Jean Houzeau de Lehaie - Définition

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L’introduction des bambous en Europe… à toute vapeur

En découvrant les travaux de Jean Houzeau de Lehaie, on est surpris de constater que la culture des bambous, notamment en Belgique, n’était pas aussi facile en 1880 que de nos jours. L’expérience de l’introduction était trop récente. Comment expliquer un tel retard par rapport à d’autres végétaux exotiques ?

Avant les clippers

Palmier Butia capitata - Tresco, îles Scilly, Angleterre

Dès le XVIe siècle, l’engouement pour l’exotisme végétal dans les jardins royaux d’Europe permettait aux princes de « s’émerveiller devant les orangers et les palmiers ». Les pépinières de l’époque introduisaient déjà de multiples plantes exotiques : limoniers, cotonniers, indigotiers, goyaviers, bananiers, canne à sucre, mais pas encore de bambous. Ce ne sont que de curieux arbres « en forme de tube ». qui ne présentent pas vraiment d’intérêt pour l’exploitation agronomique ou horticole en Occident. Au cours du XIXe siècle ces graminées auront les faveurs de quelques botanistes voyageurs et auront donc pendant longtemps meilleure place dans les herbiers que dans les jardins ! Les horticulteurs diffusaient très peu les bambous car la plupart des amateurs de jardins de l’époque les considéraient selon Jean Houzeau comme « une plante vivace » qui « ne produit son effet qu’à longue échéance ». Cependant, la diffusion sélective de ces plantes eut très tôt ses champions ! note 26

Si la diffusion des palmiers prit son essor avec l’invention du chauffage central, celle de la vapeur permit l’introduction in vivo des bambous.

Le temps des clippers

Il faut en effet attendre le début de la révolution industrielle pour qu’arrivent enfin les premiers bambous sur pied en Europe. Jean Houzeau de Lehaie nous apprend ainsi que le Phyllostachys nigra est la première espèce à prendre racine en Occident. Pour notre naturaliste, l’arrivée tardive des bambous en Europe s’explique par « la rareté des fructifications, le peu de temps que les graines de beaucoup d’espèces conservent leur faculté germinative et la lenteur des transports avant l’emploi des navires à vapeur ». En effet, avant l’équipement des Clippers avec des moteurs à vapeur, on peut supposer que les botanistes et pépiniéristes n’imaginaient pas de rapporter des touffes de bambous en raison du risque de dessèchement et de la durée du transport entre l’Extrême-Orient et l’Europe qui pouvait durer jusqu'à six mois. Il aurait fallu des volumineuses tontines pour transporter des plants assez forts (touffes de 500 kg à 1 tonne), avec l’exigence de réserves d’eau très importantes tout au long d’un voyage de plusieurs mois. Techniquement c’était possible mais l’enjeu économique était bien faible par rapport à d’autres plantes. L’invention de Robert Fulton en 1802 va permettre aux clippers équipés de moteur de pallier le manque temporaire de vent. La technologie de l’hélice et de la coque en fer vers 1870, va permettre de rallier par exemple la Cochinchine et Marseille en un temps record.

Paquebot français en partance de Marseille pour la Cochinchine,L’Illustration 1er novembre 1862

Pour la période des clippers , Jean Houzeau de Lehaie a pu tracer l’historique des premières introductions. Les Arundinaria gracilis (Drepanostachyum falcatum), Bambusa arundinacea, B. Thouarsi (B. vulgaris), B. aurea (Ph. aurea) en provenance de l’Inde et Ph. mitis (Ph. viridis) originaire de Chine sont importés par M. Denis à Hyères en 1840.

Le Phyllostachys nigra fut réintroduit de Chine en France en 1846 par le vice-amiral Cécile. Ce dernier rapporta du nord de la Chine Ph. viridi-glaucescens, également en France la même année. Les premiers Arundinaria Falconeri (Drepanostachyum f.), furent importés du nord de l’Inde un an plus tard et commercialisés rapidement par le célèbre pépiniériste belge Van Houtte. C’est le botaniste Philipp Franz von Siebold qui introduisit l’Arundinaria japonica (Pseudosasa j.) en 1850. Après une accalmie de douze ans, une nouvelle vague d’importation permet de découvrir et de cultiver en France et en Belgique l’Arundinaria Simonii (1862) grâce à M. Simon, consul de France en Chine, l’Arundinaria Fortunei (1863), le Ph. flexuosa (1864), le Ph. sulfurea (Ph. bambusoides ’holochrysa’) un an plus tard et le Ph. bambusoides importé du nord du Japon en 1866 par l’Amiral du Quilio et qui le confia à Auguste Rivière, directeur du Jardin d’essai du Hamma (Alger). Cette première période trouve son terme avec l’importation de Chine du Phyllostachys violascens.

La période des vapeurs à hélice

Avec la période des « vapeurs à hélice », les passionnés de bambous vont introduire de nombreuses espèces. Jean Houzeau, à travers ses lectures et sa correspondance décrit bien cette période. Le banquier florentin Fenzi introduit le Bambusa quadrangularis (Chimonobambusa q.) et le Phyllostachys nidularia. Avant 1877 Arundinaria aureo-striata, Bambusa Ragamowskii (A. R.), B. spinosa (B. arundinacea), Dendrocalamus latifolius et strictus figurent déjà dans l’arboretum de Segrez(Seine-et-Oise).

Dans les années 70 le fameux hybrideur de nymphéas, Joseph Bory Latour-Marliac, « le plus grand importateur [de bambous] en Europe » fait venir Phyllostachys Boryana, Ph. Castilloni, Ph. Marliacea , les A. Chino ‘Laydekeri’ et fastuosa (Semiarundinaria f.) et le Bambusa Alphonse-Karri. Dans cette même décennie le Dr Hénon de Genève, après un long séjour au Japon 30, rapporte Phyllostachys pubescens (Ph. edulis) décrit admirablement par Jean Houzeau de Lehaie dans le premier article de fond de sa revue (nous allons en parler plus loin), le Ph. aurea et bambusoides, B. nana (B. multiplex). Le Ph. puberula qui sera désigné Ph. Henonis (Ph. nigra gr. Henonis) fera l’objet d’une communication de son introducteur dans la revue Le Bambou : il sera le seul qui se soit maintenu et multiplié en Suisse.

En 1902, le Dr Ernst Pfitzer, professeur de botanique à l’université de Heidelberg, correspondant de Jean Houzeau de Lehaie, trouve dans un lot de bambous venus du Japon et mis en vente à Hambourg un cultivar de Phyllostachys bambusoides à feuilles panachées et chaumes jaunes vifs, qui a désormais le nom de Ph. bambusoides ‘Castilloni’. Mais Jean ignorait que cette mutation avait déjà été introduite deux fois séparément en Europe.

L’année de la création de la revue, Jean Houzeau va faire venir du Japon un cultivar panaché de Arundinaria japonica, le Sasa borealis, un cultivar de Ph. puberula à chaumes rubanés, et une variété de Ph. puberula à chaumes semés de points marron, dénommée Han-chiku au Japon (il s’agit probablement de Phyllostachts Henonis ‘Hanchiku’).

Pour notre naturaliste, le développement des voies de communication et l’accroissement de la vitesse des moyens de transport ont permis non seulement d’accroître le nombre de taxons, d’effectuer des réintroductions mais d’avoir aussi des sujets beaucoup plus résistants car il était désormais plus facile de faire venir des bambous habitués à des hivers longs et rigoureux, à des étés courts avec des nuits froides, même quand les jours étaient chauds. Jusqu’alors, il avait fallu se contenter de recueillir des plantes à proximité de ports maritimes qui jouissaient d’un climat régulier. De nouvelles perspectives s’ouvraient ainsi, selon lui, aux amateurs de bambous : ils allaient pouvoir disposer de sujets en provenance de Chine, Mandchourie, Corée, du Japon qui seront plus résistants et surtout « plus aptes à vivre dans l’Est de l’Europe et vers l’intérieur des continents. »

Chargement de bambous à la gare d’Anduze en 1905

Début 1905, Jean Houzeau de Lehaie a reçu environ 82 bambous du Japon. Le voyage n’avait duré que 52 jours et en raison d’un conditionnement particulièrement soigné (chaque motte était emballée avec du Sphaigne bien humide fixé par des liens en paille de riz, puis rangée dans des caisses remplies ensuite de paille de riz à hauteur des mottes…) : 75 plants allaient pouvoir prospérer à l’Ermitage.

Diffusion des bambous et amélioration des transports terrestres

Par transport terrestre, en avril de la même année, J. Houzeau de Lehaie a rapporté de Prafrance un chargement de 8 tonnes par temps pluvieux. Le voyage n’a duré qu’une semaine pour une distance d’environ 1100 km. Certains bambous dépassaient quinze mètres de haut et le résultat a été beaucoup plus satisfaisant que l’année précédente. Par chemin de fer, il avait fallu 25 jours et Jean regrettait que les compagnies de chemin de fer n’aient pas la même sollicitude que pour les pigeons… et certains bambous en raison de la sécheresse étaient arrivés morts de soif.

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