Jean Louis Vivès (Joan Lluís Vives en valencien, Ioannes Lodovicus Vives en latin), né à Valence (Espagne) le 6 mars 1492, mort à Bruges, le 6 mai 1540, était un théologien, un philosophe et un pédagogue. Juif converti au catholicisme, il livra des réflexions neuves sur l'organisation de la société et fut un des grands représentants de l’humanisme nordique, porté par une morale de l'action concrète à la politique.
Vivès quitta très jeune l'Espagne (1509), tant par peur des poursuites de l’Inquisition que par désir de s'inscrire à la Sorbonne, alors l'université la plus réputée d'Europe. Il étudia sous la direction de Gaspard Lax de Sarenina au Collège de Montaigu mais, comme Érasme (son contemporain), il fut déçu par le faible niveau des cours et les bizutages à répétition. De sorte qu'en 1512 il s’établit à Bruges, malgré quelques tentatives de retour à Paris en 1514, 1519, et 1536. La capitale française l’attirait, mais les rues encombrées et la familiarité brutale des habitants lui faisaient préférer les Flandres.
Vivès fut l’un des premiers auteurs à aborder l’anthropologie et la psychologie descriptive. Il reste surtout connu aujourd’hui pour ses travaux en pédagogie.
Vivès est convaincu que l'homme devient homme par l'apprentissage d'une technique, et que cet apprentissage est possible pour tout individu. Il se fait durant toute la vie : l’homme ne cesse jamais d’apprendre. L’humaniste se doit de rester en permanente recherche et « il n’imaginera pas un instant être parvenu au sommet de l’érudition ».
Cet extrait du De ratione studiis puerilis (1523) montre l’optimisme et l’ambition de Vives envers l’éducation :
Il faut aimer le travail, car Dieu n’accorde pas ses bienfaits aux paresseux.
Vives insiste donc sur le fait que l’enseignant doit faire preuve d’une tenue morale irréprochable. Il doit véhiculer les bonnes valeurs et les bonnes mœurs aux étudiants. De ce fait, l’apprentissage ne se concentre pas que sur les savoirs, mais aussi sur les savoir être, ce que nous appelons les compétences relationnelles.
Vives voit l’enseignant comme un guide qui aide chaque élève à prendre la bonne décision en matière d’études et de choix de métier. À cet effet s’impose une évaluation diagnostique lors de laquelle le maître évalue les capacités de l’élève et le dirige vers le parcours approprié. Pour déceler les talents des enfants, il faut les faire participer à des activités variées pour observer leurs réactions.
L’élève est donc conseillé au long de son parcours scolaire et fait ses choix en fonction de ses propres intérêts. Vives insiste sur le danger qui consiste, pour les parents, à vouloir imposer des études à leurs enfants.
De plus, il attire l’attention sur l’influence qu’a l’opinion du professeur sur les performances de l’élève. Il s’agit donc d’une mise en garde de l’étiquetage : l’élève s’adapte à l’image que le professeur a de lui. Le maître doit donc garder les espoirs les plus élevés.
Il est important que l’élève se sente apprécié et estimé. Dans ce domaine, Vives rejoint la psychologie humaniste contemporaine. Il préconise une affection paternelle du professeur envers l’élève. Le maître doit gagner l’affection de l’élève et l’encourager sans cesse tout en le corrigeant. Les châtiments sont donc hors de question.
Pour Vives, l’expérience est à la base de tout apprentissage. L’apprenant est donc actif et suit la démarche suivante :
Il faut d’abord réaliser grand nombre d’expériences avant que d’en déduire des modèles et des règles.
On constate donc une forte analogie avec les pédagogies actives actuelles : l’apprenant vit des expériences dans son entourage qu’il exploite afin de le comprendre.
Vives veut former les élèves à l'éloquence, car celui qui sait le mieux parler triomphe parmi les hommes, d’où la nécessité de l’éducation à la rhétorique. Pour Vives, la rhétorique ne sert pas uniquement à plaider devant des tribunaux ou à faire des discours politiques : elle est essentielle à la bonne administration.
Un thème essentiel et très actuel de Vives est l’apprentissage de la langue. Idéalement, tout le monde devrait parler une même langue universelle qui serait le latin vue son importance dans les arts et les sciences. Pour y concourir, Vives demande que l’on crée dans la plupart des villes des écoles d’enseignement des langues, non seulement des trois plus courantes, le latin, le grec et l'hébreu, mais aussi l’arabe, et même différents dialectes.
Vives énonce des règles précises concernant les méthodes d’apprentissage et d’enseignement de la langue et indique les auteurs et les passages recommandés : Cicéron, Sénèque, Plutarque, Platon, saint Jérôme et saint Augustin. Chez les modernes, il n’oublie ni l' Enchiridion d’Érasme, ni l' Utopia de Thomas More.
Dans sa Méthode d'éducation des enfants (1523), il définit la progression des apprentissages au cycle d’enseignement précédant les études universitaires :
Dans De institutione feminae christianae (L’Instruction de la femme chrétienne, 1523), Vives traite l’éducation de la femme.
Alors que le débat fait rage sur la question de l’accès des femmes au monde de l'écrit, il se place très clairement en faveur de l'enseignement des lettres à celles qui montreraient une bonne disposition pour l'étude. Il le limite toutefois à l’assimilation de la lecture qui doit se faire exclusivement à partir d'ouvrages de morale afin de ne pas corrompre la vertu de l’élève. Il émet par ailleurs des réserves quant à l’enseignement de l’écriture et précise que les jeunes hommes devront recevoir une formation plus ample et plus ouverte sur le monde.
L’ouvrage s’étend ensuite sur le comportement adéquat pour les jeunes filles qui doivent préférer avant toute chose la vertu. Elles doivent être initiées depuis leur plus jeune âge à la correcte tenue d'une maison ainsi qu’à l’oraison qui doit être constante et sincère. En ce qui concerne la tenue vestimentaire, la femme doit savoir se modérer et faire preuve de décence. Il la contraint d’ailleurs à sortir le moins possible de chez elle pour éviter les tentations et les mauvaises langues qui pourraient ruiner sa réputation et celle de sa famille.
Pour cet humaniste et érasmiste, la formation des jeunes filles engage avant tout le futur niveau moral de la société dans laquelle il vit.
Vives souligne l’importance de l’environnement du lieu d’apprentissage qu’est l’école.
Différents facteurs comme le risque d’épidémies, la présence d’aliments sains, l’isolation de tout voisinage bruyant et des voies publiques, etc. déterminent l’emplacement des écoles.