtres, vieillards, adultes ou enfants. Pour une fois, tout le monde se trouve logé à la même enseigne.

On lutte contre la possession par l’exorcisme. Le Moyen Âge compte un très grand nombre de saints dont les exorcismes sont notamment décrits dans les Acta Sanctorum. Saint Antoine est l’un des plus connus, mais il en existe beaucoup d’autres, de notoriété plus ou moins locale. C’est donc le démon que l’Église et les théologiens combattent dans la personne du possédé, ce dernier étant d’abord considéré comme une victime. Le besoin de spiritualité est si grand qu’aujourd’hui encore chaque diocèse est doté d’un exorciste prêt à intervenir dans les cas avérés de possession. Comment ces exorcistes d’aujourd’hui distinguent-ils les cas de possession de ceux de maladie psychique ? Ce sujet mériterait une étude approfondie.

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