Introduction
Le QWIP (Quantum Well Infrared Photodetector : en français : « photodétecteur infrarouge à puits quantiques ») est un détecteur de rayonnement infrarouge. La gamme de longueurs d'onde couverte en 2007 s'étend de 3 µm à plus de 30 µm. Ce type de détecteur est sensible au rayonnement thermique émis par tout corps dont la température n'est pas nulle (selon la loi de rayonnement du corps noir introduite par Max Planck).
Introduction
Le QWIP est un détecteur quantique : l'absorption du rayonnement incident se fait par l'intermédiaire d'une transition électronique. Cette transition a lieu entre le niveau fondamental du puits quantique et le premier niveau excité. Si un seul niveau confiné existe, la transition a lieu entre le niveau fondamental et le continuum d'états délocalisés.
Les règles de sélection régissant l'interaction entre rayonnement électromagnétique et électrons conduisent à deux caractéristiques très importantes de ce composant :
- l'absorption est résonante : le détecteur absorbe dans une bande étroite de longueurs d'ondes, son absorption se présente sous la forme d'un pic caractérisé par la position de son maximum et par sa largeur à mi-hauteur. Pour un pic centré à 9 µm, la largeur à mi-hauteur du pic est proche de 1 µm;
- l'absorption du rayonnement arrivant à incidence normale est faible (théoriquement nulle pour un détecteur de surface infinie). Il faut par conséquent munir chaque élément détecteur (pixel) d'une structure de couplage optique, par exemple un réseau de diffraction fonctionnant en reflexion.
Le QWIP est un détecteur refroidi. En effet, les transitions électroniques mises en jeu peuvent aussi être excitées par les phonons, c’est-à-dire par les vibrations du réseau cristallin. Pour réduire ces vibrations il faut refroidir le détecteur. La température de fonctionnement dépend de la longueur d'onde. Pour un QWIP détectant à 9 µm, la température de fonctionnement dépasse aujourd'hui 77 K (-196 °C, température de l'azote liquide).
Le QWIP est un détecteur unipolaire: le courant électrique est du uniquement aux électrons. Il s'agit d'une différence majeure par rapport aux autres technologies de détection, qui exploitent des photodiodes (jonctions pn). Dans une photodiode les photons incidents excitent les électrons de la bande de valence vers la bande de conduction d'un semi-conducteur. Le courant est porté à la fois par les électrons et les trous. Une photodiode est par conséquent un composant bi-polaire.
La technologie QWIP exploite la filière industrielle des semi-conducteurs III-V: le GaAs et ses alliages (AlGaAs, InGaAs). Les QWIPs bénéficient de tous les avantages de cette technologie duale, développée pour les applications de la micro-électronique (e.g. téléphones portables) et de l'opto-électronique (télécommunications sur fibre):
- disponibilité de substrats de grande taille. Les galettes (wafers en anglais) GaAs atteignent aujourd'hui des diamètres de 6 pouces (15 cm). En comparaison, les substrats utilisés pour le mercatel (HgCdTe, matériau de référence pour la détection infrarouge) ne dépassent pas 5 cm de diamètre. La disponibilité de grands substrats permet d'entreprendre la fabrication de matrices de détecteurs de grande taille;
- excellente uniformité et reproductibilité du matériau. Ce point est très important pour les détecteurs au format matriciel et pour une activité de production à couts réduits;
- taux de défauts très faible. Dans une matrice de détecteurs chaque pixel est important. Il est indispensable de réduire au maximum le nombre total de pixels défectueux ainsi que le nombre de clusters (groupes de pixels défectueux). L'état de l'art actuel est de quelques dizaines de pixels non exploitables pour une matrice au format 640x512 (soit un taux d'opérabilité supérieur à 99.97%);
- rendement de fabrication très élevé. La disponibilité de grands wafers permet de réaliser plusieurs dizaines de matrices en parallèle. Le faible nombre de défauts permet d'atteindre des rendements de fabrication proches de 90%, avec des moyens technologiques relativement modestes;
- excellente stabilité temporelle de l'image. Les détecteurs QWIP se caractérisent en effet par un bruit basse fréquence (connu sous le nom de bruit en 1/f) négligeable. Contrairement aux autres technologies d'imagerie infrarouge, il n'est pas nécessaire de réaliser une correction de l'image à intervalles réguliers. Ceci permet de concevoir des systèmes plus faciles à mettre en oeuvre pour l'utilisteur final.
Les QWIPs sont particulièrement bien adaptés pour les applications d'imagerie rapide (plus de 50 images par seconde), longue distance (plusieurs kilomètres), nécessitant une grande résolution et une grande sensibilité. Voici une liste non exhaustive des applications envisageables :
- télé-surveillance par tout temps (nuit, brouillard). Quelques exemples: surveillance du littoral, surveillance d'oléoducs;
- aide à l'atterrissage des avions par mauvaises conditions météo (brouillard);
- applications médicales : détection du cancer du sein, aide visuelle lors d'interventions chirurgicales sensibles ...
- détection à distance de produits dangereux (explosifs, gaz toxiques);
- satellites météorologiques;
- imagerie et spectroscopie spatiale (astronomie);
- applications militaires : viseurs de char, caméras embarquées sur véhicules, jumelles portables, détection de mines enfouies ...
Outre l'imagerie thermique classique, dans une bande spectrale donnée, les QWIPs ouvrent la voie à d'autres applications, dites de troisième génération:
- imagerie haute résolution (format haute définition, 1280x1024 pixels);
- imagerie multi-spectrale. Grâce à leur absorption résonante les QWIPs permettent de détecter au sein du même pixel plusieurs longueurs d'onde. A ce jour des démonstrations ont été faites pour les bandes 3-5 µm / 8-10 µm et 8-10 µm / 10-12 µm. Un imageur multi-spectral permet d'accéder à la température absolue des objets, ainsi qu'à leurs constitution chimique;
- imagerie polarimétrique. Un imageur polarimétrique est sensible d'une part à l'intensité du rayonnement, d'autre part à la polarisation de ce rayonnement. Les QWIPs sont actuellement la seule technologie au monde permettant d'intégrer de manière monolithique une matrice de détecteurs et une matrice de polariseurs. C'est la structure de couplage optique (e.g. réseau lamellaire 1D) qui joue le rôle de polariseur. Un tel imageur thermique permettrait par exemple de détecter les objets manufacturés dans un environnement quelconque;
En France, les QWIPs sont promus principalement par le laboratoire de recherche de la société THALES, ancienne Thomson. La recherche, le développement ainsi que la production sont assurées par le Groupement d'Intérêt Economique (GIE) Alcatel-Thales III-V Lab. Des caméras infrarouge à base de QWIPs sont réalisées en France par Thales et Cedip. Sofradir est un autre acteur important dans le domaine infrarouge aussi bien en France qu'à l'étranger.
Au niveau mondial, les détecteurs à puits quantiques sont étudiés et réalisés aux États-Unis, Allemagne, Suède, Israel, Canada, Australie. De plus en plus de pays s'y intéressent (Turquie, Inde, Corée du Sud) grâce à l'accessibilité de la technologie III-V (la recherche peut être menée dans un laboratoire universitaire).