Pédagogie Freinet - Définition

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Introduction

La pédagogie Freinet est une pédagogie originale, mise au point par Célestin Freinet, fondée sur l'expression libre des enfants ; texte libre, dessin libre, correspondance inter-scolaire, imprimerie et journal étudiant, etc., qui se perpétue de nos jours. Célestin Freinet pensait avant tout en termes d'organisation du travail et de coopération. Freinet parle de « technique Freinet », pas de méthode ou de pédagogie, car les techniques évoluent. Il a mis au point un livre intitulé Les techniques Freinet de l'école moderne (1964). Depuis 1899 le mouvement de l'Éducation nouvelle existe officiellement, grâce au pédagogue suisse Adolphe Ferrière, et sous divers courants (Ferrière, Édouard Claparède, Ovide Decroly, Roger Cousinet, etc.).

Freinet a été instituteur, d'abord à Bar-sur-Loup (1920-1928), puis à Saint-Paul-de-Vence (1928-1935), dans l'école qu'il crée à Vence (1935), et enfin à Cannes (1946) au sein de la Coopérative de l'Enseignement Laïc (CEL), toujours dans le département des Alpes-Maritimes.

Guy Avanzini indiquait en 1972 que « le pourcentage de praticiens Freinet n'avait probablement jamais atteint 5 % ». Henry Peyronie ajoute en 1999 ; « Il nous semble qu'on pourrait estimer aujourd'hui cette proportion à 1 ou 2 %. »

Les techniques Freinet

La classe-promenade (1922), « l'étude du milieu local »

En 1922, Freinet, alors instituteur à Bar-sur-Loup (1920-1928), visite l'école d'Altona, un faubourg de Hambourg ; là, sous la direction de Heinrich Siemss, il voit une école sans autorité, sans discipline, où se pratiquent des « promenades scolaires », où existe un matériel scolaire abondant et spécialisé. L'enfant est et doit être enraciné dans le milieu naturel et social (traditions, mentalités, exigences sociales, y compris celles de l'institution scolaire avec ses programmes). Chaque début d'après-midi, les élèves prennent leur crayon et leur ardoise, et partent explorer leur milieu dans des « promenades scolaires ». De retour à l'école, ils écrivent leurs impressions dans de brefs compte-rendus. Ils font des visites chez les artisans.

Le « matérialisme pédagogique » (1922)

Freinet revient de Hambourg avec la conviction qu'il faut un matériel scolaire adapté. D'où l'importance d'une situation spécifique de l'école (proche de la nature, avec potager, fruitier, espace d'élevage) et d'un aménagement intérieur (salle commune pour travaux collectifs, ateliers spécialisés de travail manuel ; menuiserie, filature mécanique, etc., ateliers spécialisés en documentation, expression, expérimentation).

L'abolition de l'estrade

« L'expression libre par l'imprimerie à l'école » (1924)

La pédagogie Freinet s'articule autour d'un projet, par exemple un journal réalisé avec une imprimerie scolaire.
Les caractères mobiles de l'imprimerie sont assemblés puis seront recouverts d'encre.

La première innovation de Freinet est le texte libre imprimé par les enfants eux-mêmes, grâce à des conférences, à des articles publiés dans l’École émancipée, dans Clarté, dans l’Imprimerie à l'école. Un texte est librement rédigé, à la maison ou à l'école, individuellement ou collectivement. Il est choisi par la classe pour être imprimé. Il est exploité grammaticalement et analysé du point de vue des intérêts des élèves qu'il révèle. Les questions et les problèmes dégagés, d'ordre historique, géographique, technique, etc. donnent l'occasion d'expériences physiques, de travaux d'atelier, de recherches documentaires. La classe se répartit les tâches ainsi induites. Dans un agenda sont inscrits les travaux à faire ultérieurement, les suggestions de visite, les questions pouvant faire l'objet de la correspondance scolaire. La rédaction libre est grandement motivée par « sa transcription majestueuse en caractère imprimé, son illustration et sa diffusion ».

Le travail de groupe

Freinet adopte la pédagogie de groupe élaborée par Roger Cousinet. Dès 1920, avec une poignée d’instituteurs volontaires, Cousinet expérimente sa méthode de travail libre par groupes. Son hypothèse de départ est simple ; les enfants sont capables d’organisation, d’effort, de persévérance pour des activités qui leur plaisent, comme les jeux. Pourquoi ne montreraient-ils pas les mêmes qualités pour des travaux qu’ils seraient à même de choisir et de conduire par eux-mêmes ? Au lieu d’enseigner, le maître prépare des documents, des objets, des plantes, des minéraux. Très vite, les enfants apportent les objets qui les intéressent. Le maître propose aux enfants de former librement de petits groupes de travail ; nous entrerons dans les détails un peu plus loin. Parmi les activités que choisissent les enfants, Cousinet propose, à l’imitation de Tolstoï, la rédaction de textes d’enfants, L’oiseau bleu (1920-1928).

La coopérative scolaire (1924)

L'idée vient de Barthélemy Profit. L'aspect communautaire prend la forme d'une communauté coopérative active, incarnée par la coopérative scolaire gérée par les élèves ; achat de disques, location de films, distribution de tâches, etc.

L'école Freinet donne un sens encore plus large au mot "coopérative" : « La coopérative, c’est à la fois le bien commun, le lien du groupe, l’outil d’autogestion, le forum, l’école de la démocratie. Les réunions sont hebdomadaires. Au minimum, il s’agit d’un tour de tous les plans de travail. Mais presque chaque semaine on débat ensuite d’un sujet important pour le moment ou on prend collectivement des décisions qui concernent tout le monde. Décision de participer ou non à un concours ; choix de ce qu’on fera pour y participer ; sélection de ce qui sera planté ou semé dans le potager ; décisions sur des achats ; réponse/débat au sujet des questions de la boîte à questions ; élaboration ou modification du règlement intérieur ; distribution des responsabilités ; élections… Comme il y a un (ou une) responsable de la coopérative, élu(e), c’est lui ou elle qui préside les débats, donne la parole, fait le compte-rendu ou attribue cette tâche à un autre enfant. Le rôle de l'instituteur se limite à veiller à ce que tout se passe bien, à prendre des décisions qui ne peuvent être prises par les enfants, à accélérer un peu lorsque le débat s’enlise. »

Le journal mural (1925)

D'un retour de voyage en U.R.S.S., en 1925, il adopte la technique du journal mural. Les élèves confectionnent un journal scolaire, affiché chaque semaine avec trois colonnes (critiques, félicitations, demandes).

La coopération entre instituteurs (1925)

Freinet réalise un bulletin de liaison, il va dans divers colloques, il crée une revue pédagogique (Le nouvel éducateur, appelé d'abord, en 1932, L'éducateur prolétarien), il favorise un réseau d'écoles se réclamant de sa pédagogie (1937)...

La « boîte aux questions » ou « l'agenda scolaire »

Dans la boîte à questions l'élève dépose une question, à laquelle le maître répondra. Plus tard, ce sera l'agenda scolaire. « Agenda scolaire. Préférable à la « Boîte aux questions » de destination similaire, sur lequel les élèves inscrivent les questions auxquelles vous répondrez conformément à nos indications. Mode d’emploi ; Questions, comptes rendus, conférences. »

La correspondance inter-scolaire (1926)

« Nous avons fait mieux en 1925-1926 [à Bar-sur-Loup]. Non seulement les enfants mieux entraînés composent très aisément des textes plus longs, mais surtout nous avons organisé l'échange régulier de nos imprimés avec une classe de Villeurbanne. » « La correspondance avec une autre classe, plus ou moins éloignée géographiquement, est une ouverture de l'école vers l’extérieur d’une richesse infinie. Cela permet d’abord de motiver l’écriture, la lecture, le dessin. Cela fait découvrir de façon concrète d’autres modes de vie, d’autres contextes géographiques et culturels. Cela crée des attentes, des buts. Cela procure un public et des interlocuteurs pour les réalisations de toutes sortes. Les enfants peuvent partager avec leurs correspondants des recherches, des découvertes, des lectures. Il y a aussi un côté affectif puisque la communication se fait de classe à classe mais aussi d’enfant à enfant : chacun a son correspondant. Si l’on arrive à trouver les fonds, cela permet même de voyager à moindre frais puisque chaque enfant est reçu chez son correspondant. »

La cinémathèque coopérative de l'enseignement laïc (1927)

Freinet adopte le cinéma et la radio à but pédagogique dès 1927.

La publication de textes et de dessins d'enfants (1927)

La transcription de récits de la tradition orale (1927)

En 1927, les élèves transcrivent un conte populaire, Péquénain.

Le dessin libre (1931)

Après son mariage avec Élise Lagier-Bruno (1926), qui avait une carrière d'illustratrice et de graveur (prix Gustave Doré en 1927), Célestin Freinet fait entrer les activités d'art et de dessin libre à l'école.

Le travail libre

Freinet connaît le Dalton Plan, une méthode de travail personnel de l'élève d'après un plan fourni par le maître. Chez Freinet, les élèves élaborent avec le maître un plan général de travail pour la semaine, ainsi qu'un plan de travail individuel ou l'élève inscrit les tâches qu'il veut accomplir. Le travail libre de l'élève est rendu possible par la production d'une bibliothèque de travail, par des fichiers scolaires coopératifs, par des visites, enquêtes... On a donc le plan général, les plans annuels et mensuels, qui sont collectifs,, et de plans hebdomadaires et quotidiens, qui sont individuels.

Les fichiers scolaires coopératifs (1929) : les F.S.C.

Les fichiers scolaires coopératifs comportent des fiches en grammaire, calcul, etc. La documentation comprend trois sortes de fiches ; les fiches documentaires donnant des indications précises, les fiches mères contenant l'indication des notions à acquérir, les fiches d'exercices renfermant des séries de problèmes et exercices divers et gradués pour le travail individuel. Le fichier scolaire est classé selon la méthode décimale. Il se compose de fiches contenant des textes sur les sujets les plus divers. Sur ce plan le travail est organisé d'une manière coopérative.

Freinet s'oppose au manuel scolaire :

« Le manuel fatigue nécessairement par sa monotonie. Il est fait pour des enfants par des adultes. Il est un moyen d'abrutissement. Il continue à inculquer l'idolâtrie de l'écriture imprimée. Il asservit aussi les maîtres en les habituant à distribuer uniformément la matière incluse à tous les enfants. On moule déjà l'enfant à la pensée des autres et on tue lentement sa propre pensée. »

La Bibliothèque de travail (1932) : la B.T.

La Bibliothèque de travail est constituée de brochures documentaires. Au début, un érudit, Alfred Carlier, aide à la confection des brochures. La première a pour titre ; Chariots et carrosses. En 1988, le millième numéro de la série Bibliothèque de travail a été édité.

Contrôle et auto-correction : les fiches auto-correctrices (1932)

Le contrôle est assuré par la comparaison entre le plan individuel de travail avec le plan exécuté, par l'auto-contrôle (fiches auto-correctrices), par l'attribution d'une note appréciative de la discipline, de la propreté et de la vie communautaire, enfin par la délivrance de « brevets » concernant les travaux pratiques réalisés par l'élève.

Végétarisme, douche froide... (1935)

Sous l'influence de son épouse, Élise, l'école de Vence, qu'il vient de fonder (1935), prône la nourriture végétarienne, le bain froid, le naturisme, les bains de soleil, les médecines alternatives, etc.

La solidarité (1937)

À l'école de Vence, Freinet accueille en 1937 des jeunes réfugiés espagnols, victimes de la guerre civile en Espagne.

Le tâtonnement expérimental (1943)

Selon Freinet, l'enfant apprend par tâtonnement expérimental.

« Il s’agit de laisser les enfants émettre leurs propres hypothèses, faire leurs propres découvertes, éventuellement constater et admettre leurs échecs mais aussi parvenir à de belles réussites dont ils peuvent se sentir les vrais auteurs. Les résultats ? Une motivation très forte, une implication immédiate de chaque enfant, qui acquiert ainsi confiance en lui et en ses possibilités de progresser par lui-même. L’intérêt réside aussi dans le fait qu’il est inutile d’apprendre par cœur quelque chose que l’on a découvert par le tâtonnement expérimental ; on s’en souvient sans effort. [...]
Il est important de préciser la part de l’enseignant dans ce qui n’est que du tâtonnement. Le rôle de l’instituteur est de transformer cela en foisonnement organisé. Il suffit de beaucoup d’écoute et de quelques interventions au bon moment, soit pour donner un petit coup de pouce à une idée intéressante émise par un élève et qui ouvre des portes sur la compréhension du phénomène observé, soit, mais le plus rarement possible, pour proposer un changement de cap si la recherche ou la discussion s’enlisent ou partent dans une direction vraiment stérile, soit pour indiquer des pistes documentaires pour poursuivre la recherche ou valider des intuitions ; dictionnaire, livre, Internet.
Le tâtonnement expérimental peut-être utilisé en sciences, mais aussi en histoire, en géographie, et même pour l’apprentissage de la lecture ou du calcul. »

Vivarium, « jardin scolaire », musée... (1946)

Freinet recommande « l'administration du jardin », le musée, le vivarium... :

« Si l’école possède un jardin, cédez-le aux enfants qui le travailleront eux-mêmes, avec votre aide et vos conseils, sous l’égide et au bénéfice exclusif de leur Coopérative. Sinon, tâchez de vous en procurer un, le moins loin possible de l’école : potager, parterre, fruitier, pépinière, ruches, lapins, oiseaux, poules, chèvres (selon la région, les préférences et les possibilités). Mode d’emploi : Technique du milieu local (BENP n°12). »

La méthode naturelle (1947)

Freinet a découvert cette méthode en observant parler, marcher, lire sa propre fille, Baloulette (Madeleine Freinet, née en 1929). Il prône la « méthode naturelle », appuyé sur le tâtonnement expérimental, la libre expression, le matériel pédagogique.

« Par la méthode naturelle, l'enfant lit et écrit bien avant d'être en possession des mécanismes de base, parce qu'il accède à la lecture par d'autres voies complexes, qui sont celles de la sensation, de l'intuition et de l'affectivité dans le milieu social... L'élève de l'école moderne cherchera d'abord à comprendre ce que signifient les signes, parce que, pour lui, pour la construction de sa vie, seul le sens importe. Nous le verrons alors scruter le texte globalement et ajuster les connaissances techniques qu'il a pu acquérir par ses précédentes expériences et qui joueront le rôle de poteaux indicateurs qui l'aideront à s'orienter. »
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