La philosophie politique et sociale de Confucius a influencé la civilisation chinoise pendant près plus de 2 000 ans. Ses théories furent appliquées avant l'unification de l'Empire, dès l'époque des Royaumes Combattants. Confucius, maître des lettrés, privilégiait l’enseignement et les rites pour la formation de l’homme de bien junzi destiné à servir l’Etat. La politique se déduit donc de la morale : En se formant soi-même à la vertu, le souverain se rend capable de bien régner, le ministre de bien administrer, l’ordre règne alors dans l’Etat ; dans la maison des humbles, le riz abonde, et le bonheur. En 221 avant J.C., Qin Shi Huangdi (dynastie Qin) unifie l'Empire par la force et la coercition. Les vertus d'humanité sont rejetées, la tradition confucéenne est bannie, les livres sont brûlés.
Mais la dynastie Han, fondée par Liu Bang (ou Gaozu), paysan révolté contre la dynastie Qin (206 avant J.C. - 220 après J.C.), fait renaître les textes canoniques. Le culte du Ciel (corrélation entre la gestion de l'Empire et celle de l'univers) est instauré, les idées de Confucius deviennent doctrine officielle et donc une partie centrale des contenus éducatifs, et des examens mandarinaux que Liu Bang instaure et qui demeureront pendant deux mille ans.
Après quelques divergences de la pensée chinoise, la centralisation du monde Han se réalise sous le règne de l’empereur Wu (140-87 av. JC). Ce dernier invite les lettrés à présenter leurs conseils sur la bonne marche du gouvernement sous forme de mémoires. Ceux de Dong Zhongshu semblent avoir retenu tout particulièrement son attention :
« De nos jours, chacun des maîtres prône son propre Dao, les hommes tiennent des discours différents, les cent écoles divergent dans leurs méthodes et ne s’accordent pas dans leurs idées. Voilà pourquoi les gouvernants sont bien en peine de maintenir l’unité et, du fait que les lois et les institutions n’arrêtent pas de changer, les gouvernés ne savent plus à quoi se fier. Votre serviteur, tout stupide qu’il est, pense que la voie doit être coupée et la promotion interdite à tout ce qui ne se trouve pas dans les Six Arts et les méthodes de Confucius, et qu’une fin définitive doit être mise aux théories vicieuses et dépravées. C’est alors que les normes pourront être unifiées et les principes clarifiés, et que le peuple saura à quoi se conformer. »
— Dong Zhongshu
C’est donc avec la volonté d’unifier et de contrôler les esprits des serviteurs de l’Etat que l’Empereur Wu publie l’édit de 136 av. JC par lequel il établit des chaires impériales pour les « docteurs » sur les Cinq Classiques confucéens à l’exclusion de tout autre corpus, puis l’édit de 124 av. JC qui crée l’académie impériale où sont formées des promotions destinées à nourrir, après examen, le rang de la bureaucratie. L’accès aux fonctions administratives exige donc une réputation morale de « sagesse et compétence » et une parfaite connaissance des Classique. Ce sont là les germes du système de recrutement des fonctionnaires par les concours mandarinaux.
En 115, un programme d’études fut mis en place pour la dite « Première Génération des Candidats à l’examen ». Ils étaient testés sur leur capacité dans les « Six Arts » :
Ce programme fut ensuite élargi pour comprendre les « Cinq Etudes » : stratégie militaire, droit civil, revenu et impôts, agriculture et géographie, et les Classiques confucéens.
L’élite sociale et intellectuelle atteint son apogée sous le règne de l’empereur Wu (fondateur de la dynastie Liang ; 502-549), qui renforce le rôle des lettrés confucéens affaibli par l’influence du bouddhisme dans le milieu aristocratique.
Sous les dynasties Sui (589-618) et Tang (618-907) de même, la nature et les modalités des épreuves étaient très diversifiées : les examens ne portaient pas seulement sur l’étude des classiques, mais comportaient aussi des sujets tels que l’arithmétique ou le droit.
Sous les Tang, il y a de la part de l’Etat une lutte permanente pour contrôler les fonctionnaires et renforcer le pouvoir central et un effort constant pour déjouer et neutraliser les combats d’arrière-garde des clans aristocratiques. La maison impériale elle-même vient de l’aristocratie. La seule solution à long terme pour redresser le pouvoir, ce sont les examens. Ils permettront de filtrer, d’écarter les indésirables, et ainsi de recruter une élite dirigeante. Mais le système n’est qu’à ses débuts, l’effet ne se produira pas immédiatement (toujours à cause des clans). Car jusqu’à la fin du IXe siècle, les fonctionnaires lettrés, recrutés par examens ou de façon héréditaire, viendront quand même toujours d’un milieu assez restreint (puissance des clans). De plus, le succès aux examens n’était pas forcément suffisant : il fallait des recommandations. Les souverains Tang (618-690) sont moins ardents à embrasser le bouddhisme mais commencent à affirmer leurs affinités avec le taoïsme : le clan impérial se déclare même descendant de Laozi dont il partage le nom de famille Li. On remet alors à l’honneur la lecture du Dao De Jing, avec les commentaires de l’empereur Xuanzong, du Zhuangzi et du Liezi, qui font l’objet de certaines épreuves d’examens. Pendant toute la dynastie, taoïsme et bouddhisme se dispute le patronage impérial. C’est aussi sous cette dynastie que l’apogée de l’inspiration culmine dans la pensée chinoise (les textes confucéens avaient subi une certaine dispersion et perdu leur intégralité) face à laquelle on met officiellement en place les examens mandarinaux, seule façon de s’assurer une certaine orthodoxie. En effet les Tang prennent conscience que le modèle ultime de meure le modèle de l'époque des Han : ils permettent aux confucéens de reprendre la direction de la vie intellectuelle, dans un sens moins favorable que par le passé à la diffusion d'idées contraires à leur vision du monde. Dès la première année de la dynastie Tang, on crée des écoles pour former les lettrés ; les classique sont reconstitués (en 603, Taizong ordonne qu’une commission établisse un corpus standardisé des Classiques et à nouveau étudiés et l’on redonne vie aux rituels confucéens). C’est à ce moment-là que le destin de la « classe mandarinale » se confond avec celui de l’empire, que le lettré redevient l’idéal de l’homme universel des Tang, à la fois lettré, poète, peintre et homme d’Etat. En effet, la dynastie Tang est aussi l’âge d’or de la poésie ; une épreuve de poésie figurera au programme (à ce moment-là, tout grand lettré avait de grandes capacités de composition poétique).
Ce mode de recrutement atteint son plein essor sous la dynastie des Song. Sous les Song et les Ming, tous les gouverneurs locaux même passeront les examens et seront nommés au pouvoir central à des postes subalternes, ce qui établira une certaine cohésion entre le pouvoir central et les représentants du pouvoir central. Les concours se partagent en plusieurs niveaux : préfectoral, capital et impérial. Renzong (1022-1063) crée des écoles de lettrés et refond le système des examens : étude des Classique, dissertation et poésie. Sous le règne de l’empereur Shenzong (dynastie Song : 960-1279) les sujets d’examen sont réformés. De l’ancien système il ne subsista que les épreuves pour le titre de jinshi [docteur]. De nouvelles règles imposent de répondre aux questions uniquement en conformité avec les annales officielles des concours ; la philosophie de Zhu Xi, néoconfucéen, est intégrée aux systèmes mandarinaux et le restera jusqu’au XIXe siècle. Avec le développement des concours de recrutement officiels s’imposent de nouveaux besoins d’éducation et la nécessité de créer des écoles. Près de 400 académies privées auraient été créées sous les Song, dont certaines attiraient jusqu’à un millier de disciples. De même, les études classiques, quelque peu éclipsées par l’engouement pour le taoïsme et le bouddhisme sous les Tang reviennent à l’honneur et bénéficient du patronage impérial.
L’avénement de la dynastie mongole des Yuan (1264-1368) tient la classe lettrée assez longtemps à l’écart du pouvoir politique et idéologique, la voie de recrutement par examens lui étant pratiquement coupée. Malgré cela, l’Empereur Renzong des Yuan déclare le décret de 1313 qui impose au programme des examens les Quatre Livres et les Classiques dans les commentaires de Zhu Xi.
Sous les Ming s’achève la compilation par Hu Guang (1370-1418) et d’autres membres de l’Académie Hanlin de compendia néoconfucéens essentiellement destinés à la préparation des examens mandarinaux : la Grande Somme sur la nature et le principe, la Grande Somme sur les Cinq Classiques et la Grande Somme sur les Quatre Livres. Cette dernière, en particulier, devint le texte de base des compositions d’examen « en huit parties » (bagu wen) consistant à développer en huit paragraphes le sens d’une citation tirée d’un Classique. Ce genre donnera lieu à la pire espèce de « bachotage », de compétition et d’arrivisme chez les candidats. Selon un édit impérial de 1462 :
« L’étudiant doit s’appliquer à acquérir le savoir et à la mettre ensuite en pratique. Il doit lire et relire les Classiques des saints et des sages jusqu’à ce qu’il sache les réciter par cœur sans oublier aucun détail. Il suit ensuite les explications du maître jusqu’à ce qu’il ait bien compris, afin de faire siennes les paroles des saints et des sages et de les mettre en pratique. »
Puis sous les Ming (1368-1644) et les Qing (1644-1911), de sévères contraintes de style et de nombre de caractères sont aussi désormais imposées pour les dissertations. (Tout cela visant à rendre plus objectifs les sujets d’examen et les critères de notation).
De manière de plus en plus pressante s’impose la nécessité de pousser jusqu’à une réforme en profondeur des institutions : refonte du système des examens, abolition de l’essai en huit parties au profit de disciplines plus adaptées aux besoins du moment, rapprochement entre l’empereur et les lettrés désireux de reconquérir leur rôle de conseiller
En jouant un rôle de premier plan dans le mouvement réformiste, Kang Youwei fonde son action politique sur une critique radicale d’ordre culturelle fondée sur une réinterprétation de l’héritage scripturaire. Liang Qichao, son disciple le plus éminent, entre en politique en fondant avec son maître un journal destiné aux officiels de Pékin, où il réclame un régime parlementaire et des « droits pour le peuple », une refonte du système des examens et des cursus scolaires (notamment l’intégration de méthodes et de disciplines occidentales), etc.
Le régime des Taiping fut le premier dans l’histoire de la Chine à admettre que des femmes soient candidates aux examens, bien que le système fût supprimé peu de temps après. En effet, le système des examens est complètement aboli quelques années après la chute de la dynastie Qing. Après la chute de la dynastie Qing en 1911, Sun Yat-sen à la tête de la République de Chine, développera des procédés similaires pour le nouveau système politique à travers une institution appelée le Yuan des examens, mais il sera très vite suspendu à cause de l’agitation en Chine entre les deux Guerres Mondiales. A l’arrivée du communisme, une grande partie des lettrés seront décapités. Les Guan étaient les anciens, les Kanbu les nouveaux lettrés (les cadres, ignards…) Le gouvernement du Kuomintang rétablira le Yuan des examens (branche du gouvernement en charge des examens d'entrée dans la fonction publique) en 1947 après la défaite du Japon dans la seconde guerre sino-japonaise. Mais ce Yuan des examens déménagera à Taiwan 3 ans après, à cause de la victoire du Parti Communiste Chine après la guerre civile en Chine. Le Yuan des Examens continue à exister en tant qu’une des cinq branches du gouvernement à Taiwan.