Composé de dix-sept chapitres et d'un épilogue, le premier roman publié d'Andreas Eschbach se rapproche de la forme d'un recueil de nouvelles cohérentes, comme Demain les chiens de Clifford D. Simak ou Chroniques martiennes de Ray Bradbury. Les chapitres qui composent Des milliards de tapis de cheveux tissent la trame de l'intrigue en suivant différents personnages et en adoptant différents points de vue. Cette originalité narrative permet à Andreas Eschbach d'adopter des styles et des tons propres aux situations et aux personnages rencontrés tout en menant le lecteur par des voies détournées vers le dénouement final.
En 2001, Andreas Eschbach publia Kwest (titre original Quest), un roman dont le récit se situe dans le même univers que Des milliards de tapis de cheveux, le système de Gheera.
La traduction française du roman d'Andreas Eschbach en 1999 aux éditions L'Atalante fut un événement. Comme le note l'auteur allemand sur son site web, cela faisait plus d'une décennie que la science-fiction allemande ne sortait plus de ses frontières géographiques. De ce point de vue, Des milliards de tapis de cheveux marque sans conteste un renouveau et un nouvel élan de la science-fiction de langue allemande, avec une jeune génération qui compte également des auteurs comme Frank Schätzing et Michael Marrak.
Si certains lecteurs ont cru devoir déplorer le dénouement pour le moins anecdotique du roman (une remarque vexatoire concernant une calvitie), le caractère anodin du point de départ de l'intrigue ne fait que mieux transparaître la disproportion démesurée qui existe entre la cause et les conséquences d'une simple agression verbale. La destinée de toute la civilisation du système de Gheera, génération après génération, ne repose que sur le caprice d'un seul homme, le souverain défunt Aleksandr X. La vengeance de l'Empereur est à la (dé)mesure de son empire, exploitant les ressources de plusieurs planètes et de plusieurs générations d'hommes.
Andreas Eschbach oppose dans son roman la dimension étatique d'une civilisation modelée par un système totalitaire qui impose à ses membres leurs pensées et leurs croyances et ses conséquences sur le plan individuel et domestique. Tout dans la vie des habitants de Gheera a pour origine le désir de vengeance du souverain : leur métier, leur vie maritale, leur rémunération, leur croyances.
Les premiers chapitres du roman dépeignent une civilisation qui idolâtre un Empereur-Dieu que personne n'a jamais vu, mais qui donne du sens à la vie et aux actes quotidiens de tout un chacun. De ce point de vue, l'inaccessibilité du souverain et le risque de la perte de sens lié à sa potentielle disparition rapprochent thématiquement le début du roman des préoccupations majeures de l'auteur tchèque de langue allemande Franz Kafka, telles qu'elles ont été exprimées dans le roman Le Procès (Der Prozess) ou la nouvelle Un message impérial (Eine kaiserliche Botschaft) sur les questions du sens de l'existence, de la justice et de l'État.
Les numéros de page des citations qui suivent font référence à l'édition L'Atalante (1999) donnée en bibliographie.