Le clos-masure, ou cour-masure, est une prairie, plantée d'arbres fruitiers, entourée d'un talus qui abrite une ferme à bâtiments dispersés, en Normandie et particulièrement dans le Pays de Caux.
La ferme rurale normande traditionnelle se structure géographiquement selon trois grands types :
Cette dernière se compose de bâtiments agricoles et d'habitations, indépendants sur une grande parcelle qui est à la fois prairie, verger, potager et lieu de travail et d'habitat.
On la trouve en Normandie, sous des appellations diverses de masure, clos ou plant, dans trois espaces géographiques :
« Un ensemble oriental (Caux, vallée de la Seine, quelques communes du Vexin occidental) qui déborde sur le Roumois et la plaine du Neubourg ; un ensemble central ou augeron couvrant Auge, Lieuvin, une partie du pays d'Ouche ; un ensemble occidental ou bocain, avec le Bocage ornais septentrional, bassin de Briouze, partie méridionale du bocage virois, sud du bocage de Saint-Lô, le Mortainais occidental et la partie est de l'Avranchin. »
Le terme clos-masure est probablement dû aux géographes, les Cauchois parlant simplement de masure. Cet mot, qui vient du latin mansura et signifie « demeure », n'a pas en Normandie la connotation péjorative que l'on retrouve dans les dictionnaires de langue française. La Coutume de Normandie définit la masure ainsi :
« La Coutume réformée, article 271, entend par ce mot ce que la Coutume ancienne appelloit ménages ; c'est-à-dire ce qui comprend les bâtiments, le clos, la cour & le jardin, & qui suivant l'article 356, forme le préciput roturier : Arrêt du 4 juin 1704. »
L'origine de cette spécificité agricole est sujette à discussion. Si on a évoqué une racine scandinave, les recherches récentes ont démontré que certaines villas gallo-romaines normandes s'organisaient de la même manière.
Le clos masure semble apparaître progressivement dans le paysage cauchois. Au XIIe siècle la ferme se compose d'une maison collée à l'étable, au milieu des cultures céréalières dans une clairière défrichée, puis accroît son espace agraire en même temps qu'elle se diversifie par l'élevage ovin qui nécessite des prés, clôturés par des haies, progressivement plantées sur des talus. La diffusion du cidre à partir du XVe siècle siècle dans les campagnes normandes incite les Cauchois à planter des pommiers à proximité de leur ferme, au sein de la prairie abritée du vent.
Ainsi, dès le XVIIe siècle, on constate la présence sur les plans terriers, de bâtiments agricoles dispersés dans une cour et entourés de haies sur talus. Puis, le clos-masure s'est développé par la nécessité de protéger des vents marins plantations et bétail dans un paysage d'openfield sans relief, du fait de la disparition des forêts sous l'effet du déboisement, intensif sous le premier Empire.
Le clos-masure est une organisation agricole typique du Pays de Caux, consistant en un espace entouré d'un talus (fossé en cauchois) sur lequel sont plantés des arbres servant de rideau brise-vent.
Ces arbres étaient en général des hêtres (fou en cauchois, environ 50% du total), des chênes (queyne en cauchois, environ 25% du total) et des ormes (omes en cauchois, environ 25%). Les ormes ont été décimés par un parasite. De nos jours, on préfère souvent le peuplier (peuple en cauchois), utilisé pour sa rapide croissance, aux arbres traditionnels.
Abritée par cette haie d'arbres qui crée un micro-climat, une cour complantée de pommiers permet la production du cidre et la protection du jeune bétail. On trouve aussi les bâtiments d'exploitation et d'habitation en ordre dispersé, ainsi qu'une mare (mot régional à l'origine, du norrois marr).
L'évolution des modes de vie et la disparition des fermes conduit à un arrachage ou au manque d'entretien des haies d'arbres, ce qui accélère l'érosion des sols. En effet, bien qu'ils jouent avant tout le rôle de brise-vent, les talus plantés d'arbres freinent également l'écoulement des eaux de pluie.
Avec la croissance démographique du XVIIIe siècle, les cours-masures ont fini par former des hameaux, eux-mêmes entourés de haies.
Le paysage du pays de Caux ne doit pas être confondu avec le bocage du Pays de Bray.