La motte castrale est un ouvrage de défense médiéval ancien, composé d'un rehaussement important de terre rapportée de forme circulaire, la motte. Il existe plusieurs formes d'édification de ces ouvrages, souvent appelés à tort « motte féodale », il en existe dans toutes les régions d'Europe.
La plupart du temps le sommet était occupé par une forte palissade. Un fortin de bois y était aménagé avec une tour de guet analogue à un donjon. La motte est considérée comme un château fort primitif.
En Europe occidentale, au Xe siècle, l'armée carolingienne devient trop lourde pour répondre aux rapides raids vikings et sarrasins. La défense s'organise donc localement autour des mottes, rapides à construire, et qui utilisent des matériaux peu coûteux et disponibles partout. Progressivement se distingue ainsi une élite guerrière dont la motte castrale matérialise l'autorité. Le seigneur assure la protection d'un axe commercial ou économique (souvent un village) et la motte devient l'élément fort de l'organisation spatiale de l'an mil. Elle peut servir également de résidence seigneuriale et favorise la vie économique. L'émergence du pouvoir banal sur l'ensemble du territoire au début du XIe siècle est un élément supplémentaire favorisant la généralisation des mottes qui prolifèrent entre la fin du Xe siècle et le début du XIIIe siècle selon les régions.
Le conflit d'intérêts entre les propriétaires fonciers (l'aristocratie et le clergé) et les châtelains entraîne l'émergence du mouvement de la paix de Dieu qui aboutit à redéfinir la répartition des rôles dans la société médiévale. La motte castrale est donc un élément majeur de la structuration de la féodalité dans l'Occident médiéval.
Longtemps on a attribué à toute élévation artificielle de terre, le nom de « motte » quelles que soient la forme et l'utilisation ancienne de l'objet. Depuis une trentaine d'années, sous l'impulsion de chercheurs (historiens ou archéologues) comme André Debord ou Michel de Boüard, les mottes castrales ont cessé d'être une « curiosité d'antiquaires pour devenir un véritable objet de recherche scientifique ».
Les mottes castrales – comme leur nom l'indique — sont désormais assimilées aux châteaux malgré l'avis de certains historiens non archéologues. Dans une première période, le château a changé de vocation puisqu'il ne s'agit plus d'un simple retranchement défensif comme on en a construit au cours du haut Moyen Âge (tels les castra érigés contre les Normands). À partir du Xe siècle, il répond toujours en premier lieu à la fonction défensive, mais devient progressivement « la résidence fortifiée d'un puissant et de son entourage ». À ces deux usages, le castellologue Philippe Durand ajoute l'aspect symbolique. En effet, l'architecture et le décor contribuent à « mettre en évidence la classe aristocratique et son rôle dans la société ». Autrement dit le château de l'an mil remplit trois fonctions : la résidence seigneuriale, la défense (naturelle ou passive) et enfin le symbolisme culturel et social.
Du point de vue matériel le château à motte se caractérise par deux éléments principaux : la motte et la basse-cour. La motte est un tronc de cône aux flancs pentus, dont l'inclinaison est globalement la même (30°) et dont la hauteur se situe entre 4 et 15 mètres. La hauteur semblait indispensable puisque au milieu du XIIe siècle, l'archidiacre de Thérouanne écrivait :
« Les hommes les plus riches (...) [de Flandre] ont coutume d'élever (...) une motte aussi haute que possible (...) de creuser tout autour une fosse. »
— Gauthier de Thérouanne, Vita Johannis, episcopi Tervanensis, 1150.,
Bien qu'aucune n'ait été conservée, on sait qu'une tour de bois était emmottée sur le sommet, souvent entourée d'une palissade ou encore d'un muret comme à Grimbosq (Calvados). De nombreuses fouilles archéologiques ont révélé que les mottes étaient des objets artificiels (ou partiellement), généralement faits de terre ou de gazon, structurées en couches de consolidation et érigées rapidement. Sur la Tapisserie de Bayeux, une vignette montre des paysans bâtissant la motte d'Hastings (Hesteng ceastra). On pense qu'avec les moyens de l'époque, 2000 journées homme, soit vingt journées à une centaine de travailleurs ou trois mois à une trentaine d'ouvriers pouvaient suffire à la construction d'une motte castrale. Le cône avait un volume total de l'ordre de 5000 m3. En général, les mottes avaient un diamètre à la base de 30 mètres, un diamètre sommital de 10 m et une hauteur de 10 m.
À ses pieds, on retrouve souvent (mais pas toujours) la marque de la fonction résidentielle de l'ensemble fortifié : la basse-cour. Encore appelée bailey ou Vorburg, c'est un espace délimité par une enceinte et surtout en position inférieure par rapport au donjon de la motte. La basse-cour renfermait les bâtiments nécessaires à la vie du château. « La basse-cour (...) forme avec la motte un ensemble indissociable, ce que le vocabulaire britannique exprime fort bien dans la dénomination motte and bailey».
Les archéologues classent habituellement les mottes en trois catégories :
Depuis une quarantaine d'années, l'archéologie aérienne permet aux archéologues un travail de prospection facilité et performant. En France, c'est Roger Agache qui a permis de développer cette méthode au sein de la recherche historique. Spécialisé dans un premier temps sur les villae picardes, il a finalement relevé toutes les traces des anciennes constructions qu'il a pu identifier dans les contrées rurales de Picardie à partir de cinq indices révélateurs :
Certaines mottes castrales ont été répertoriées grâce à ce système : dans les zones boisées, c'est généralement le fossé qui, par ses dimensions, permet une modulation de la cime des arbres. L'opération se révèle plus délicate en rase campagne, où les ouvrages castraux de l'an mil ont été pour une grande partie d'entre eux arasés par les labours et les remembrements successifs. Les photos sont très utiles à la recherche, mais seuls les fouilles ou les arasements permettent de dater et d'analyser les habitats seigneuriaux.
Il ne faut pas négliger les indices toponymiques, survivances dans des noms de lieux d'une motte disparue ou dissimulée. Nombreux sont les noms de villes et villages comme La Motte-Tilly, Lamotte-Beuvron, (voir la liste des communes La Motte ou Lamotte), ainsi que les innombrables lieux-dits La motte, Le mottier, etc. Cette prolifération montre bien l'importance de l'implantation du phénomène.