Espérance mathématique - Définition

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Introduction

L'espérance mathématique d'une variable aléatoire est l'équivalent en probabilité de la moyenne d'une série statistique en statistiques. Elle se note E(X) et se lit espérance de X. C'est une valeur numérique permettant d'évaluer le résultat moyen d'une expérience aléatoire. Elle permet par exemple de mesurer le degré d'équité d'un jeu de hasard; elle est alors égale à la somme des gains (et des pertes) pondérés par la probabilité du gain (ou de la perte). Lorsque l'espérance est égale à 0, le jeu est dit équitable.

Définition

Soit \ \scriptstyle X une variable aléatoire de l' espace probabilisé \ \scriptstyle (\Omega, \Sigma, P)\, vers \ \scriptstyle \R (ou un espace mesurable \ \scriptstyle (E, \mathcal{E}) ). Son espérance est définie par:

\mathbb E(X) = \int_{\Omega}X\, \mathrm{d}P = \int_{\mathbb{R}}x\, \mathrm{d}P_X (où \ \scriptstyle  P_X est la probabilité image).


Si la loi de probabilité de \ \scriptstyle X admet une densité \ \scriptstyle f(x) , alors:

\mathbb E(X) = \int_{-\infty}^\infty x f(x)\, \operatorname{d}x .

Si \ \scriptstyle X est une variable aléatoire discrète prenant les valeurs sur un espace de valeurs dénombrables \ \scriptstyle S\subset\R , et qu'elle a une fonction de masse \ \scriptstyle p_X(x) , l'espérance prend la forme:

\mathbb E(X) = \sum_{x \in S} x p_X(x)

C'est notamment le cas quand le nombre de valeurs possibles est fini, par exemple \ \scriptstyle x_1,\dots,x_i,\dots,x_n avec les probabilités \ \scriptstyle p_1,\dots,p_i,\dots,p_n . Dans ce cas l'espérance devient:

\mathbb E(X) = \sum_{i =1}^{n} x_i p_i

Dans ce cas la famille \ \scriptstyle x_i p_i est sommable et la convergence absolue assure que la division de la série ne dépend pas de la manière de numéroter les termes.

Exemple

Exemple de calcul pour la roulette française : en jouant un numéro plein, le joueur a 1 chance sur 37 (les numéros vont de 0 à 36) de repartir avec 35 fois sa mise initiale. Son espérance de gain est donc :

\frac{1}{37}\times (mise\times 35) -\frac{36}{37}\times (mise) \simeq -0,027\times mise

Ce résultat indique qu'en moyenne, il perd 2,7 % de sa mise à chaque partie au profit du casino.

Généralisation: espérance d'une fonction d'une variable aléatoire réelle

X étant une variable aléatoire réelle, une fonction f supposée régulière définit une nouvelle variable aléatoire f\circ X notée f(X) dont l'espérance, lorsqu'elle existe, s'écrit en remplaçant k par f(k) ou x par f(x) dans les formules précédentes (théorème de transfert).


Variable aléatoire discrète: \mathbb E[f(X)] = \sum_{k=-\infty}^{+\infty} f(k)\ \mathbb P_X(k)

Variable aléatoire continue: \mathbb E[f(X)] = \int_{-\infty}^{+\infty} f(x)\ p_X(x)\ dx

En particulier, il est intéressant de considérer la variable aléatoire à valeurs complexes e^{i \theta X}\, (où \theta \in \mathbb{R} ) dont l'espérance mathématique est [la valeur en θ de] la transformée de Fourier inverse de la densité de probabilité :

\phi_X(\theta) = \mathbb E\left[e^{i \theta X}\right]\,

Il s'agit de la fonction caractéristique d'une variable aléatoire. L'exponentielle se développe en série : \phi_X(\theta) = \mathbb E\left[\sum_{k=0}^\infty {(i \theta X)^k \over {k !}}\right]

ou, si la densité de probabilité est une fonction suffisamment régulière  :

\phi_X(\theta) = \sum_{k=0}^\infty {(i \theta)^k \over {k !}} \mathbb E\left[X^k\right]

Interprétation et applications

Espérance mathématique et choix rationnel

Dans certains cas, les indications de l'espérance mathématique ne coïncident pas avec un choix rationnel. Imaginons par exemple qu'on vous fasse la proposition suivante : si vous arrivez à faire un double six avec deux dés, vous gagnez un million d'euros, sinon vous perdez 10 000 euros. Il est probable que vous refuserez de jouer. Pourtant l'espérance de ce jeu vous est très favorable : la probabilité de tirer un double 6 est de 1/36; on obtient donc :

\frac{1\,000\,000}{36} - \frac{10\,000 \times 35}{36} = 18\,055

à chaque partie vous gagnez en moyenne 18 000 euros.

Le problème tient justement sur ce « en moyenne » : si les gains sont extrêmement importants, ils n'interviennent que relativement rarement, et pour avoir une garantie raisonnable de ne pas finir ruiné, il faut donc avoir suffisamment d'argent pour participer à un grand nombre de parties. Si les mises sont trop importantes pour permettre un grand nombre de parties, le critère de l'espérance mathématique n'est donc pas approprié.

Incidence de la prime de risque

Ce sont ces considérations et de risque de ruine qui conduisirent, à partir de son « paradoxe de Saint Petersbourg », le mathématicien Daniel Bernoulli à introduire en 1738 l'idée d'aversion au risque qui conduit à assortir l'espérance mathématique d'une prime de risque pour son application dans les questions de choix.

Applications particulières (économie, assurance, finance, jeux)

  • La notion de prime de risque appliquée à l'espérance mathématique fut en économie à l'origine du concept d'utilité (et d'utilité dite « marginale »).
  • les primes d'assurance sont d'un coût supérieur à l'espérance mathématique de perte du souscripteur du contrat. Mais c'est ce risque de forte perte en cas d'évènement rare qui l'incite à le souscrire.
  • L'espérance mathématique, comme d'autres concepts probabilistes, est utilisée dans les calculs d'évaluation en finance, par exemple pour l'évaluation d'entreprise.
  • La finance comportementale aborde, entre autres, les aspects émotionnels et cognitifs, qui vont au-delà de la simple prime de risque, et qui peuvent interférer avec le concept rationnel d'espérance mathématique à l'heure du choix.
  • De même que l'on paye une prime pour éviter le risque avec les assurances, on paie au contraire un accès au risque dans les jeux de hasard (qui rapportent toujours moins que leur espérance mathématique, puisqu'ils doivent s'autofinancer)

Notion d'utilité probabiliste

Plutôt que de passer par une notion de prime, on peut directement établir une fonction d'utilité, associant à tout couple {gain, probabilité} une valeur. L'espérance mathématique constitue alors la plus simple des fonctions d'utilité, appropriée dans le cas d'un joueur neutre au risque disposant de ressources au moins très grandes à défaut d'infinies.

Émile Borel adopta cette notion d'utilité pour expliquer qu'un joueur ayant peu de ressources choisisse rationnellement de prendre un billet de loterie chaque semaine : la perte correspondante n'est en effet pour lui que quantitative, tandis que le gain - si gain il y a - sera qualitatif, sa vie entière en étant changée. Une chance sur un million de gagner un million peut donc valoir dans ce cas précis bien davantage qu'un euro.

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