Escadron de chasse 3/3 Ardennes - Définition

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La mascotte: Aldo

La mascotte de l'AR44
Aldo aujourd'hui
Aldo en vol

En 1915, l'escadrille 44 choisit déjà le sanglier pour mascotte. A l'époque, un jeune marcassin accompagne l'unité dans tous ses déplacements.

Depuis lors, la tradition s'est perpétuée. Entre 1953 et 1957, c'est "Kiki" qui est la mascotte de l'escadron. Le 30 septembre 1983, le détachement de Jaguars de retour de Bangui ramène un jeune potamochère agé de deux mois seulement. Baptisé "Aldo", il devient la mascotte de l'escadron jusqu'à son décès le 7 septembre 1992 d'une cirrhose du foie. En 1993, le CEC (Centre d'Entraînement Commando) de Givet offre un nouveau marcassin à l'escadron. Celui-ci ne resta qu'une seule nuit dans sa cage, et ne fut jamais retrouvé! En octobre 1993, à l'occasion du cinquantenaire de l'escadron, un nouveau marcassin des Ardennes est accueilli. Il s'agit d'"Aldo Junior". Celui-ci sera remplacé le 4 octobre 1996 par un nouveau marcassin de huit mois.

Le 22 mai 1998, un nouvel enclos est inauguré, et à nouveau un marcassin s'installe. Il est toujours présent de nos jours, et ce magnifique sanglier de 150 kg fait la réputation de l'escadron. Plus que jamais, la mascotte est la star de la base aérienne, attisant la curiosité des visiteurs et terrorisant les PIMs des escadrons voisins!

Son petit frère en peluche est également une figure de l'escadron, comptant plus d'heures de vol sur un plus grand nombre d'appareils, plus de missions de guerre et de munitions délivrées que n'importe quel autre pilote, que ce soit au 3/3 ou ailleurs!

Photographies

Témoignages et extraits du Journal de marche et d'opérations

La naissance du Groupe

Rien ne témoigne plus fidèlement des premiers pas du groupe que l’avant-propos original du Premier Journal de Marche de “la Rouge” (février 1944) dont voici un extrait :

« Le groupe de chasse “Ardennes” est un groupe tout neuf. Il n’a encore jamais combattu. Sa naissance a été longue et difficile. En mai 1943, le lieutenant-colonel Morlaix, qui était alors commandant, chef d’état-major des Forces Aériennes Françaises Libres, forma le projet de constituer un groupe de chasse gaulliste qui s’ajouterait aux trois groupes déjà en action, “Ile de France”, “Alsace” et “Normandie”, les deux premiers en Angleterre, et le troisième en Russie. Il se rendit à Alger. Plusieurs pilotes, les uns déjà en Afrique du Nord, et les autres arrivant de France par l’Espagne, gagnèrent, à la même époque, le Moyen-Orient par des moyens variés. C’est ainsi qu’en juillet il se trouve sur la base de Rayack, au Liban, où était stationné l’état-major du lieutenant-colonel Morlaix, devenu commandant de l’Air au Moyen-Orient, une soixantaine de pilotes gaullistes de tous grades, d’entraînement très inégal, les uns à peine brevetés, les autres déjà transformés sur avion moderne, mais ayant tous ceci de commun qu’ils n’avaient pas volé depuis trois ans et qu’ils en avaient plein le buffet. La tâche était d’importance. Il fallait réentraîner et sélectionner. Cela nécessite des avions et des moniteurs. En fait d’avions, nous disposions de quelques Monocoupe, petits zincs de tourisme américains, de deux Luciole, de quelques Potez 25 encore solides au poste, et de deux Bloch 81 essoufflés. Quant aux moniteurs, ils étaient représentés par l’adjudant-chef Ballattore, pilote de grande classe, il est vrai, mais ne pouvant rien faire sans matériel, et de l’adjudant Tardy, aux 3 000 heures de vol. Une “école de pilotage” fut créée. Et on vola. Un tour de Luciole, pour reprendre un peu la main, et le lâcher, le premier depuis trois ans. Tout le monde, à peu près, vola aussi sur Monocoupe et Potez 25. Quelques privilégiés eurent même droit aux Bloch 81, qui étaient disponibles un jour sur quinze. Le capitaine Dary, puis le commandant Reginenti, alors capitaine lui aussi, assurèrent la direction de cette école, certainement unique en son genre. Nous étions encore très loin, on le voit, du groupe de chasse projeté.

Les choses ne pouvaient pas durer éternellement ainsi, à cause de la différence d’entraînement des pilotes. Au mois d’août, l’école fut divisée en deux parties principales : école élémentaire, sous les ordres du capitaine Ferrand, et école de perfectionnement, commandée par le capitaine Reginenti. L’école de perfectionnement fut à son tour séparée en deux branches : perfectionnement bombardement (lieutenant Cornetel), et perfectionnement chasse, dirigé par le lieutenant Vanderpol. C’est de cette école de perfectionnement chasse que devait sortir, quatre mois plus tard, le groupe “Ardennes”. L’effectif au début fut le suivant : officiers : lieutenant Vanderpol  commandant, assisté du lieutenant Savoyant ; sous-lieutenant Galzun, malheureusement blessé par la suite dans un accident d’auto et inapte, depuis, au P.N. ; sous-lieutenant Norvel, maintenant lieutenant ; sous-lieutenant Perez et aspirant Coulombel. Les aspirants Capiod et Varenne arrivèrent au mois d’octobre, venus d’Espagne, comme le lieutenant Norvel. A l’échelon sous-officier, on comptait : sergents Anseaume, Collet, Fauvel, Hans, Massart, Trescazes, nommés depuis sergents-chefs ; sergents Bonnefoy, Montel, Pauly, et caporal-chef Portes, maintenant sergent. La plupart, de la même promotion d’Istres, se connaissaient déjà depuis quatre ans, et cinq parmi eux étaient venus par l’Espagne ensemble. Il y en avait encore une trentaine d’au­tres. On verra par la suite ce qu’ils sont devenus. Nous reçûmes deux Simoun, le 257 et le 387. Nous ne les oublierons pas de sitôt. Ils ont constitué, en quelque sorte, le premier matériel volant du groupe. Le lieutenant Vanderpol organisa le travail aérien. Les Simoun se mirent à tourner matin et soir, dans la mesure où ils étaient disponibles. Comme il n’y avait pas de moniteurs, Ballatore et Tardy ayant quitté Rayack, les sergents Hans, Pauly et Massart, hâtivement réentraînés par l’adjudant-chef Tricot, réen­traînèrent à leur tour leurs camarades.

Le lieutenant Vanderpol créa aussi des cours. Il s’attaqua de pied ferme au Règlement de Chasse. L’aspirant Coulombel nous fit des causeries d’histoire et de littérature. A chaque échelon, tout le monde apporta sa contribution, et du meilleur cœur. Puis ce fut la fin du mois d’août. Le capitaine Lapios, venant du Groupe de Bombardement « Bretagne », qui était alors à Rayack, fut chargé de l’organisation de ce qui devait être plus tard le groupe. Les Simoun continuaient à voler. Tout le monde fut lâché. A eux deux, ils firent un total de plus de 125 heures, dans des conditions de rechange plutôt précaires. Le groupe Ardennes leur doit beaucoup. Septembre passa ainsi, puis octobre. On attendait. Tous les huit jours, à peu près, un nouveau bobard circulait. On dressait des listes, on les annulait, on en dressait d’autres, à leur tour modifiées. Les caractères s’aigrissaient. On attendait… A la fin du mois d’octobre, le Général Bouscat, Commandant Supérieur de l’Air en Afrique du Nord, vint d’Alger pour inspecter la base de Rayack. Il était accompagné du lieutenant-colonel ­Thitaudet, chargé des affectations du personnel navigant. Nous comparûmes devant ce dernier et lui donnâmes des renseignements (heures de vol, avions pilotés, différents stages suivis) déjà fournis vingt fois. Il y eut une liste, une nouvelle, et le Maryland du Général repartit pour Alger. Quelques jours après, deux officiers arrivèrent d’Afrique du Nord avec des nouvelles pour nous. Un commandant de groupe allait nous être envoyé d’Alger, avec deux commandants d’escadrille. C’était la preuve tangible que nous allions être réellement constitués. Enfin nous sortions du tunnel. Finies les incertitudes. Nous n’aurions plus besoin d’échafauder des hypothèses plus ou moins absurdes. ­L’avenir s’éclairait. »

Le Groupe au combat

Un grand départ mouvementé…

Le 29, après un défilé impeccable et 45’ de vol, les treize P47 reçoivent, furieux, l’ordre de faire demi-tour et se reposent en compagnie du I/5, compagnons d’infortune sur P39 menés par Marin la Meslée. Les treize avions du groupe prennent leur envol, définitif cette fois, le 30 septembre 1944. Ils atteignent Salon le jour même, après une escale à Bône où deux pilotes resteront trois jours suite à l’indisposition de l’un d’eux. « Les cœurs battent de plaisir au survol de la Mère Patrie. Nous sautons des avions, roulons vers la base et vite partons en ville. Joie profonde de voir et d’entendre des Français. »

Les premières missions de Chasse d’Armée du Groupe.

Quatre P47 du GC III/3 décollent d’Ambérieu le 31 octobre 1944 pour effectuer une mission de bombardement et de reconnaissance armée au nord de Colmar en liaison avec quatre P47 du GC II/5. Le commandant, le Capitaine Vinçotte et trois pilotes de la Une, dont le chef d’escadrille, le Capitaine Brian, le Lieutenant Pérez et l’Aspirant Fareu effectuent la première mission de guerre en France du groupe : « Objectif bouché. Objectif secondaire, bombardement de la voie ferrée entre Sélestat et Colmar. Reconnaissance armée (sur la route Colmar-Munster-Gérardmer). Légère réaction de la Flak à Munster. Retour au terrain RAS. »

Le groupe utilise pour la première fois les nouvelles bombes au napalm le 16 décembre : « résultats impressionnants ». Enfin, un rapport d’armée révèle au groupe que le bombardement suivi du straffing d’un pont de bateaux sur le Rhin par un flight triple de “la Rouge”, le 17 décembre, a permis d’arrêter net une contre-attaque allemande.

Combats aériens.

Le 21 mars 1945, première alerte pour “la Rouge”, le dispositif de douze P47 est attaqué par la chasse ennemie alors qu’il effectue une reconnaissance armée le long du Rhin : « mais 12 mauvais mirontons, FW 190, viennent troubler la fête et font même une passe sans résultat que de se couvrir de… ridicule. » Le 13 avril, en fin d’après-midi, les sept P47 de la 3e mission de “la Rouge” sont sérieusement pris à partie par cinq Me 109 : « Peu avant le bombardement, Tito signale des taxis qui passent progressivement à nos 6 heures avec fumées noires. Ce sont cinq Messers qui atteignent juste au moment où Sallaberry et Druyère partent en piqué pour bombarder. L’Epée, tiré et touché de 1 000 mètres dégage à droite, les quatre autres à gauche. Les messers tirent tout ce qu’ils savent mais tout passe derrière. Il vire bien ce P47 même à faible altitude (5 000’). Puis ils disparaissent tous dans les nuages. Tout le monde rentre dont Michel l’Epée avec quelques trous. Une balle rentrée dans le cockpit et ressortie par le cockpit à l’avant lui a frisé les moustaches. Il se souviendra de ce vendredi 13 ! »

Victimes des combats.

Le 2 mars 1945, l’Aspirant Andrieu, son appareil durement touché, est contraint de se poser sur le ventre en territoire ennemi au sud-ouest d’Offenburg. Le 16 mars, il en est de même pour le Sergent-chef Trescazes au nord de Karlsruhe. « Il a été très malmené par les civils boches qui l’ont laissé pour mort sur la route près de laquelle il avait été descendu. Mais il a un moral splendide et une barbe de sapeur. » « Le Sgc Trescazes revient d’un stage en Teutonie la figure couverte de cicatrices témoignant des “élans” trop enthousiastes des germains ». Le diagnostic d’un médecin allemand releva des contusions aux côtes, l’enfoncement du sternum, une fracture du bassin, de multiples ecchymoses, une plaie ouverte du front au menton, la paupière droite ouverte et une double orchite ! Tous deux prisonniers aux mains des militaires, ils seront bien traités et libérés par l’avance alliée après un séjour de deux mois à goûter l’hospitalité allemande : Trescazes rejoint le groupe le 24 avril et Andrieu le 15 mai 1945.

Le 29 avril 1945, « le Sergent-chef Pauly de la 1ère escadrille a été vu percuter dans un bâtiment à Bludenz ». « Son avion explose et part en pièces en touchant le sol. » Il a vraisemblablement été abattu par la Flak au cours du mitraillage de la gare de Bludenz en Autriche. Le 5 juin, « Wintzenheim lui fait des obsèques grandioses », son corps ayant été ramené par ses camarades.

Le 2 décembre 1944, deux avions de “la Bleue” ne rentrent pas d’un bombardement de voie ferrée en Allemagne, tous deux abattus par la Flak. Le Sergent-chef Hans s’écrase en flammes près de Bantzenheim, au nord-est de Mulhouse. Retrouvé après la victoire enterré aux côtés des débris de son avion, une pâle d’hélice en guise de pierre tombale, il sera ramené par son escadrille dans son village natal à Nomexy dans les Vosges. Le Sous-lieutenant Rombi, plus chanceux, parvient quant à lui à sauter en parachute aux environs de Cernay et à fuir sous les balles allemandes. Il échappe ensuite à la captivité grâce à l’aide de nom­breux civils alsaciens qui orienteront les recherches dans la mauvaise direction, le soigneront de ses blessures à la tête, lui permettront de vivre pendant « 58 jours caché dans une fausse caisse de pommes de terre » et lui fourniront de faux papiers. Décidé à franchir les lignes, il parvient à Reiningue après avoir passé deux postes de garde. Mais les soldats fourmillent et il échappe de justesse à la capture dont son passeur est victime. Il passe alors plus d’une semaine terré dans les ruines d’un village du front, sous les tirs d’artillerie, avant d’être finalement libéré par une patrouille française. Il rejoint le groupe le 30 janvier 1945: « Il rentre au bercail après une glorieuse odyssée. Il a réussi à se planquer pendant deux mois, évitant les patrouilles nazies et après maints essais a réussi à traverser les mailles du filet boche, pourtant serré ».

54 ans plus tard: le 3/3 au-dessus de la Serbie

Récit d’une mission de guerre au-dessus de la Serbie, semblable aux 192 sorties effectuées par les équipages du 3/3 pendant ce conflit.

« Samedi 14 mai 1999, hôtel Rustica, dans la région de Trévise. Les équipages du détachement Mirage 2000D rejoignent les véhicules qui vont les emmener sur la base aérienne d’Istrana. Hier, le commandant d’escadrille a assigné les missions en fonction des premiers éléments reçus de l’état-major de l’opération, le CAOC de Vicenza. Notre patrouille a pour objectif un dépôt de carburant dans le sud-est de Belgrade. Situé en bordure du Danube, il ne devrait pas être difficile à identifier, mais il est défendu par des batteries de missiles anti-aériens moyenne portée SA6. En arrivant sur la base, notre officier renseignement nous tend la pochette comportant tous les éléments : indicatif, zone de ravitaillement, cheminement, volume d’avions impliqués, mais également le plan général élaboré par le responsable du raid à Aviano. Notre indicatif sera VOLVO et nous serons inclus dans un raid de trente-deux avions. En tant que VOLVO 43, nous serons leader de la dernière patrouille de deux M2000D. Les points à viser (DMPIs) sont assignés : VOLVO 41 et 42 emporteront chacun une bombe guidée laser GBU 12 de 250 kg et détruiront deux des trois valves d’alimentation destinées à l’approvisionnement par voie fluviale ; deux minutes plus tard, chargés d’une bombe guidée laser d’une tonne, nous détruirons la zone de distribution par voie routière et VOLVO 44, notre équipier, détruira, avec une GBU 12, la dernière valve. En cas d’échec de VOLVO 41 et 42, notifié par mot code, nous prendrions leur DMPI pour objectif. Les configurations sont notifiés aux mécaniciens qui, dès lors, n’auront de cesse de préparer nos avions et monter les armements. Pendant ce temps, deux membres de la patouille se chargent du tracé de la mission, les autres préparent les cartes, étudient le plan de fréquences radios. Nous rentrons alors nous reposer quelques heures en fin d’après-midi, mais à l’hôtel la fête d’un mariage bat son plein. De retour sur base, l’approbation de notre objectif par les instances décisionnelles françaises est confirmée. Nous dînons rapidement avant le briefing. Pour la plupart, nous avons déjà effectué une demi-douzaine de missions, toujours avec le même équipier, aussi le briefing est-il succinct mais complet, mettant en exergue les particularités de la mission. A l’issue, nous nous équipons et révisons nos procédures de récupération en cas d’éjection en territoire ennemi.

Au fur et à mesure que l’heure du décollage approche, les rires se font un peu plus nerveux. Aux avions, nous échangeons quelques mots avec nos mécaniciens toujours soucieux de connaître notre destination, les défenses et la météo escomptées. Pendant que mon pilote fait le tour de l’avion, je prépare le système et j’effectue les vérifications d’usage. L’heure de mise en route arrive. Un dernier salut aux mécaniciens et nous roulons dans l’obscurité : il est deux heures du matin. Le décollage et la montée nous permettent d’apprécier la beauté de Venise la nuit, “moment de douceur dans un monde de brutes”. L’avion radar AWACS contacté, il nous confirme le bon fonctionnement de notre répondeur IFF, nous identifiant comme amis. Nous survolons la Croatie, puis la Hongrie et rejoignons la zone de ravitaillement quand j’entends à la radio des annonces de départ de missiles sol-air et d’artillerie anti-aériennes (AAA). La partie s’annonce serrée ! Heureusement, la zone de ravitaillement est à l’abri de ces menaces. Après avoir effectué le plein en carburant, nous fonçons vers la frontière. La sélection de l’armement maintes fois vérifiée l’est encore une fois. Ça y est, nous sommes chez l’ennemi : des lueurs inquiétantes montent à notre droite, loin. Nous évitons momentanément le danger et c’est le rush vers l’objectif. J’active le pod de désignation laser (PDLCT) pour rechercher l’objectif. Dès lors, c’est mon pilote qui, équipé de jumelles de vision nocturne, a seul en charge notre sécurité pendant que je me concentre sur l’identification de l’objectif et le guidage de la munition. “Je vois la zone de l’objectif !”

Au même instant, deux explosions dans mon écran latéral : les bombes de VOLVO 41 et 42 viennent d’impacter, immédiatement suivies par l’annonce du succès de ces tirs. Nous savons maintenant que notre objectif sera la zone de distribution par voie routière. Recherche des repères étudiés à la préparation, un moment de doute. Ça y est, je la tiens ! - “Target !” - “Ok, on ne descendra pas, forte activité AAA”, me répond mon pilote. Sans ordre, VOLVO 44 s’est approché pour que nos bombes arrivent simultanément. - “Désignation” Le domaine de tir apparaît. - “Tir” Mon pilote écrase la détente. L’avion, plus léger d’une tonne, fait un bond, puis entame son évasive, VOLVO 44 toujours proche, nous suit. Dans l’écran, la station de distribution est maintenant parfaitement visible. Quarante secondes de temps de chute, c’est très long ! “20 secondes... 10 secondes... 5, 4, 3, 2, 1… Impact !” Dans le coin de l’écran, un fuseau blanc est apparu, fugitif, puis une explosion, énorme. Des morceaux de tôle volent à plusieurs centaines de mètres. Je vois également l’explosion de la bombe de notre équipier, en plein sur la valve. Bingo ! Je regarde dehors et soudain, comme un coup de poing dans l’estomac : un éclair plus bas, puis une flamme bleutée ! “départ missile, huit heures”. Mon pilote, qui l’a vu également, a le doigt sur le bouton de largage des bidons, prêt à s’en servir s’il le faut. La cassette de notre équipier nous apprendra qu’il a eu la même réaction, au même moment. Mimétisme de l’entraînement ? Soulagement, le missile se perd dans la nuit ! Le cap est mis au nord, vers la frontière. A ma droite, la limite entre la Serbie et la Roumanie est très simple à deviner : la Serbie est plongée dans l’obscurité, la Roumanie est éclairée.

Tout un symbole ! Le compte-rendu à chaud de la mission effectué auprès de l’AWACS, nous prenons, silencieusement, le chemin retour. Arrivés à Istrana après 3 h 30 de vol de nuit, nous coupons les moteurs, ouvrons les verrières et humons l’air tiède de la nuit. Les mécaniciens s’approchent. - “Alors ?” Le traditionnel pouce levé leur signifie la réussite de la mission. Descendant de l’avion, mon pilote et moi, nous nous serrons la main. Geste simple, pudique mais intense, qui scelle, soir après soir, le pacte qui nous unit. Ensuite, après le débriefing des films qui confirmeront la réussite de la mission, nous allons manger un petit quelque chose à la cantine française, “la Cahuta”. Notre cuisinière, bien évidemment surnommée “Maïté”, est aux petits soins pour nous. Puis nous rentrons à l’hôtel vers sept heures du matin, croisant les derniers convives du mariage surpris de voir passer cette équipe quelque peu hagarde. »

Premier conflit du XXIe siècle: l'Afghanistan

Première mission de guerre d’un jeune Pilote de Combat Opérationnel.

« 5 mars 2002, Bichkek, Kirghyzstan. Il est 6 heures lorsque nous quittons l’hôtel pour rejoindre le camp et finaliser la préparation de la mission. Dans quelques heures, nous partons pour notre première mission opérationnelle. Sur le parking, les ravitailleurs et les Mirage 2000 D sont encore couverts de glace : ils seront dégivrés pendant le briefing. Bonne nouvelle, la météo s’annonce particulièrement clémente, aucun nuage n’est prévu sur tout le trajet. Le vol débute par une heure de survol des majestueux contreforts de l’Himalaya (glaciers et sommets qui culminent tout de même à 6 000 m) avant d’atteindre l’étendue désertique et aride que constitue l’Afghanistan. Après notre premier ravitaillement sur un C135 français, il nous faut 45’ supplémentaires pour traverser le pays du nord au sud et rejoindre notre zone d’alerte où notre second ravitailleur, un énorme KC 10 américain, nous attend. La patrouille précédente quitte la zone quelques minutes avant notre arrivée. Depuis plusieurs jours, les opérations s’intensifient. Les avions sont systématiquement “taskés” par l’AWACS et de nombreux tirs ont déjà eu lieu. Aussi, entre chaque ravitaillement, nous vérifions régulièrement que tout est prêt, et plutôt deux fois qu’une.

Le temps passe, la fin de notre créneau de deux heures et de nos espoirs d’agir arrive. Allez, un dernier plein, pour rentrer sur Manas. Soudain l’adrénaline monte, nous recevons un “task” en plein ravitaillement : des coordonnées, dans la région de Gardez au sud-ouest de Kaboul, et une fréquence, celle d’un F-16 présent sur zone. Nous fonçons vers l’objectif. Au contact, le pilote du F-16 nous décrit la situation : au sol, des troupes amies sont sérieusement prises à partie depuis un bâtiment. Il leur faut un appui aérien. Commence alors la description précise de la zone, jusqu’à l’acquisition du bâtiment par le leader. Pendant ce temps, nous surveillons dehors, nous ne sommes pas seuls à tourner ici. Au-dessous de nous, deux F-18 sont en contact avec les troupes au sol, et au-dessus, c’est l’ombre d’un B-1 qui nous surplombe de temps à autre.

La pression augmente lorsque nous nous éloignons pour nous présenter au cap d’attaque. Les deux GBU 12 guidées par le faisceau laser du leader partent. Bingo ! D’autres explosions, quasi simultanées, jalonnent la zone : les autres chasseurs ont également tiré. Un check pétrole rapide nous informe que nous pouvons encore rentrer à Manas, à condition de partir tout de suite. Mais au sol, les talibans ont investi un autre bâtiment à proximité du premier. Le ton du pilote américain qui nous demande si nous pouvons encore tirer ne laisse planer aucun doute quant à l’urgence de cette demande. Cette fois-ci, c’est à nous de jouer. Nous verrons le pétrole plus tard, quitte à nous dérouter au retour à Douchanbé, au Tadjikistan. La description reprend. Avec toutes ces explosions nous n’avons pas la certitude sur la position de l’objectif. Notre leader nous a suivi, quelques mots suffisent : nous tirerons nos bombes, et c’est lui qui les guidera. Nos deux bombes partent, but à nouveau. Cette fois, il faut quitter la zone et tenter de trouver un ravitailleur pour rentrer. Aucun n’est disponible : Douchanbé sera donc notre destination après plus de quatre heures de vol. Les avions remis en œuvre par les mécaniciens Transall (suite aux nombreux déroutements à Douchanbé, une équipe de mécaniciens M2000 sera par la suite envoyée en permanence sur place), nous atterrissons à Manas à la tombée de la nuit. Après cette première mission éprouvante, nous rentrons à l’hôtel profiter d’un repos bien mérité. »

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