C’est sur ses deniers personnels que, très probablement avec l’assentiment et la complicité de son père, notre botaniste finance et lance le premier numéro du Bulletin périodique, véritable « Vade Mecum et Intermédiaire des Amis des Bambous ». La plante qui fait l’objet de tant de fascination, de recherche, d’expérience de culture est bien sûr éponyme : Le BAMBOU, son étude, sa culture, son emploi. Il paraît le 15 janvier 1906.
Sa revue se veut indépendante des revues horticoles existantes. Selon lui, une rubrique spécialisée dans de telles revues ne permettrait pas de valoriser le bambou comme il se doit et d’atteindre tous les scientifiques et amateurs de bambous dispersés en Europe voire dans le monde. Il est prévu que la revue publiera des articles en latin, anglais, allemand, italien et espéranto !
Dans son introduction polyglotte, le rédacteur en chef explique clairement que chaque numéro comprendra une partie technique et une partie pratique. L’une va permettre de publier des communications faites par des botanistes dans la perspective de compléter la classification des bambous, des bibliographies, des résumés d’articles parus dans des revues scientifiques. L’autre s’adresse plus particulièrement aux amateurs et chefs de culture : Jean a le fort désir de partager ses connaissances acquises à partir de ses observations faites depuis 1883 sur le développement d’une soixantaine d’espèces et variétés de bambous. Le dessein de notre auteur était de favoriser des discussions, les bourses d’échanges. Près de cinquante "amis des bambous répartis dans douze nationalités" ont « vaillamment, gracieusement et directement » collaboré à la revue.
L’aventure du « Journal officiel des amateurs de bambous » - l’expression est de son ami Louis de Vilmorin – aura duré exactement deux ans et demi. Au total, cela représente 275 pages de format 14,5 x 24,5 cm, 10 numéros en 6 parutions. La dernière publication en date du 30 juin 1908 est un véritable florilège offert aux lecteurs. Il reprend intégralement un rapport manuscrit accompagné de vingt photographies, envoyé en septembre 1907 à la Conférence Internationale d’Acclimatation des Plantes (New-York). Le manuscrit et les photographies originales se trouvent à la Fondation Smithsonian. Les 8 chapitres de « L’introduction, l’acclimatation et la culture des bambous à l’ouest de l’ancien continent et notamment en Belgique » résume toutes les expériences, observations et études de Jean Houzeau.
On pourrait supposer tout d’abord que son lectorat européen était limité à des professionnels et amateurs de bambous ; à la Belle Époque ils ne n'étaient pas légions ! La revue était tirée à environ 500 exemplaires et le n° 6 a été diffusé à plus de 400 exemplaires auprès d'abonnés appartenant à plus de quinze nationalités. Ce qui était assez considérable pour une revue aussi spécialisée ! La réclame qui pouvait financer une partie de la publication dégageait une recette très modeste. Les annonceurs étaient peu nombreux (Pépinière de Prafrance et 4 à 5 établissements d’horticulture français et anglais, un libraire…) et les recettes publicitaires ne représentaient que 1% des abonnements. Ce que visait Jean Houzeau c'était en priorité la diffusion des connaissances sur le bambou. En juin 1907 il n'avait même pas encaissé les abonnements et percevait les mandats-poste à l’initiative des abonnés comme « un fer dans la plaie » !!! Une année auparavant il se plaignait en constatant que certains abonnés ne payaient pas leur abonnement et il pouvait ressentir cela comme une attitude discourtoise. En réalité, ce n’est sûrement pas l’aspect économique qui peut expliquer le caractère relativement éphémère de la revue. Globalement, les abonnements ont couvert les frais d’édition. L’objectif de rentabilité d’une telle entreprise était très éloigné des principales motivations des Houzeau. Il fallait avant tout faire œuvre scientifique, partager ses connaissances et aussi jubiler sur le plan intellectuel et relationnel !
Jean Houzeau est seul pour assurer l’édition de A à Z. Il n’a pas de comité de lecture, mis à part la relecture faite par son père Auguste, féru de botanique. Il était assisté d’« un employé de son usine » pour l'accomplissement des tâches administratives.
La fin de la revue tient principalement au fait qu’en moins de deux ans, Jean Houzeau , travailleur acharné et passionné, avait totalement épuisé le sujet sur la connaissance botanique et la culture des bambous en Europe. Il était pratiquement le seul rédacteur de l’ensemble des articles de fond. Il maîtrisait tellement le sujet qu’aucun de ses correspondants scientifiques de l’époque ne s’était aventuré à rivaliser avec lui.
Sa revue lui avait permis de faire œuvre scientifique tout en sensibilisant un public de plus en plus large sur la culture des bambous en Europe, sans doute mieux que ne l’aurait fait un ouvrage de référence.