La violence en général recouvre une diversité de comportements ou d'actes individuels, interpersonnels ou même collectifs. D'une époque comme d'une société à l'autre, comme le rappelle Yves Michaud, les formes de violence employées et leur intensité ont beaucoup varié. On parlera par exemple aujourd'hui d'une « violence routière » ou d'une « insécurité routière ». De plus, notre sensibilité à ces formes de violence elle-même a changé, toujours selon Yves Michaud, l'extension de l'incrimination dans le droit pénal. Dans un même mouvement, le droit pénal pense de plus en plus la violence comme n'étant plus de plusieurs facteurs tels que la scolarisation, la diffusion des codes de cour et, enfin, l'urbanisation. La ville est donc ici réputée à l'origine de l'intériorisation de sa violence par l'Homme : l'évolution au sein de masses lui a imposé plus de retenue dans ses actes.
À la suite de Norbert Elias, l'historien Jean-Claude Chesnais a souligné à son tour la baisse tendancielle de la violence dans les sociétés modernes en n'étudiant cependant que la violence proprement physique. Mais d'autres théoriciens sont venus contredire cette idée à la suite des travaux que l'historien américain Tedd Gurr a réalisés dans les années 1970-1980, et qui interprètent la violence en termes de privation : elle se développerait lorsque l'élévation des aspirations des individus ne s'accompagne plus d'une amélioration comparable de leurs conditions de vie. C'est ce qui se serait produit dans les sociétés occidentales à partir des années 30, décennie au cours de laquelle Ted Gurr observe un retournement de tendance complet, c'est-à-dire désormais l'augmentation durable de la violence homicide, de la criminalité, des vols ou de la délinquance, selon une courbe en J. La thèse de Ted Gurr est parfois évoquée sous le nom de « théorie de la courbe en J » pour cette raison. En France, selon Sebastian Roché, cette montée continue s'observe à partir du milieu des années 50. Elle est par conséquent indépendante, selon lui, du contexte économique : « La délinquance en particulier augmente durant les années de reconstruction et de prospérité. Depuis le milieu des années 80, elle tend à stagner, et ce malgré l'augmentation du chômage de longue durée et les phénomènes d'exclusion ». Même si ce schéma est lui-même contesté, il faut garder ces observations en tête pour l'étude des violences urbaines proprement dites, dont l'évolution est différente.
Auparavant, il nous faut rappeler qu'un des principes d'organisation de la ville a toujours été pensée comme le refoulement de la violence hors de ses murs, en opposition à la campagne alentour, une campagne considérée comme le lieu de toutes les jacqueries et de tous les pillages, une campagne où le mouvement de pacification a été très tardif, ce qui explique d'ailleurs l'exode rural massif vers « la lueur libératrice de l'anonymat » des villes, selon l'expression de l'historienne Élisabeth Claverie. Il faut bien voir cependant que cet anonymat est ambivalent car il est aussi la condition d'existence de toutes sortes de trafics qui peuvent finalement contribuer à la violence de la ville.
Quoi qu’il en soit, comme le fait par exemple remarquer Michel Foucault dans Surveiller et punir, les grands complexes industriels européens ont été construits en lisière des villes pour prévenir les révoltes ouvrières. De même, aux États-Unis, les campus ont été bâtis hors des villes pour éloigner la menace étudiante... Aussi, lorsque la violence amorce une courbe en J après-guerre, consciemment ou non, les autorités vont décider de construire les grands ensembles où loger les populations les plus démunies en banlieue. Or, dans l'inconscient collectif, la banlieue est par excellence et depuis toujours le lieu en marge, celui qui accueillerait les « marginaux », les « barbares », autrement dit les « zoulous », pour reprendre un vocable idoine, les "sauvageons" pour reprendre un mot de Jean-Pierre Chevènement, la « racaille » pour reprendre Nicolas Sarkozy : dès le Moyen-Âge, la banlieue est cet espace qui se situe à une lieue de la ville et où cesse de s'appliquer le ban, c'est-à-dire le pouvoir seigneurial, cet espace au-delà duquel on est banni, on ne fait plus partie de la Cité, et donc de la civilisation... Les violences « urbaines » ne sont donc en fait le plus souvent que des violences périurbaines, en tout cas si l'on exclut de la définition les violences perpétrées au sein des manifestations qui revendiquent quant à elles logiquement une visibilité au cœur même du centre-ville : la violence se retrouve alors au cœur même de la ville du fait que cette dernière est le cœur du pouvoir politique à abattre. Pour le politique, qui est tenté de penser la violence comme contagieuse, cette mise à l’écart pourrait finalement être heureuse.