La synagogue de Baden-Baden a été construite en 1899 pour la communauté juive de Baden-Baden ainsi que pour les nombreux curistes juifs. Comme la majorité des synagogues en Allemagne, elle sera détruite par les nazis en 1938.
Baden-Baden, située dans le Land de Bade-Wurtemberg, se trouve à 40 kilomètres de Karlsruhe et 60 kilomètres de Strasbourg. Depuis la fin du XVIIIe siècle, la ville est une station thermale réputée dans toute l'Europe.
Baden-Baden compte actuellement 54 855 habitants (au 31 décembre 2006).
Du XVIe au XVIIIe siècle, le nombre de Juifs habitant Baden (devenu Baden-Baden à partir de 1931) se limite à une ou deux familles. Des documents font état d'un Aron établi dans la ville en 1681-1683, de Löw et sa femme Johanna et de Matz et sa femme Rebecca en 1685. Mais dès la moitié du XVIIIe siècle, Baden voit arriver un nombre grandissant de curistes juifs. Une source de la ville s'appelle même la Judenbrühbronnen (Fontaine chaude aux Juifs) ou la Judenquelle (Source aux Juifs) renommée par la suite Friedrichsquelle (Source Frédéric).
En 1809, la ville ouvre un nouveau bain public, et les Juifs y sont admis en troisième classe.
En décembre 1861, le baron Rothschild se voit interdire son installation en ville parce qu'il est juif. Malgré l'avis favorable des autorités de l'état, le conseil des citoyens de la ville, à la quasi unanimité, refuse l'enregistrement du baron qui a acquis à grand frais du terrain. Dans le grand-duché de Bade, l'installation d'un Juif dans une ville où n'habite aucun de ses coreligionnaires, est de la responsabilité de la ville.
En 1862, les Juifs du grand-duché obtiennent leur émancipation et peuvent s'installer librement dans toutes les villes du grand-duché. De nombreux Juifs s'installent alors à Baden-Baden, et la communauté est fondée le 2 novembre 1890.
Le nombre d'habitants juifs va croitre rapidement: en 1865 on ne compte encore que 18 habitants juifs pour une population totale de 9 280 habitants, soit 0,2 pourcent de la population. En 1875, il y a 84 Juifs pour une population de 14 251 habitants soit 0,6 pourcent. En 1880, légère diminution de la population: il y a 73 Juifs sur une population de 11 923 habitants. En 1895, 156 sur un total de 19 979 soit 0,8 pourcent et en 1900, 192 sur une population totale inchangée, soit 1,0 pourcent. En 1910, 302 sur un total de 22 066 soit 1,4 pourcent et en 1925, on atteint le chiffre le plus élevé avec 435 Juifs pour 25 692 habitants soit 1,7 pourcent de la population totale.
La communauté s'organise et possède un oratoire, puis une synagogue à partir de 1899, une école religieuse, un mikvé (bain rituel) et en 1921 un cimetière. Pour réduire les coûts, l'enseignant est aussi hazzan (chantre) et shohet (abatteur rituel). Pour les affaires religieuses, la communauté de Baden-Baden est rattachée au district rabbinique de Bühl.
L'intégration des Juifs au sein de la ville se fait très rapidement. Dès 1890, plusieurs Juifs sont membres de différents clubs locaux avec parfois des fonctions dirigeantes. De nombreux commerces sont détenus par des Juifs, et plusieurs médecins et avocats juifs ouvrent leur cabinet. En 1900, trois hôtels offrent des repas cachères: l'hôtel Tannhäuser détenu par Samuel Cahn et qui fonctionnera jusqu'en 1939 en tant que propriété de la famille Köhler-Stern; l'hôtel Hirsch-Herz depuis 1890 et propriété d'Alphons Weill; et l'hôtel Odenheimer depuis 1896, propriété de Ferdinand Odenheimer, puis de son gendre et sa fille Philipp et Mathilde Lieblich qui restera ouvert jusqu'en 1939.
L'Association des femmes israélites est créée en 1880 et compte 120 membres en 1925. De même une Caisse de secours pour les israélites indigents est fondée pour secourir les vagabonds. En 1913 s'ouvre une maison de repos pour les femmes, pouvant accueillir jusqu'à 150 pensionnaires. Pour l'année scolaire 1932/1933, 35 enfants juifs suivent les cours de religion enseignés par Max Grünfeld, qui est en même temps chantre à la synagogue. En 1932, le président de la communauté est le banquier Kahn.
Dès la fin de la Première Guerre mondiale, les actes antisémites se multiplient dans la ville, faisant fuir les curistes juifs et entraînant de nombreux habitants juifs à quitter la ville.
Depuis 1930, Baden-Baden est considérée comme un terrain de prédilection pour l'antisémitisme, avec entre autres le boycott des magasins juifs et de nombreuses agressions physiques et contre les biens juifs. Lors d'une réunion de protestation contre les agissements des nazis dans la ville thermale, le président du conseil municipal de la ville, Becker, très remonté contre la mauvaise publicité faite à sa ville, y prononce un discours: « J'entends partout comme un écho: "Éviter Baden-Baden, car c'est le repaire des plus féroces persécutions contre les Juifs!". J'ai peur de dire, hélas, que ces allégations ne sont que trop vraies. Presque tous les soirs, les maisons des citoyens juifs sont barbouillées de peinture. Les nazis n'ont pas peur de prendre la rue pour leur propagande, et les clients juifs des spas arrivant à la gare sont roués de coups, les obligeant à rebrousser chemin ».
En 1933, à l'arrivée au pouvoir des nazis, il ne reste plus que 260 Juifs sur une population totale de 30 262 habitants, soit 0,9 pourcent de la population. Entre 1933 et 1938, 65 Juifs réussiront à quitter la ville, dont 27 pour s'installer dans un autre pays.
Cependant, jusqu'au début de 1937, aucune mesure officielle de discrimination n'est prise par les pouvoirs publics afin de ne pas effrayer les curistes continuant de venir de l'étranger. Mais début 1937, sur décision du gouverneur du Reich et du Gauleiter de Bade, les curistes juifs sont définitivement exclus des établissements de cure ainsi que des parcs et jardins de la ville "dans le cadre de la politique de reconstruction économique et raciale". Seuls quatre hôtels sont autorisés à recevoir des Juifs.
Le 10 novembre 1938 à l'aube de ce qui sera nommé la nuit de Cristal, plus de 90 Juifs vivant à Baden-Baden sont arrêtés par la police et conduits dans la cour de l'ancien poste de police, situé près des thermes actuels de Caracalla. Vers midi, ils sont emmenés en colonne jusqu'à la synagogue. Tout au long du chemin, ils sont humiliés, battus, fouettés par les SS et accompagnés par des centaines d'habitants de la ville hurlant des slogans antisémites. Certains des prisonniers s'évanouissent et doivent être portés par leurs voisins.
A l'intérieur de la synagogue, les SS tentent de mettre le feu à la galerie des femmes. La foule profane et pille le lieu de culte. Devant ses coreligionnaires réunis, un des Juifs est forcé de lire à haute voix, Mein Kampf. Les malades et les personnes âgées sont alors relâchés, et les 60 hommes restants sont entassés dans un bus et conduits à la gare de Baden-Baden. De là, par train spécial, avec d'autres Juifs de la région de la Forêt-Noire, ils sont déportés au Camp de concentration de Dachau.
Le 22 octobre 1940, 106 Juifs sont déportés de Baden-Baden au camp de Gurs en France. Au moins 14 d'entre eux sont morts à Auschwitz, un autre à Lublin-Majdanek, et 22 autres dans différents camps. En 1941, il ne reste plus que 44 Juifs dans la ville. Ils sont déportés à Lublin et de là envoyés à Theresienstadt. Seuls deux rentreront dans leur ville natale après la guerre, tous les autres ont péri. Seuls resteront dans la ville quelque rares Mischehe privilégiés (nés de couple mixte juif et aryen).
Le cimetière juif de Baden-Baden (à Lichtental), suite à un décret du 12 septembre 1941, émis par le ministre de l'intérieur du gau de Bade-Alsace, n'est exceptionnellement ni fermé ni vendu comme le seront de nombreux autres cimetières juifs.