L'aristocratie est le groupe social qui a le plus répondu à la fondation de l'abbaye de La Crête, par le geste de l'aumône, considéré comme le moyen de racheter ses fautes aux yeux de Dieu et d'assurer le salut de son âme dans l'au-delà. On retrouve les comtes de Champagne: Henri Ier le Libéral stimule la métallurgie sur ses terres et cède aux moines une forge dans la forêt de Wassy en 1156; Thibaud IV le chansonnier s'associe à La Crête pour créer de nouveaux villages : Chantraines en 1224 et Bourdons-sur-Rognon en 1240. Les ducs de Lorraine se manifestent aussi notamment avec Simon II en 1181 et Mathieu II en 1235, qui exemptent les moines de La Crête de tout péage sur leurs terres, privilège considérable à une époque où les échanges s'intensifient.
Au degré inférieur, les seigneurs locaux représentent la majorité des donateurs de l'abbaye. On s'aperçoit que les principaux seigneurs à pourvoir La Crête au XIIe siècle sont d'origine variée (Écot, Vignory, Nogent, Plancy, Parroy, Épinal, Vaudremont...) mais au XIIIe siècle se dessine le rôle prédominant de certaines grandes familles locales : lesClefmont, les Nogent et les Joinville.
Enfin, les agents seigneuriaux (chargés de la justice et de la collecte des impôts des seigneurs) et les citadins (les bourgeois de Nogent et de Toul ainsi que des artisans et commerçants) interviennent en faveur de La Crête. Le haut-clergé apporte un soutien législatif à La Crête, indispensable à sa survie.
L'abbaye bénéficie de la protection de la papauté dès le XIIIe siècle. Trois bulles pontificales, de Grégoire IX en 1228, Innocent IV en 1253 et Boniface VIII en 1302, confirment les biens et privilèges de La Crête. Celle d'Alexandre IV en 1256 rappelle que l'ordre de Cîteaux n'est point soumis à la juridiction épiscopale. L'abbaye de La Crête, se situant au nord-est du diocèse de Langres, bénéficie de la protection des évêques de Langres qui confirment les possessions de l'abbaye. D'autres documents proviennent aussi d'évêchés voisins : Metz, Toul, Troyes, Châlons-en-Champagne et Reims.
Les autres actes émanant de religieux proviennent des établissements monastiques dont l'attitude est nettement moins favorable à La Crête. En effet, les donations émanant d'abbayes ou de prieurés se font toujours en contrepartie d'autres éléments (encens, réparations de toits). Une multitude de procès sont aussi conservés dans les archives, chaque établissement religieux cherchant à garder et protéger son patrimoine.
À La Crête, il ne reste pas de bâtiments du Moyen Âge. Néanmoins, le plan de 1705 peut nous aider à reconstituer la vie monastique. L'église est au centre du monastère, tout comme la prière est au centre de la vie du moine. Elle est orientée vers l'est, le soleil levant, c'est-à-dire le symbole de la lumière divine. Dans cette église, les moines y prient plusieurs fois par jour et aussi la nuit.
Le cloître est la cour autour de laquelle s'organisent l'église et les autres bâtiments. C'est un lieu de prière, de méditation et de promenade aussi : « un lieu ouvert non pas sur l'extérieur mais sur le ciel, l'antichambre du paradis. »
Après l'office du matin a lieu le temps fort de la communauté : le chapitre, c'est-à-dire la réunion des moines autour de leur abbé dans la salle capitulaire, généralement près de l'église (comme à l'abbaye de Fontenay). C'est là où l'abbé répartit les tâches de la journée, lit un chapitre de la règle ou un texte sacré et le commente, lit les rouleaux de la mort (liste des religieux décédés dans l'année dans les monastères de l'ordre) et où les moines se confessent publiquement.
A La Crête, le dortoir est, comme il se doit, près de l'église puisque les moines doivent se lever la nuit pour prier. Ils dorment d'ailleurs dans leurs habits (vêtement blanc c'est-à-dire en tissu de laine non teinte d'où l'appellation de "moines blancs"). On distingue aussi à La Crête le dortoir des convers, c'est-à-dire des religieux qui ont prononcé des vœux qui les lient jusqu'à la mort, mais qui s'adonnent aux travaux manuels, principalement la culture des champs et l'élevage des troupeaux. Ils travaillent aussi au moulin, à la boulangerie, au four et au colombier. Ce dernier est un témoignage de l'architecture de ces édifices au Moyen Âge. On trouve aussi les bâtiments pour la vie quotidienne des moines : le réfectoire généralement près de la cuisine). Les moines y prennent leur repas en silence, constitué de pain et de légumes. Deux écuries et la grange dans la cour abbatiale ont été construites par les abbés commendataires, avec des pierres provenant de la démolition d'une partie du réfectoire et de l'infirmerie.
Enfin, on entre et on sort de l'abbaye par la porterie. C'est le très bel édifice qu'il nous reste actuellement à La Crête, du XVIIIe siècle, classé monument historique, derrière le charmant pont qui enjambe le Rognon. La porterie au Moyen Âge est le lien avec l'extérieur. C'est là où le visiteur est accueilli par le moine portier, tout visiteur étant à l'image du Christ et devant être reçu comme tel.
Les archives de l'abbaye de La Crête permettent aussi de reconstituer de façon partielle la communauté des moines de La Crête aux XIIe et XIIIe siècles. On trouve ainsi les traces de l'abbé, responsable des affaires spirituelles et temporelles du monastère, élu à vie par les moines. On retrouve aussi les auxiliaires de l'abbé : un prieur chargé de l'ordre intérieur, un cellerier pour les tâches domestiques, un sacristain en charge du service de l'église, un frère hôtelier qui accueille les hôtes de passage, un chantre qui dirige le chant dans le chœur et veille au bon déroulement des offices, un scribe pour rédiger les actes.