Jean Louis Vivès - Définition

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Introduction

Statue de Jean Louis Vivès à Madrid (Carbonell Huguet).
Buste de Jean Louis Vivès à Bruges.

Jean Louis Vivès (Joan Lluís Vives en valencien, Ioannes Lodovicus Vives en latin), né à Valence (Espagne) le 6 mars 1492, mort à Bruges, le 6 mai 1540, était un théologien, un philosophe et un pédagogue. Juif converti au catholicisme, il livra des réflexions neuves sur l'organisation de la société et fut un des grands représentants de l’humanisme nordique, porté par une morale de l'action concrète à la politique.

Biographie

Vivès quitta très jeune l'Espagne (1509), tant par peur des poursuites de l’Inquisition que par désir de s'inscrire à la Sorbonne, alors l'université la plus réputée d'Europe. Il étudia sous la direction de Gaspard Lax de Sarenina au Collège de Montaigu mais, comme Érasme (son contemporain), il fut déçu par le faible niveau des cours et les bizutages à répétition. De sorte qu'en 1512 il s’établit à Bruges, malgré quelques tentatives de retour à Paris en 1514, 1519, et 1536. La capitale française l’attirait, mais les rues encombrées et la familiarité brutale des habitants lui faisaient préférer les Flandres.

  • En 1517, il entra au service de Guillaume de Croÿ.
  • En 1519, il se vit confier une chaire de professeur titulaire à l’université de Louvain au Collège du Château (collegium castrense). La visite d’Érasme à Louvain (1517-1521) fut pour Vivès un événement majeur : subjugué par le charisme du maître, il chercha dès ce moment à l'imiter en tout. Érasme, quant à lui, appréciait l'érudition de Vivès, et l'engagea à préparer une édition commentée de La Cité de Dieu de Saint Augustin. Le manuscrit fut confié à l'imprimeur bâlois Johann Froben en 1522, bien qu'Érasme fût déçu du résultat (il trouvait Vivès trop prolixe et inutilement polémique).
  • En 1521, la mort de son mécène l'amène à démarcher successivement Charles Quint, le duc d’Albe et le Cardinal d’Utrecht, sans succès. Ayant dédié son traité sur l'Éducation des filles (De institutione feminæ Christianæ) à la reine Catherine d'Aragon, le roi Henry VIII d'Angleterre recommande sa candidature auprès de Wolsey, qui créait à ce moment le Corpus Christi College à Oxford. Vivès fut ainsi nommé professeur de l'université d'Oxford le 12 octobre 1523.
  • Il retourne à Bruges au début de 1524 pour y épouser Marguerite Valdaura, fille d’un notable de la ville. De retour en Angleterre, il s'oppose dans ses écrits au remariage d'Henry VIII avec Anne Boleyn, ce qui lui vaut la perte de sa chaire d'université et l'emprisonnement. Finalement banni d'Angleterre, il décline l'offre de Catherine d’Aragon de venir à sa cour et rentre à Bruges.
  • En 1539, le soulèvement de Gand et la menace d'une intervention de Charles Quint lui font envisager de quitter la ville. Il meurt l'année suivante en laissant inachevée une Apologie générale du christianisme.

Le pédagogue

Vivès fut l’un des premiers auteurs à aborder l’anthropologie et la psychologie descriptive. Il reste surtout connu aujourd’hui pour ses travaux en pédagogie.

Principes

Vivès est convaincu que l'homme devient homme par l'apprentissage d'une technique, et que cet apprentissage est possible pour tout individu. Il se fait durant toute la vie : l’homme ne cesse jamais d’apprendre. L’humaniste se doit de rester en permanente recherche et « il n’imaginera pas un instant être parvenu au sommet de l’érudition ».

Cet extrait du De ratione studiis puerilis (1523) montre l’optimisme et l’ambition de Vives envers l’éducation :

Le père - Voici, mon fils, l’atelier où l’on forge les hommes. Celui que tu vois là-bas est le maître forgeron. Dieu vous garde, maître. Découvre-toi, petit, et plie le genou droit comme je te l’ai appris ; redresse-toi maintenant... Je vous amène mon fils pour que de cet âne qu’il est vous fassiez un homme à part entière.
Filopono (le maître) - Je m’occuperai de lui avec le plus grand soin. Cela sera fait ; cet âne deviendra un homme ; de mauvais, il deviendra bon et homme de bien. N’ayez pas le moindre doute à ce sujet ».

Il faut aimer le travail, car Dieu n’accorde pas ses bienfaits aux paresseux.

Importance de la morale

Les maîtres doivent non seulement avoir la compétence voulue pour bien enseigner... mais ils doivent aussi avoir des mœurs irréprochables. Leur premier souci doit être de ne dire ou faire aucune chose susceptible d’indigner ou de scandaliser celui qui les entend, et de ne rien réaliser qui ne se puisse imiter. Il est souhaitable que ceux qui sont promus au rang de maître le soient non seulement pour leur enseignement, mais aussi pour leur conduite vertueuse, car un enseignement qui ne correspond pas à la façon de vivre est pernicieux.

Vives insiste donc sur le fait que l’enseignant doit faire preuve d’une tenue morale irréprochable. Il doit véhiculer les bonnes valeurs et les bonnes mœurs aux étudiants. De ce fait, l’apprentissage ne se concentre pas que sur les savoirs, mais aussi sur les savoir être, ce que nous appelons les compétences relationnelles.

Trouver sa voie

Vives voit l’enseignant comme un guide qui aide chaque élève à prendre la bonne décision en matière d’études et de choix de métier. À cet effet s’impose une évaluation diagnostique lors de laquelle le maître évalue les capacités de l’élève et le dirige vers le parcours approprié. Pour déceler les talents des enfants, il faut les faire participer à des activités variées pour observer leurs réactions.

L’enfant doit passer un ou deux mois au collège afin que ses aptitudes intellectuelles et morales puissent être jaugées. Les maîtres se réuniront en secret quatre fois dans l’année pour échanger leurs impressions au sujet des possibilités de leurs élèves respectifs et décider de la méthode à utiliser pour chacun selon les aptitudes mises en évidence.

L’élève est donc conseillé au long de son parcours scolaire et fait ses choix en fonction de ses propres intérêts. Vives insiste sur le danger qui consiste, pour les parents, à vouloir imposer des études à leurs enfants.

La relation maître–élève

De plus, il attire l’attention sur l’influence qu’a l’opinion du professeur sur les performances de l’élève. Il s’agit donc d’une mise en garde de l’étiquetage : l’élève s’adapte à l’image que le professeur a de lui. Le maître doit donc garder les espoirs les plus élevés.

Il est important que l’élève se sente apprécié et estimé. Dans ce domaine, Vives rejoint la psychologie humaniste contemporaine. Il préconise une affection paternelle du professeur envers l’élève. Le maître doit gagner l’affection de l’élève et l’encourager sans cesse tout en le corrigeant. Les châtiments sont donc hors de question.

L’empirisme : une pédagogie basée sur l’expérience

Pour Vives, l’expérience est à la base de tout apprentissage. L’apprenant est donc actif et suit la démarche suivante :

  • observer la réalité
  • déceler les problèmes qu’elle pose
  • établir des modèles d’action
  • confronter les modèles avec la réalité.

Il faut d’abord réaliser grand nombre d’expériences avant que d’en déduire des modèles et des règles.

On constate donc une forte analogie avec les pédagogies actives actuelles : l’apprenant vit des expériences dans son entourage qu’il exploite afin de le comprendre.

Importance de l'expression

Vives veut former les élèves à l'éloquence, car celui qui sait le mieux parler triomphe parmi les hommes, d’où la nécessité de l’éducation à la rhétorique. Pour Vives, la rhétorique ne sert pas uniquement à plaider devant des tribunaux ou à faire des discours politiques : elle est essentielle à la bonne administration.

Un thème essentiel et très actuel de Vives est l’apprentissage de la langue. Idéalement, tout le monde devrait parler une même langue universelle qui serait le latin vue son importance dans les arts et les sciences. Pour y concourir, Vives demande que l’on crée dans la plupart des villes des écoles d’enseignement des langues, non seulement des trois plus courantes, le latin, le grec et l'hébreu, mais aussi l’arabe, et même différents dialectes.

« Le latin s’est enrichi par les apports du grec, tout comme il a enrichi les autres langues d’Europe et en particulier ... l’italien, l’espagnol et le français. Ceux qui parlent ces langues gagneraient beaucoup à se familiariser avec la langue latine, aussi bien pour la comprendre correctement que pour avoir accès à tous les arts et donner plus de pureté et d’ampleur à la langue nationale à laquelle le latin a donné souche ».

Vives énonce des règles précises concernant les méthodes d’apprentissage et d’enseignement de la langue et indique les auteurs et les passages recommandés : Cicéron, Sénèque, Plutarque, Platon, saint Jérôme et saint Augustin. Chez les modernes, il n’oublie ni l' Enchiridion d’Érasme, ni l' Utopia de Thomas More.

Dans sa Méthode d'éducation des enfants (1523), il définit la progression des apprentissages au cycle d’enseignement précédant les études universitaires :

  • L’apprentissage commence par la lecture des lettres.
  • Ensuite l’enfant apprend les syllabes pour passer à des extraits de discours. Cet apprentissage se fait par une alternance entre l’écrit et la lecture.
  • Enfin vient l’étude de la conjugaison des verbes, de la syntaxe et la traduction de l’anglais vers le latin.

Éducation des femmes

Dans De institutione feminae christianae (L’Instruction de la femme chrétienne, 1523), Vives traite l’éducation de la femme.

Alors que le débat fait rage sur la question de l’accès des femmes au monde de l'écrit, il se place très clairement en faveur de l'enseignement des lettres à celles qui montreraient une bonne disposition pour l'étude. Il le limite toutefois à l’assimilation de la lecture qui doit se faire exclusivement à partir d'ouvrages de morale afin de ne pas corrompre la vertu de l’élève. Il émet par ailleurs des réserves quant à l’enseignement de l’écriture et précise que les jeunes hommes devront recevoir une formation plus ample et plus ouverte sur le monde.

L’ouvrage s’étend ensuite sur le comportement adéquat pour les jeunes filles qui doivent préférer avant toute chose la vertu. Elles doivent être initiées depuis leur plus jeune âge à la correcte tenue d'une maison ainsi qu’à l’oraison qui doit être constante et sincère. En ce qui concerne la tenue vestimentaire, la femme doit savoir se modérer et faire preuve de décence. Il la contraint d’ailleurs à sortir le moins possible de chez elle pour éviter les tentations et les mauvaises langues qui pourraient ruiner sa réputation et celle de sa famille.

Pour cet humaniste et érasmiste, la formation des jeunes filles engage avant tout le futur niveau moral de la société dans laquelle il vit.

L’école, lieu d’apprentissage

Vives souligne l’importance de l’environnement du lieu d’apprentissage qu’est l’école.

Que personne ne s’étonne que l’on recherche avec tant de soin l’endroit où doit naître et croître la sagesse, tout comme l’on recherche le lieu où installer la ruche pour que les abeilles nous donnent leur miel.

Différents facteurs comme le risque d’épidémies, la présence d’aliments sains, l’isolation de tout voisinage bruyant et des voies publiques, etc. déterminent l’emplacement des écoles.

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