En mathématiques, et plus précisément en théorie des groupes, une fonction centrale est une fonction définie sur un groupe et constante sur chaque classe de conjugaison.
Les fonctions centrales possèdent un rôle particulier dans le cadre de la théorie des représentations des groupes finis. Si, par exemple, le corps K de la représentation est égal au corps des nombres complexes, l'espace vectoriel des fonctions centrales à valeurs dans les nombres complexes, peut être muni d'un produit hermitien tel que l'ensemble des caractères irréductibles soit une base orthonormale.
Cette propriété s'exprime de la manière suivante, f une fonction définie sur G est centrale si et seulement si :
ou encore ( en posant u = ts,v = t − 1 )
Pour s'en convaincre, il suffit de remarquer que les classes de conjugaison sont toutes des singletons.
Pour valider le fait que Fc est un sous-espace, il suffit de vérifier que l'ensemble est non vide, or il contient la fonction nulle, et qu'il est stable par combinaison linéaire. Soit s et t deux éléments de G appartenant à la même classe de conjugaison :
Déterminons la dimension de Fc. Soit h l'entier égal au nombre de classes de conjugaison et ci pour i variant de 1 à h les différentes classes de conjugaison. On définit fi la fonction égale à un sur ci et zéro sinon. La famille (fi) est une base de Fc contenant h éléments, ce qui démontre que sa dimension est égale à h.
On considère ici les représentations et caractères irréductibles à valeur dans le corps K ayant les propriétés décrites dans le paragraphe sur le caractère. On note χ1, ..., χh les h caractères irréductibles. L'analyse de la représentation régulière de G montre en effet que, si G est d'ordre fini, il existe un nombre fini de représentations irréductibles. L'espace KG est muni du produit hermitien défini au paragraphe Caractère.
Ce résultat est essentiel pour l'étude des caractères des représentations des groupes finis. Il admet le corollaire immédiat suivant :
On dispose enfin de la proposition suivante :
Dans le cas où K est de caractéristique nulle et est différent du corps des nombres complexes, alors les résultats sont vrais si K contient le corps de décomposition du polynôme Xg - 1. Si K est de caractéristique fini p, le résultat est encore vrai si p est premier avec g et si K contient un corps de décomposition de Xg - 1.
Pour démontrer le fait que les caractères irréductibles forment une base, un lemme est nécessaire :
Le lemme de Schur et plus précisément le corollaire 1 dans l'article associé montre que si les égalités suivantes sont vérifiées, alors ρf est une homothétie :
Or, on a les égalités suivantes :
La dernière égalité est la conséquence du fait que l'application qui à u associe t -1ut est un automorphisme, de plus s peut toujours s'écrire t -1ut et, comme la fonction est une bijection, sommer sur s ou sur u est équivalent. Enfin u et s sont conjugués donc ont même image par f.
Soit λ le rapport de l'homothétie. Si Tr(ρf) désigne la trace de ρf alors elle est égale à n.λ et donc :
Le fait qu'ils forment une famille orthogonale est déjà démontré dans le paragraphe Orthogonalité de l'article sur les caractères. Il suffit donc de démontrer que la famille est génératrice, ou encore que si f est une fonction centrale à valeur dans K tel que f * est orthogonale à tous les caractères irréductibles, alors f est la fonction nulle.
Considérons i un entier compris entre 1 et h et (Vi, ρi) une représentation irréductible de caractère χi. L'application ρif est nulle, d'après le lemme car f * est orthogonale à χi. Considérons maintenant la représentation régulière (V, ρ), elle est somme directe de représentations irréductibles, donc ρf est aussi nulle. Soit e1 le vecteur de la base canonique de V indexé par l'élément 1 du groupe G, on a les égalités :
Comme la famille (es) forme une base de V on en déduit que f(s) est égal à zéro pour tout s élément de G. Ce qui termine la démonstration.
Ce résultat est une conséquence immédiate du fait que Fc est un sous-espace vectoriel de dimension le nombre de classes de conjugaison de G.
Considérons la fonction centrale fs qui vaut un sur la classe de s et zéro ailleurs. La décomposition sur la base orthonormée des caractères irréductibles montre que :
et donc :
Il existe un autre axe d'analyse que celui des caractères, où la notion de fonction centrale apparaît naturellement. Il provient de l'algèbre du groupe. Cette algèbre, notée K[G], est constituée d'une base indexée par le groupe et de l'ensemble de ses combinaisons linéaires. La multiplication interne est donnée par la formule suivante :
Une telle algèbre possède une propriété forte, elle est semi-simple. Le théorème fondamental de cette structure à savoir celui d'Artin-Wedderburn s'applique et le cas considéré est celui où le corps est abélien et contient toutes les racines des polynômes minimaux d'une famille génératrice (ie la base canonique). Dans ce contexte, le théorème affirme que K[G] est somme directe d'algèbres des endomorphismes sur des K espaces vectoriel. Plus précisément, si (Si) où i varie de 1 à h est une famille maximale d'espaces irréductibles non isomorphes deux à deux, alors :
et h est égal au nombre de classes de conjugaison du groupe. Le centre de K[G] possède des analogies avec l'ensemble des fonctions centrales.
Si dc est identifié à la classe c, les fonctions centrales apparaissent comme le dual du centre considéré comme un espace vectoriel. L'isomorphisme entre les fonctions centrales et le centre dépasse néanmoins ce cadre :
Le centre peut être vu de trois manières différentes, soit comme l'espace des fonctions centrales, soit comme une somme directe S d'algèbres d'endomorphismes d'espaces vectoriels LK(Si), soit comme un sous-espace vectoriel de K[G]. Si φ désigne l'isomorphisme de K[G] dans S défini précédemment, la relation entre les trois visions est la suivante, si χi est le caractère et di la dimension de Si :