En 968, le diocèse de Metz était gouverné par l'évêque Thierry Ier. Monté sur le siège de saint Clément en 965, Thierry était un seigneur de haute naissance, apparenté notamment aux rois de France et à l'empereur du Saint Empire romain germanique qu'il a suivi dans ses voyages en Italie et d'où il a ramené les reliques de Vincent de Saragosse. Pour renfermer ces reliques, Thierry Ier décida de fonder une abbaye qu'il confierait aux bénédictins. Il fit appel au concours des deux monastères les plus illustres de son diocèse : l'abbaye de Gorze, fondée par le grand évêque saint Chrodegang, et l'abbaye Saint-Arnould, sépulture des rois carolingiens. Ainsi, la première église abbatiale de Saint-Vincent, qui remplaça l'oratoire des vignerons de l'île Chambière, fut l’œuvre du moine Odilbert (ou Odolbert), prévôt de Gorze et par la suite abbé de Saint-Vincent. L'évêque Thierry fit la dédicace de la nouvelle église le 6 août 972 en y plaçant reliques de saint Vincent et de sainte Lucie, encore visibles, qu'il a rapportées de ses voyages en Italie aux côtés d'Otton Ier, premier prince du Saint-Empire romain germanique. Ainsi la nouvelle abbaye était placée sous la protection de saint Vincent mais aussi de sainte Lucie, ce qui est encore le cas aujourd'hui.
L'évêque est inhumé dans cette église en 984.
L'église de l'abbaye fut consacrée en 1030 par Théodoric II. L'empereur Othon II la prit sous sa protection, ainsi que le pape Jean XIII. Ceci exemptait l'abbaye du joug de tout pouvoir temporel et conférait à son abbé un pouvoir prédominant : il était autorisé, en absence de l'évêque, à célébrer la messe à la cathédrale. Ces droits furent confirmés en 1051, en 1096, et à la fin du XVIe siècle. L'abbaye de Saint-Vincent n'était pas seulement très puissante ; elle était aussi un centre d'enseignement, une véritable université avant la lettre. Le premier « écolâtre » de Saint-Vincent fut Adalbert qui nous a laissé un bel éloge de la ville de Metz. Mais le plus célèbre « écolâtre » fut Sigebert de Gembloux arrivé à Saint-Vincent en 1051. Il dirigea les écoles messines pendant vingt-cinq ans. Il s'agissait d'un érudit de grande renommée qui a laissé une histoire appelée Chronographie. Toutes les écoles monastiques, dispensaient le même enseignement, divisé en deux cours, l'un destiné à l'usage des religieux et novices de la maison, l'autre ciblant les disciples du dehors, clercs ou laïques, étrangers aux vœux monastiques. Les premiers, indépendamment des leçons qu'ils recevaient, étaient exercés par la copie des manuscrits, base essentielle des progrès de la bibliothèque, à l'art de la miniature, et au jeu des orgues.
Le fond des études consistait en deux niveaux, le trivium et le quadrivium. Le premier comprenait la grammaire, la rhétorique et la dialectique ; le second, l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique. Selon la carrière à laquelle se destinait chaque élève, on ajoutait à ces disciplines la médecine, la théologie scolastique, le droit civil et canonique. L'étude des langues grecque et hébraïque formait une sorte de couronnement de ce vaste programme. Le latin était d'autant plus sérieusement étudié que tous les enseignements se faisaient dans cette langue. L'abbaye Saint-Vincent était très riche et que la plupart de ses moines venaient de Gorze et de Saint-Arnould. Vers le milieu du XIIIe siècle, en raison de son essor grandissant, il devint nécessaire d'agrandir l'abbaye.