L'antiferromagnétisme est une propriété de certains milieux magnétiques. Dans cet article, on ne traite que de l'antiferromagnétisme localisé, les électrons responsables du magnétisme ne participant pas à la conduction électronique. Il est également possible d'observer un état analogue à l'antiferromagnétisme avec des électrons itinérants, on parle alors d'onde de densité de spin.
Dans un milieu antiferromagnétique, les interactions d'échange entre les spins électroniques localisés tendent à aligner les spins plus proches voisins dans la même direction mais avec des orientations opposées. De nombreux oxydes et halogénures de métaux de transition sont antiferromagnétiques. Il existe également des solides organiques qui sont antiferromagnétiques. Contrairement au cas du ferromagnétisme, l'état fondamental d'un système antiferromagnétique dépend de sa dimensionalité, du spin total des moments magnétiques électroniques, et de l'existence de frustration géométrique.
Dans le cas le plus simple (dimensionnalité suffisamment élevée et absence de frustration géométrique), l'état fondamental présente un ordre de Néel, dans lequel le système de spin se décompose en deux sous-réseaux, tels que l'aimantation par site de l'un des sous-réseau soit M, et celle de l'autre sous-réseau soit − M. Cet ordre a été proposé par le physicien français Louis Néel en 1936 à partir d'un modèle semi-classique du magnétisme. Cette théorie lui a valu le prix Nobel en 1970.
Dans le cas quantique, on peut partir du traitement classique de Néel, et construire une fonction d'onde pour les spins quantiques telle que tous les spins sur l'un des sous-réseaux soient dans l'état Sz = + S et tous les spins de l'autre sous-réseau soient dans l'état Sz = − S. Cette fonction d'onde est appelée état de Néel. Toutefois, l'état de Néel n'est pas un état propre exact du Hamiltonien de Heisenberg qui décrit la dynamique quantique des spins. En particulier, on peut montrer que l'état propre exact du Hamiltonien de Heisenberg antiferromagnétique est un état de spin total zéro (Marshall 1955; Lieb et Mattis, 1962; Lieb 1989) alors que l'état de Néel n'est pas invariant par rotation. Il résulte du fait que l'état de Néel n'est pas un état propre exact que l'aimantation alternée par site est réduite par les fluctuations quantiques et est toujours inférieure à S. Ces fluctuations autour de l'état de Néel peuvent être décrites comme des magnons présents même à T=0 (contrairement au cas ferromagnétique). La réduction de l'aimantation alternée est particulièrement forte lorsque les spins sont petits et la dimensionnalité est faible. On peut démontrer rigoureusement (Lieb, Dyson et Simon 1978 ; Kennedy Lieb et Shastry 1988) qu'en dimension 3, l'état fondamental du modèle de Heisenberg antiferromagnétique possède un ordre de Néel pour tout spin . En dimension 2, le même résultat est valable pour tout spin . Le cas d = 2,S = 1 / 2 a été étudié de façon extensive par des méthodes numériques, en raison de son importance pour les cuprates supraconducteurs non dopés. Ces études montrent que le fondamental du modèle de Heisenberg en dimension 2 avec spin 1/2 possède aussi un ordre de Néel.
Du point de vue expérimental, il est nécessaire pour mettre en évidence l'ordre de Néel d'utiliser une technique sensible au champ magnétique au niveau des atomes puisque les aimantations des sous-réseaux se compensent à l'échelle macroscopique. Parmi ces techniques, on peut citer la diffraction des neutrons qui a permis dans les années 1950 d'observer des pics de diffraction magnétiques dans MnF2. Une autre technique possible est la résonance magnétique nucléaire avec la mesure du déplacement de la raie de résonance RMN due au couplage hyperfin des spins nucléaires avec les spins électroniques (dont le signe dépendra du sous-réseau sur lequel se trouve le noyau atomique considéré). À la différence de la résonance magnétique nucléaire, la spectroscopie Mossbauer utilise des noyaux radioactifs (par exemple le Fer 57). Le couplage hyperfin produit un déplacement du spectre gamma émis par le noyau radioactif. L'analyse de ce spectre gamma permet donc de mettre en évidence l'ordre antiferromagnétique. Enfin, les muons sont également sensibles aux champs magnétiques à l'échelle atomique et l'implantation de muons dans un antiferromagnétique permet également de sonder les champs locaux.
L'application d'un champ magnétique sur un état de Néel produit un état de spin-flop.
Au-dessus d'une certaine température, appelée point de Néel, les aimantations moyennes des deux sous-réseaux sont nulles, et le corps devient paramagnétique. Au-dessus de la température de Néel, la susceptibilité magnétique varie comme .