L'ascenseur spatial est un concept de transport spatial entre la surface et une orbite autour de la Terre (ou une autre planète). Il se fonde sur l'idée d'un câble maintenu tendu par la force centrifuge due à la rotation de la Terre sur elle-même. Pour être en équilibre, le câble doit s'allonger au-delà de l'orbite géostationnaire (36 000 km), à partir de laquelle la force centrifuge dépasse la force de gravitation. Une fois en place, des nacelles montant le long du câble permettraient de rejoindre l'orbite de façon plus économique qu'avec un lanceur spatial classique comme une fusée.
L'idée développée dans les années 1950 s'est heurtée à de nombreuses contraintes technologiques, et en premier lieu à l'inexistence d'un matériau à la fois suffisamment léger et résistant pour résister à la tension engendrée par le propre poids du câble. La découverte dans les années 1980-90 des nanotubes de carbone, dont les propriétés mécaniques théoriques pourraient être suffisantes, a relancé un certain intérêt pour le concept, qui reste cependant pour l'instant du domaine de l'utopie ou de la science fiction.
Le concept d'ascenseur spatial a été inventé par le pionnier russe de l'astronautique Constantin Tsiolkovski en 1895 . Sur le modèle de la Tour Eiffel, qui vient d'être achevée en 1889, il imagine une tour de 36 000 km de haut, qui permettrait d'amener par un ascenseur des charges en orbites.
Si le concept de l'ascenseur spatial a été vite relancé par Iouri Artsoutanov en 1960, il n'a été présenté qu'en 1978 au grand public par Arthur C. Clarke, dans son roman de science-fiction Les Fontaines du paradis. Il est aussi appelé tour orbitale (orbital tower en anglais).
Clarke décrit la construction, à partir d'une station spatiale, d'une gigantesque tour destinée à constituer un lien fixe entre la surface terrestre et un contre-poids en orbite géostationnaire. L'équilibre de l'ensemble est assuré en permanence, par la construction d'un autre élément de tour dans la direction opposée. Au total, c'est une sorte de fronde de 72 000 kilomètres de long qu'il faut réaliser.
Comme souvent, Clarke s'est inspiré de travaux scientifiques réels, en particulier ceux du soviétique Iouri Artsoutanov en 1957 et ceux que quatre américains (John D. Isaacs, Hugh Bradner, George E. Backus du Scripps Institution of Oceanography, et Allyn C. Vine du Wood's Hole Oceanography Institute) ont publié le 11 février 1966, dans la revue Science (Satellite elongation into a true « Sky Hook »).
En 1975 un autre américain, Jerome Pearson, propose d'adopter une structure en forme de long ruban, dont une extrémité jouerait elle-même le rôle de contre-poids. C'est devenu un projet de 144 000 kilomètres (38 % de la distance Terre - Lune) mais il n'est plus nécessaire d'arrimer aussi solidement la base terrestre de l'ouvrage (dans le roman de Clarke, la base de la tour est ancrée de plusieurs kilomètres dans le sous-sol).
Le système est en équilibre car la moitié du câble se situe au-dessus de l'orbite géostationnaire (environ 36 000 km de la surface terrestre) alors que l'autre moitié se trouve en dessous. Ainsi la moitié inférieure "tire" l'ensemble vers le bas à cause du poids du câble alors que la partie supérieure "tire" vers le haut ce qui crée une tension. L'extrémité du câble qui se situe dans l'espace n'est donc pas en orbite autour de la terre proprement dit, car sa vitesse réelle est beaucoup plus élevée que le serait sa vitesse orbitale. En fait si le câble était coupé il s'éjecterait dans l'espace à cause de la force centrifuge.
La remontée ou descente d'une cabine n'affecte pas l'équilibre du système étant donné le poids total du câble et la tension très élevée de celui-ci, tellement tendu qu'il serait aussi rigide qu'un mur.
Il est possible également de raccourcir la longueur du câble en ajoutant un contre-poids au bout du câble dans l'espace (qui pourrait être constitué du lanceur qui a lancé initialement le câble).
Il faut bien imaginer la nature titanesque du projet, la longueur d'un câble de 72 000 km, correspondrait à six fois le diamètre de la Terre, et au quart de la distance Terre-Lune.
Pendant longtemps, l'idée a paru utopique, puisqu'il n'existait pas de matériau suffisamment résistant. Mais l'apparition des nanotubes, utilisant notamment les fullerènes, lui a redonné un certain crédit. Ainsi l'Agence spatiale européenne (ESA) et la NASA s'y intéressent désormais sérieusement. L'ascenseur spatial pourrait prendre la forme d'un long câble sur lequel circuleraient des navettes.
Brad Edwards, de la fondation californienne Eureka Scientific décrit en détail une méthode possible de construction d'un tel ascenseur (voir lien externe) :
L'intérêt potentiel d'un tel système réside dans son faible coût de fonctionnement. Dans certains concepts, l'énergie de freinage d'une cabine descendante peut même être récupérée pour propulser une cabine montante. Son inconvénient principal est sa vulnérabilité aux météorites, aux débris spatiaux, aux engins aériens ou même aux catastrophes naturelles.
Des calculs ont été effectués, et ont démontré que le câble de nanotubes en question devrait mesurer environ un mètre de large, être aussi mince qu'une feuille de papier, et être apte à supporter une tension d'environ 63 GPa, équivalente à une joute de « souque à la corde » opposant 100 000 personnes de chaque côté.
Nicola Pugno de l'École polytechnique de Turin fait cependant remarquer que les assemblages de nanotubes de carbone sur lesquels reposaient tous les espoirs ne seraient pas assez solides. Dans un article du Journal of Physics : Condensed Matter, il ajoute que, même dans le cas où l’ascenseur spatial pourrait être déployé, les micrométéorites et l’érosion par l’oxygène ne manqueraient pas de l’affaiblir.
Initialement au stade de fantasme de science fiction, les récentes études sur les nanotubes ainsi que l'étude de faisabilité de la NASA rendent de plus en plus crédible la réalisation à terme d'un tel système. En effet, les processus de fabrication de nanotubes en grande quantité commencent à voir le jour, et la résistance des matériaux constitués de nanotubes devient de plus en plus grande.
Il reste cependant à résoudre le problème des collisions avec les satellites actuellement en orbite, ainsi que celui de phénomènes de résonance inévitables sur une structure ayant un tel rapport entre longueur et taille. En particulier, la combinaison de l'inclinaison de l'axe de la Terre et de la présence de la lune peut créer un balourd dynamique fragilisant la structure.