L'ancienne cathédrale Notre-Dame de Cambrai était un édifice de style gothique, construit aux XIIe et XIIIe siècles, détruit pendant la révolution française et aujourd'hui entièrement disparu. Siège d'un immense évêché, la cathédrale était connue comme la « merveille des Pays-Bas », en raison principalement de sa haute flèche ajourée.
La cathédrale gothique fut précédée de trois ou quatre églises bâties au même endroit, dans la partie occidentale de la ville actuelle, sur une pente descendant vers l'Escaut, à l'emplacement de l'actuelle Place Fénelon.
Il est fait mention d'une église Sainte-Marie à Cambrai pour la première fois en 525. Le bâtiment aurait peut-être été fait de bois, ou installé dans un temple païen. Cette première bâtisse fut détruite en 881 par les Normands et c'est l'évêque Dodilon qui la fit reconstruire, le nouvel édifice étant consacré en 890.
La cathédrale, devenue vétuste, fut entièrement reconstruite au XIe siècle, entre 1023 et 1030, par les évêques Gérard Ier (Gérard de Florennes) et Gérard II. Un incendie ravagea le monument dès 1064 ou 1068. La cathédrale fut à nouveau consacrée en 1079 et détruite par un nouvel incendie en 1148. Il en reste quelques beaux fragments sculptés conservés par les musées de Lille et de Cambrai.
En raison de la durée de sa construction (environ un siècle), la cathédrale de Cambrai ne présentait pas un style homogène, à la différence d'autres grands chantiers de la même époque, mais offrait en quelque sorte une synthèse du développement du nouveau style français, plus tard qualifié de « gothique », entre le milieu du XIIe siècle et celui du XIIIe.
Les premières caractéristiques du style gothique apparurent au milieu du XIIe siècle en Île-de-France, notamment à l'abbaye de Morienval et à celle de Saint-Denis. En 1144, la consécration du chœur de cette basilique marqua l'avènement d'une nouvelle architecture. C'est presque exactement le moment où fut entreprise la reconstruction de la cathédrale de Cambrai. Le premier chantier, celui du clocher-porche, s'inspira encore du style traditionnel hérité de l'âge carolingien. Élevés dans les deux dernières décennies du siècle, la nef et plus encore le transept étaient marqués par le nouveau style gothique. Enfin le chœur achevé au XIIIe siècle, inspiré de celui de Reims, représentait l'aboutissement du nouveau style, avec quelques tendances de gothique rayonnant.
Le porche de la cathédrale, édifié en premier, conservait une structure qui rappelait l'ancien style carolingien, ce qui ne surprend pas dans la mesure où Cambrai était un évêché impérial. Il est possible aussi que les bâtisseurs aient voulu réutiliser une partie de l'ancienne église romane détruite par le feu. Selon Louis Trenard le bloc de façade de Sainte-Marie de Cambrai aurait été proche de ceux d'édifices religieux de Westphalie et de Saxe, tels que Saint-Pantaléon de Cologne, l'abbaye de Corvey ou encore l'église de Freckenhorst.
| | |
La flèche haute de 114 mètres qui surmonte le clocher, visible sur le dessin de Boileux, ne fut construite que bien plus tard, à partir de 1360. Avant cette date la hauteur du clocher ne devait pas dépasser celle du toit de la nef.
Si le porche avait été reconstruit dans la tradition carolingienne du Saint-Empire, les bâtisseurs se donnèrent davantage de liberté pour l'édification de la nef. Du reste l'évêque Nicolas de Chièvres, contemporain et ami de l'abbé Suger, avait assisté à la consécration du chœur de l'abbaye de Saint-Denis en 1144 : il connaissait donc la nouvelle architecture.
Achevée en 1182, la nef présentait une forme « archaïque » de l'art nouveau avec une élévation à quatre niveaux telle qu'on peut la voir, par exemple, à Laon: grandes arcades entre les piles, surmontée de tribunes, d'un triforium et enfin de fenêtres hautes.
La nef s'élevait à 25 ou 27 mètres environ, et le vaisseau central, qui avait réutilisé les fondations romanes, ne mesurait que 10 mètres de large.
Les piles, au nombre de 16, étaient toutes identiques et entourées chacune de 16 colonnettes, à la manière de celles de la cathédrale de Rouen. Les tribunes, hautes de 7 mètres, étaient voûtées d'ogives, et il semble, sans que cela soit certain, que leurs baies n'aient pas été subdivisées: Thiébaut fait observer que c'est une solution qui a été souvent retenue dans le nord, ainsi qu'on le voit à la cathédrale de Tournai par exemple.
Le triforium était fait de baies en arcs brisés, et les fenêtres hautes étaient assez petites, ce qui explique que les contemporains aient reproché à l'édifice son manque de clarté. On sait enfin que des embryons d'arcs boutants passaient par-dessus les toitures latérales, pour venir contrebuter les voûtes d'ogives: l'architecture de la nef représentait donc un témoin important, mais aujourd'hui perdu, de l'évolution de l'art gothique à ses débuts.
|
Comme le chœur, le transept s'élevait sur quatre niveaux. Ainsi que le montre le plan dessiné par Boileux les deux croisillons étaient dissymétriques, chaque bras comprenant trois travées et un hémicycle à cinq pans. Pour les piles on avait utilisé des éléments montés en délit de pierre noire, qui contrastaient avec le blanc du calcaire. Cet effet de bichromie se retrouvera dans les constructions du style « early gothic » anglais, comme dans les cathédrale de Salisbury ou de Canterbury.
La croisée du transept était surmontée d'une tour-lanterne, que l'on surnommait la « tube », caractéristique du style gothique normand et que l'on retrouve aussi dans de nombreuses églises d'Angleterre. L'ensemble, pourvu à la construction d'arcs-boutants, représentait un des chefs-d'œuvre de l'art gothique naissant.
Le croquis du chœur laissé par Villard de Honnecourt montre qu'il avait d'abord été conçu sur le modèle de celui de Reims, pour finalement ressembler davantage à la nef d'Amiens construite par Robert de Luzarches. Le chœur fut achevé en 1251, et les chanoines en prirent possession le jour de Pâques. Jeanne, comtesse de Flandres et de Hainaut, avait donné les verrières sur lesquelles on voyait les figures des douze apôtres.
Des fouilles au XIXème siècle, lors de la rénovation d'une route qui longe cette place, permirent de redécouvrir une partie du chœur. Une autre en 1954, lors de la construction d'un bâtiment, permit de retrouver les fondations du transept sud. Enfin, une dernière dans les années 2000, lors de la construction du Gymnase du Lycée Fénelon, donna à voir les fondations de certains bâtiments de l'archevêché ainsi que quelques mobiliers (une clé dorée, etc...)
En 1161, les deux tours qui venaient d'être achevées s'effondrèrent, pour une raison qui n'est pas connue. L'évêque Nicolas Ier de Chièvres décida de les remplacer par une tour unique. La tour fut finalement achevée en 1182, c'est-à-dire en même temps que la nef. Elle fut surélevée à partir de 1360 environ et surmontée d'une remarquable flèche de pierre de forme pyramidale. La croix qui la surmontait fut placée en 1463.
La flèche, « Merveille des Pays-Bas », culminait à 114 m du sol. Elle était percée de nombreux ajours, autant, disait-on, que de jours dans l'année. Endommagée à de nombreuses reprises, elle dut souvent être réparée. Pour la protéger « des orages du ciel et des tentatives du démon » on avait enfermé dans une boîte de fer-blanc, au pied de la croix qui la surmontait, des reliques rapportées de Rome et des Agnus Dei : malgré ces précautions elle fut plusieurs fois frappée par la foudre. En 1606 une tempête violente y fit beaucoup de dégâts.