Le scandale de la Beauharnois est un scandale politico-financier canadien impliquant la Beauharnois Light, Heath and Power Co., L'entreprise a fait don de 700 000 dollars au Parti libéral du Québec et au Parti libéral du Canada afin d'obtenir le droit de dériver les eaux du fleuve Saint-Laurent pour y construire la centrale de Beauharnois, en Montérégie. L'affaire, qui a fait grand bruit, a contribué à la défaite du gouvernement libéral de William Lyon Mackenzie King, qui est remplacé par le conservateur Richard Bedford Bennett à l'élection fédérale de 1930. Le nouveau gouvernement fit instituer deux commissions d'enquête, à la Chambre des communes et au Sénat canadien.
L'histoire commence en 1902 avec la formation et le développement de la Beauharnois Light, Heat and Power Company, une société incorporée au Québec par les héritiers de la famille de Joseph Bartholomew Robert, qui avait établi une usine de tissage sur la rivière Saint-Louis en 1858. En plus de son usine, Robert acquiert des terrains dans la région de Beauharnois et achète le canal d'alimentation qui relie le lac Saint-François et la rivière Saint-Louis, que le gouvernement avait élargi cinq ans plus tôt dans un but de contrôle des crues. L'année suivante, Robert achète le moulin à deux meules qu'avait fait construire l'ancien seigneur de Beauharnois, Alexander Ellice au début du XIXe siècle.
L'entreprise familiale possède le droit de détourner 1 050 pieds cubes d'eau par seconde (30 m3/s) en vertu d'un décret fédéral de 1910, qui établit ses droits. Avec des alliés, la famille prend le contrôle de la Montreal Street Railway en 1911 et tente d'obtenir une diversion beaucoup plus considérable. W. H. Robert adresse une lettre au ministre fédéral des Travaux publics F. D. Monk afin de demander un débit de 40 000 pieds cubes par seconde (1 133 m3/s). La Beauharnois Light, Heat and Power Company obtient l'autorisation requise, mais la construction n'a pas lieu en raison des conditions de marché et de la Première Guerre mondiale.
En 1913, le jeune ingénieur Robert Oliver Sweezey s'intéresse au potentiel hydraulique du secteur Soulanges du fleuve Saint-Laurent — entre les lacs Saint-François et Saint-Louis — et prépare une étude pour le compte de la Royal Securities Corporation, la société d'investissement de Lord Beaverbrook. Le rapport conclut à la viabilité technique de l'harnachement du fleuve dans le secteur Soulanges, mais souligne qu'il existe des obstacles de nature concurrentielle, politique et financière. Le premier obstacle est lié à la stratégie d'affaires de la Montreal Light, Heat and Power, qui domine le marché montréalais de l'électricité. L'entreprise adopte une stratégie conservatrice et limite délibérément l'offre afin de conserver son monopole et des prix les plus élevés possibles.
En 1921, Sweezey fonde Newman, Sweezey and Company, une société de courtage de valeurs mobilières qui s'intéresse particulièrement au financement de projets dans l'industrie du papier et de l'hydroélectricité. Il est impliqué dans plusieurs fusions et prises de contrôle qui agitent l'industrie au cours de cette décennie. L'intérêt de Sweezey pour le projet de Beauharnois est ravivé en 1925, une douzaine d'années après sa première étude du dossier.