En 1912, René Jeannel, nommé boursier de l'Institut Pasteur, revient à Paris et y rencontre Émile Brumpt (1877-1951) avec qui il étudie les insectes piqueurs à Paris, chez Louis Eugène Bouvier (1856-1944), au Muséum. Puis survient la Première Guerre mondiale et Jeannel reprend son métier de médecin comme chirurgien d'ambulance : Verdun, les Éparges, la Somme… Il s'en tirera indemne.
Après la guerre, il est maître de conférences à la faculté des sciences de Toulouse. Mais en 1921, Racovitza, rentré en Roumanie, fait nommer René Jeannel professeur de biologie générale à la faculté de médecine de Cluj, et René accompagné de sa famille débarque en Roumanie pour y prendre ses fonctions. Rejoint, en 1924, par le suisse Pierre-Alfred Chappuis (1893-1959), les trois hommes créent l’Institut mondial de spéléologie dont la revue Biospeleogica atteint une réputation internationale. Ils formaient un véritable trio de « mousque-sous-terres » scientifiques (en roumain musca = mouche) que la Roumanie honorera en les faisant membres d'honneur de son Académie royale. En 1923, la France récompense également Jeannel, en le faisant chevalier de la Légion d'honneur.
En 1927, René quitte la Roumanie et revient au Muséum où il fait construire le Vivarium que l'on peut toujours voir dans la Ménagerie du Jardin des plantes. Mais il continuera à se rendre deux ou trois mois par an à Cluj pour faire ses cours à la faculté de médecine. Il renoncera à ses fonctions en Roumanie à sa nomination comme professeur au Muséum en 1931, responsable de la chaire d'entomologie.
Par contre il continue ses expéditions outre-mer : l'Omo en Éthiopie en 1932-1933 avec Camille Arambourg (1885-1970) et Pierre-Alfred Chappuis, les îles australes subantarctiques (îles Kerguelen, Crozet, Saint Paul, Amsterdam…) en 1938-1939, et entre les deux, chaque année, d'innombrables explorations spéléologiques (environ 400) en Europe, en Amérique du nord, en Afrique. En 1935, René, fait officier de la Légion d'honneur à l'occasion du tricentenaire du Muséum, est devenu une célébrité, il sert de modèle à des personnages de roman (le Pr Paturel d'Arnould Galopin), de bandes dessinées, d'un film même (où parmi les figurants on compte les Blattes géantes du Vivarium), où sa distraction légendaire sert de contrepoint pittoresque à une érudition phénoménale (en réalité, quand il était concentré sur son travail, le reste du monde cessait d'exister pour lui, jusqu'à ce que la tâche fut achevée).
René Jeannel ne faisait pas de brouillons : il concevait ses livres dans sa tête, puis les rédigeait d'un jet ! Ses 511 publications totalisant plus de 20 000 pages, mais la clef de voûte de son œuvre est La Genèse des faunes terrestres (PUF, 1942) où il soutient la théorie de la dérive des continents, émise par Alfred Wegener (1880-1930), par des arguments biogéographiques, et cela alors que la majorité des géologues la rejetaient, car le « moteur » (la tectonique des plaques) n'avait pas encore été trouvé (il ne le sera qu'après sa mort).
Directeur du Muséum en 1951, commandeur de la Légion d'honneur, il prend sa retraite en 1952, après avoir fondé avec le zoologue toulousain Albert Vandel (1894-1980), le laboratoire souterrain de Moulis dans l’Ariège, pour étudier les animaux cavernicoles dans leur milieu. Le musée de Moulis porte le nom de René Jeannel. C’est dans cette grotte que sont formés tous les guides de visite des grottes de France.
Écologiste en avance sur son temps, Jeannel avait déjà compris que l'homme est « fils de la forêt et père du désert », un des agents destructeurs de la nature. Il avait, avec ses amis Emile Racovitza et Grigore Antipa (1867-1944), partagé les idées d'Ernst Haeckel (1834-1919), l'un des inventeurs de l'écologie, et il développa avec eux la démarche géonomique qui sera poursuivie plus tard par François Terrasson (1939-2006).