La résonance magnétique nucléaire (RMN), aussi dénommée par son application la plus connue l'imagerie par résonance magnétique (IRM), est une technique d’analyse chimique et structurale non destructive très utilisée en physique (études de matériaux), chimie ou biochimie (structure de molécules) et pour l'imagerie médicale. C'est une technique de spectroscopie applicable aux particules ou ensembles de particules qui ont un spin nucléaire non nul.
Les physiciens Félix Bloch et Edward Mills Purcell reçurent le prix Nobel de physique en 1952 (trois prix Nobel sont actuellement attribués à cette découverte) pour leurs applications spectrométriques et d'imagerie. Ultérieurement ces mêmes techniques (1970) de spectrométrie RMN (spectroscopie RMN) ont été appliquées à l'imagerie médicale (zeugmatographie ) grâce au développement de l'informatique et la rapidité de calcul des array processeurs (processeurs vectoriels) et l'utilisation de la transformée de Fourier rapide (FFT).
Dans le phénomène de résonance magnétique nucléaire, un noyau atomique absorbe le rayonnement électromagnétique à une fréquence spécifique, caractéristique du noyau considéré, en présence d'un fort champ magnétique. Isidor Isaac Rabi a découvert ce phénomène en 1938. La résonance magnétique a été, par la suite, appliquée à la détection des atomes légers tel que l'hydrogène.
La RMN exploite une propriété particulière des particules quantiques qu'on appelle le spin. Toute particule possède un spin dont l'effet est similaire à celui d'un moment magnétique (i.e. une sorte de petit aimant). Il en résulte qu'un champ magnétique extérieur peut interagir avec le moment magnétique de spin, un peu comme le champ magnétique terrestre fait tourner l'aiguille d'une boussole.
Le spin du noyau d'un atome ou spin nucléaire dépend de son nombre de protons et de neutrons : les atomes dont les noyaux sont composés d'un nombre pair de protons et de neutrons possèdent un spin nul. Ainsi, les atomes de carbone (qui possède 6 protons + 6 neutrons sous sa forme isotopique la plus stable, dite carbone 12) et d'oxygène 16 (8 protons et 8 neutrons) sont très répandus mais leur spin nucléaire est nul. En revanche, d'autres noyaux ont un spin nucléaire différent de zéro, on va donc pouvoir interagir avec eux en RMN. Par exemple, le noyau de l'hydrogène n'est composé que d'un seul proton, le moment magnétique nucléaire de l'hydrogène est donc celui du proton isolé, à savoir s = 1 / 2. Or comme l'hydrogène est un élément très répandu, la résonance magnétique de l'hydrogène (dite aussi RMN du proton) est la plus utilisée mais on exploite aussi couramment la RMN du carbone 13 ou le deutérium (2H). Il est en particulier important de faire remarquer que l'adjectif nucléaire employé ici n'a aucun rapport avec les phénomènes de radioactivité, mais fait juste référence au noyau atomique.
La physique quantique nous apprend qu'un moment magnétique de spin 1/2 placé dans un champ magnétique extérieur possède deux niveaux d'énergie possibles. La RMN consiste à modifier le moment magnétique nucléaire, autrement dit à faire passer le noyau d'un niveau d'énergie à un autre, en appliquant des champs magnétiques à l'échantillon qu'on veut étudier. Lorsque l'énergie des photons qui constituent ces champs magnétiques correspond à l'énergie de transition d'un niveau d'énergie à l'autre, ces photons peuvent être absorbés par le noyau : il y a alors résonance. De façon imagée, on peut se représenter la résonance comme si les photons faisaient « basculer » le spin du noyau d'une orientation à une autre.
Comme l'énergie des photons d'un champ électromagnétique est directement dépendante de la fréquence de ce champ, on peut caractériser l'énergie de transition du moment magnétique de spin nucléaire en donnant la fréquence de l'onde électromagnétique qui permet la résonance. On parle donc de fréquence de résonance. Pour les champs usuels (de l'ordre du tesla), la résonance du proton a lieu dans le domaine des ondes radio (100 MHz environ) : 42 MHz dans un champ de 1,0 T et 63 MHz dans un champ de 1,5 T.
La relation mathématique existant entre le champ magnétique imposé de norme B0 et la fréquence de résonance (retournement de spin) ν0 est très simple (voir ci-dessous pour la démonstration) :
où γ est le rapport gyromagnétique caractéristique de chaque noyau étudié.
Ainsi le tableau suivant donne les valeurs de γ pour les noyaux les plus courants
Noyau | Spin Net | γ / 2π(MHz/T) |
---|---|---|
1H | 1/2 | 42,58 |
31P | 1/2 | 17,25 |
14N | 1 | 3,08 |
13C | 1/2 | 10,71 |
19F | 1/2 | 40,08 |
On voit ainsi que la fréquence de l'onde électromagnétique nécessaire pour la résonance du proton est environ 4 fois plus élevée que celle nécessaire pour la résonance du 13C.
La transition du spin vers son retour à l'équilibre (la relaxation) entraîne l'émission d'une onde électromagnétique qui peut être détectée par un capteur.
Lorsqu'un proton est soumis à un champ magnétique externe tel que B0, il aura tendance à s'orienter dans la direction de celui-ci ; mais, contrairement aux aimants à mémoire permanente, les protons ne vont pas tous s'orienter dans le même sens (nord-sud et sud-nord) en tournant autour de B0 avec un certain angle de précession. Les deux populations ainsi formées vont se répartir de façon soit parallèle (dans le même sens que B0) soit anti-parallèle (dans le sens contraire de B0).
Le phénomène de résonance magnétique peut être abordé selon deux modèles :
En mécanique classique, la description du phénomène de résonance magnétique permet d'aborder les notions de « double » précession. Une notion utile pour comprendre le phénomène de « bascule » du vecteur d'aimantation macroscopique par les RF lors de la résonance.
En absence de champ magnétique externe, les protons d'un échantillon tissulaire sont orientés de façon aléatoire dans l'espace sachant que la somme des vecteurs d'aimantation élémentaire (de chaque proton) microscopique est nulle et il n'y a pas de vecteur d'aimantation macroscopique (M=0). Lorsqu'un champ magnétique externe d'intensité significative est appliqué, les protons s'orientent dans sa direction sans être réellement parfaitement alignés à celui-ci. En effet, les protons tournent individuellement autour de B0 à une fréquence angulaire (c'est la précession) selon l'équation de Joseph Larmor, où ω0 est la fréquence angulaire de Larmor ou fréquence angulaire de résonance proportionnelle à B0 et γ est le rapport gyromagnétique (spécifique à chaque noyau) :
Chaque proton décrit un cône autour de B0, comme le ferait une toupie de gravitation terrestre (En réalité le proton décrit un double cône dont les sommets se rejoignent en son centre de gravité) selon leur sens parallèle (basse énergie) ou anti-parallèle (haute énergie).
La répartition des protons parallèles et anti-parallèles est à peu près équivalente. Cependant, il y a un peu plus de protons parallèles que de protons anti-parallèles, mais cette différence, si infime soit elle (pour un B0 = 0,5 tesla et à environ 37 °C sur 1 000 002 de protons d'hydrogène il y a 500 002 protons parallèles), suffit largement à produire un signal RMN à l'échelle tissulaire qui sera l'origine de la formation d'une image. Plus l'intensité du champ magnétique principal est grande plus la différence entre protons parallèles et anti-parallèles est grande et donc plus la quantité de signal est élevé.
Les protons parallèles surnuméraires vont être à l'origine de la formation d'un vecteur d'aimantation macroscopique M. À l'état d'équilibre, celui-ci est aligné sur B0 sans aimantation transversale mais en précession autour de cet axe (appelé par convention Mz) avec un angle donné. Ce phénomène de précession fait apparaitre une nouvelle composante longitudinale Mz (aimantation longitudinale) ; à l'équilibre cette aimantation est appelée M0z : Les précessions protoniques ne sont pas cohérentes ; pour un temps T donné et précis, les précessions sont dans différentes directions. On dit que les protons sont "déphasés" : il n'y a pas de composante transversale Mxy résultante. M0z croît avec la concentration en protons par unité de volume (c'est la densité protonique) et avec la force du champ magnétique principal.
Il est impossible, à cette étape, de mesurer le vecteur d'aimantation macroscopique : celui-ci étant dans le même sens et la même direction que B0, son signal est noyé dans celui du champ principal.
Pour pouvoir le mesurer, il va falloir trouver un moyen de le discriminer du champ magnétique principal, en le basculant dans le plan xOy par un deuxième champ magnétique dit "tournant" : B1 ou onde de radiofréquence (RF).
Le champ électromagnétique B1 est appliqué dans le plan xOy selon l'axe Ox. Pour qu'il y ait transfert d'énergie à ce système en état d'équilibre il faut que la fréquence de rotation ωr des ondes de radiofréquence soit synchrone à la fréquence de Larmor spécifique des protons dans le champ donné B0 : on dit alors que les deux systèmes sont en résonance (ω0 = ωr).
Lors de l'application du second champ magnétique le vecteur macroscopique M continue d'être en précession autour de Bo à la fréquence angulaire ω0.
Il se met également en précession autour de B1 à la fréquence angulaire ω1.
À ce moment, il y a donc trois fréquences angulaires qui s'appliquent sur les protons :
Rappelons aussi qu'à ce moment (ω0 = ωr) sinon il n'y a pas résonance.
En imagerie, le champ magnétique tournant (ou onde de radiofréquence) est appliqué pendant un temps très court de l'ordre de quelques millisecondes (ms) de telle sorte que M bascule d'un angle de 90° ou 180°. Pour mieux représenter cette réalité, on ne parle plus de l'application d'un "champ électromagnétique tournant" mais plutôt "d'impulsion de radiofréquence" ou encore "d'impulsion d'excitation" bien que cela ne change rien à la nature de B1 et que l'on continue à parler de la même chose.
Selon l'angle de bascule de M provoqué par l'onde RF et par convention, on parlera d'impulsion de 90° ou impulsion à 180°.
Dans une impulsion à 90° :
Dans une impulsion à 180° :
La durée de l'impulsion est directement proportionnelle à l'angle de bascule de M, ainsi on sait que T/4 pour une impulsion à 90° et T/2 pour une impulsion à 180° où T est la période de l'impulsion (une période T correspond au temps nécessaire à l'onde RF pour effectuer une bascule de 360° de M). Il faut donc deux fois plus de temps pour une impulsion à 180° que pour une impulsion à 90°.
Dès la fin de l'excitation, le vecteur M va retourner à l'état d'équilibre, tout en demeurant en précession autour de B0, avec diminution rapide de la composante transversale Mxy : C'est ce que l'on nomme les phénomène de relaxation. On parlera séparément de relaxation transversale et de relaxation longitudinale qui correspondent aux deux types d'aimantation tissulaire Mz et Mxy qui sont soumis à des mécanismes d'apparition et de disparition bien différents. Ceux-ci sont expliqués par le modèle quantique.
Le modèle quantique permet une autre approche des mécanismes de la RMN qui est indispensable à la compréhension des phénomènes de relaxation.
Les protons soumis à un champ magnétique externe ne peuvent présenter que deux orientations de spin : la parallèle et l'anti-parallèle. Par convention, on dit que le proton à un spin 1/2.
Comme énoncé brièvement plus haut, les deux conformations parallèle et anti-parallèle correspondent à deux niveaux d'énergie :
(où h est la constante de Planck)
L'énergie du proton parallèle est moins élevée que celle du proton anti-parallèle. La différence énergétique ΔE = E1 − E2 est proportionnelle à B0 Elle est trois fois plus élevée dans un champ de 1,5 Tesla que dans un champ de 0,5 Tesla.
Cette différence énergétique est mise à profit en IRM. Comme nous l'avons vu précédemment, le vecteur d'aimantation ne pouvait être récupéré car dans les mêmes sens et direction que le champ magnétique principal B0. Il fallait utiliser un champ magnétique tournant pour basculer ce vecteur et le rendre détectable. Nous tenterons ci-dessous de comprendre par quels phénomènes cette "bascule" a lieu.
Il est possible d'induire des transitions du niveau E1 au niveau E2 (et donc de modifier l'orientation de M) en induisant une onde de radiofréquence qui fournira une quantité énergétique exactement égale à ΔE
Cette quantité d'énergie E est directement proportionnelle à la fréquence des RFs, donc pour que E = ΔE il faut bien que Vr=V0 ou que ωr = ω0.
Les ondes de radiofréquence sont appliquées sous forme d'impulsions, c'est donc pendant ces courts laps de temps que vont se produire les transitions de protons du niveau de basse énergie E1 vers un niveau de haute énergie E2 (les protons parallèles s'orientent alors en anti-parallèles).
Lorsque la moitié des protons surnuméraires est passé en anti-parallèle, il y a égalisation des populations de haute et de basse énergie : c'est ce qu'il se produit lors d'une impulsion à 90° (voir sections ci-dessus). En revanche lors d'une impulsion à 180°, c'est la totalité des protons surnuméraires qui passent en anti-parallèle il y a donc inversion des populations. Lors de cette opération on observe donc la formation et la modification de la composante longitudinale de M (Mz), mais ceci n'explique pas l'apparition de la composante transversale de M.
Dans les sections précédentes, il a été remarqué que les spins des protons soumis à un champ magnétique étaient déphasés, c'est-à-dire qu'ils se mouvaient de manière anarchiques. Cependant lorsque les protons changent d'orientation, sous l'impulsion des ondes de radiofréquence, il y a mise en phase des uns par rapport aux autres. Ce phénomène entraîne l'apparition macroscopique d'une composante transversale de M (Mxy).
Dès la fin de l'excitation, il va y avoir un retour à l'état d'équilibre.
D'une part par une réapparition (repousse) progressive de l'aimantation longitudinale Mz (relaxation T1) et par une disparition rapide de l'aimantation transversale Mxy (relaxation T2). C'est par la relaxation des protons que le phénomène de résonance magnétique nucléaire devient détectable.
Soit :
La relaxation se fait exponentiellement. Si M0 est la valeur à l'équilibre de l'aimantation longitudinale et supposons que l'aimantation initiale est nulle (après une impulsion électromagnétique de pi/2), on peut écrire:
M(t)=M0 [1-exp(-t/T1)]
On voit qu'après un temps suffisamment grand, le moment retourne à sa valeur d'équilibre.