Loi Création et Internet - Définition

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Historique

Genèse du projet

La loi DADVSI

La loi Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information (DADVSI), votée le 30 juin 2006, prévoyait la mise en place d'une « réponse graduée », transformant en simple contravention la mise à disposition du public d'œuvres protégées sans l'autorisation de leurs ayants-droit, qui constitue actuellement un délit, sanctionné de peines pouvant aller jusqu'à 300 000 euros d'amende et trois ans de prison. Cette mesure avait toutefois été censurée par le Conseil constitutionnel.

Le rapport et les accords Olivennes

Afin d'introduire un dispositif qui s'ajoute aux sanctions pénales, la ministre de la Culture et de la Communication, Christine Albanel, a confié, le 5 septembre 2007, à Denis Olivennes, alors patron de la Fnac, une mission ayant pour but de proposer une nouvelle modalité de « réponse graduée », compatible avec la décision du Conseil constitutionnel, après consultation des acteurs de la propriété intellectuelle et d'Internet. Denis Olivennes a présenté le résultat de sa mission le 23 novembre 2007 dans un rapport où il propose principalement la création d'une autorité administrative qui gèrerait un système de messages d'avertissements puis de sanctions non pénales destinées à prévenir et, en cas de multiples récidives, à sanctionner le « téléchargement illégal ». Ses propositions ont été reprises dans les « accords Olivennes », renommés après coup « accords de l'Élysée ».

Ces accords furent signés, en novembre 2007, par 46 entreprises et organisations représentatives du monde de la culture (cinéma, musique, télévisuel) et de l'internet (fournisseurs d'accès). Dans ces accords, les FAI s'engagent à couper l'accès de leur client, et à filtrer leurs accès. Ce texte sert donc de base à la loi Hadopi.

Contestation des accords

Ces accords furent dénoncés peu de temps après par plusieurs entreprises signataires, comme Free, Orange, SFR et Numéricable. À ces entreprises contestataires, il faut rajouter Xavier Niel, vice-président d'Iliad qui avait lui aussi signé, et Dailymotion, qui refusa de parapher le texte. Tous deux dénoncent les conditions dans lesquelles ces accords ont été signés : ils ont été prévenus vingt-quatre heures avant la signature, ils n'avaient pas la possibilité de garder le texte avec eux, et Xavier Niel estime que chaque signataire a très bien pu signer pour un texte différent.

De plus, la neutralité et l'impartialité de Denis Olivennes, de par son poste d'ancien directeur de la Fnac (société partie prenante sur le sujet du droit d'auteur) sont également contestées.

Projet de loi

Consultation de la Cnil

Conformément à l’article 11.4 de la loi de 1978, la Cnil doit être « consultée sur tout projet de loi ou de décret relatif à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés ».

En décembre 2007, la Cnil, suite à une décision du Conseil d'État annulant les refus d'autorisation de collecter les adresses IP dans le cadre de la lutte contre les téléchargements illégaux, opposés par la Cnil à des sociétés d'auteurs, a permis dans certaines conditions aux ayants-droit de faire effectuer des constats de contrefaçon et de conserver les adresses IP associées.

En mai 2008, la Cnil est consultée sur le projet de loi Hadopi. Bien que gardé secret par le gouvernement, le rapport de la Cnil a été révélé par La Tribune. Ses positions sont confirmées plus tard par son président. Plusieurs reproches à la loi s'y font jour :

  • constatant que le seul motif du gouvernement est de préserver les revenus de l'industrie du loisir, elle déplore le manque d'études démontrant clairement le rôle du partage de fichiers dans la perte de revenus de cette industrie qui est par ailleurs en pleine mutation vers les formats numériques.
  • la coupure de la connexion Internet pourrait aussi couper le téléphone et la télévision.
  • la surveillance des employés par leur employeur imposée par la loi comporte un risque de surveillance individualisée.
  • l'Hadopi pourra accéder à des données personnelles sans l'intervention d'une procédure judiciaire, ce que le Conseil constitutionnel a déjà rejeté.
  • l'Hadopi pourra accéder à des données de trafic personnel, ce qui peut porter atteinte à la vie privée.
  • les plaignants auront le choix entre trois procédures pour porter plainte.
  • la limite entre la vie privée et la surveillance d'Internet n'est pas clairement définie.
  • l'envoi de courriers par la Haute autorité n'est pas obligatoire ; la connexion peut être directement coupée. Ce choix dans la sanction pourrait être arbitraire.

En conclusion, elle émet un avis critique sur ce projet de loi et estime qu'il n'offre pas « les garanties nécessaires pour assurer un juste équilibre entre le respect de la vie privée et le respect des droits d’auteur ».

Parallèlement, l'Arcep rappelle que les opérateurs de téléphonie ont l'obligation de maintenir l'accès aux services d'urgence, ce qui nécessitera un temps d'adaptation des réseaux des FAI, afin de séparer la téléphonie de l'offre Internet pour les offres triple play.

Paradoxalement, Alex Türk, président de la Cnil mais aussi sénateur, malgré l'avis défavorable de son institution, va voter « pour » le projet Hadopi, en première lecture comme lors du vote final du 13 mai.

Sénat : 1re lecture

Le 18 juin 2008, le projet de loi est présenté en Conseil des ministres par Christine Albanel, puis déposé au Sénat. Le 25 juin, Michel Thiollière, auteur du rapport sur le projet de loi DADVSI pour le Sénat puis à la commission mixte paritaire, a été nommé rapporteur par la Commission des affaires culturelles du Sénat. Le gouvernement a déclaré l'urgence sur ce projet de loi le 23 octobre 2008, limitant les débats à une lecture par Chambre. Le texte est adopté à l'unanimité en 1re lecture par le Sénat le 30 octobre 2008.

Assemblée nationale : 1re lecture

Le 11 mars 2009, le texte est examiné à l'Assemblée nationale où il a été modifié puis il est adopté le 2 avril 2009. Il n'y a pas de 2e lecture au Sénat, puisque la procédure d'urgence a été déclarée par le gouvernement.

Commission mixte paritaire

Le 7 avril 2009, en raison de la procédure d'urgence, une commission mixte paritaire composée de 7 députés et de 7 sénateurs élabore un texte commun.

Rejet du texte élaboré par la commission mixte paritaire

Le 9 avril 2009, le texte commun est adopté par le Sénat puis rejeté par l'Assemblée nationale avec 21 votes contre et 15 votes favorables. Jean-François Copé, président du groupe UMP qui n'était pas présent lors du vote, dénonce un « coup » des socialistes. Selon les députés Patrick Bloche et Lionel Tardy, le texte proposé par Christine Albanel n'a pas convaincu les députés de la majorité et s'est heurté à la forte mobilisation de l'opposition. La secrétaire nationale des Verts, Cécile Duflot, et le député Nicolas Dupont-Aignan dénoncent le passage en force du gouvernement.

Assemblée nationale : nouvelle lecture

Le 29 avril 2009, le texte revient devant l'Assemblée nationale pour une première séance, les débats sont houleux et la majorité estime qu'après quarante heures de débats, il n'y a plus lieu de discuter mais de voter. Des députés de la majorité opposants au texte, Christian Vanneste (rapporteur du projet de loi DADVSI) et Lionel Tardy, sont privés de micro durant cette séance par le président du Groupe UMP, Jean-François Copé.

Le texte du projet de loi a déjà fait entre-temps l'objet de plus de 500 amendements dont 200 amendements votés en seulement vingt minutes, un rythme de vote dénoncé par Christian Paul.

Le vote final a eu lieu le 12 mai 2009. Il y a eu 557 votants, 529 votes exprimés, la majorité absolue était donc fixée à 265. 296 députés ont voté pour, 233 contre. La majorité a principalement voté pour (284 pour et 6 contre (17 abstentions)) et la gauche contre (1 pour et 190 contre (6 abstentions)).

Le 13 mai, au lendemain de son adoption par l'Assemblée, le Sénat vote également le texte dans les mêmes termes par 189 voix contre 14.

Le Conseil constitutionnel

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Voir sur Wikisource : la décision du Conseil constitutionnel.

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Wikinews propose des actualités concernant « France: le Conseil constitutionnel retoque la loi HADOPI ».

Le 19 mai 2009, le Conseil constitutionnel est saisi sur 11 griefs d'inconstitutionnalité. Le gouvernement de son côté présente ses arguments. Le 10 juin 2009, le Conseil rend sa décision. Selon lui, "la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme; [] eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d'accéder à ces services" (point 12), "eu égard à la nature de la liberté garantie par l'article 11 de la Déclaration de 1789, le législateur ne pouvait [] confier les pouvoirs (de restreindre ou d'empêcher l'accès à internet) à une autorité administrative dans le but de protéger les droits des titulaires du droit d'auteur et de droits voisins"(point 16), "l'article L. 331-38 opère un renversement de la charge de la preuve et institue une présomption de culpabilité, en méconnaissance des exigences résultant de l'article 9 de la Déclaration de 1789" (point 18). Pour ces raisons, il déclare (article 1) contraire à la Constitution les articles autorisant la coupure de l'accès à l'Internet hors d'une décision judiciaire. Par contre, le premier volet est validé sous réserves : la collecte et le traitement des données devront faire l'objet d'une autorisation de la part de la CNIL.

Le Conseil Constitutionnel considère également, concernant le filtrage "que l’article L. 331-32 a pour seul objet de favoriser l’utilisation des moyens de sécurisation; qu’il revient au pouvoir réglementaire de définir les conditions dans lesquelles ce label sera délivré ; [] que [ces] dispositions [] ne sont pas entachées d’incompétence négative" (point 35) et "qu’en permettant aux titulaires [] et aux personnes habilitées à les représenter, de demander que le tribunal de grande instance ordonne, à l’issue d’une procédure contradictoire, les mesures [de blocage], le législateur n’a pas méconnu la liberté d’expression et de communication" (point 38). Le Conseil, censurant de ce fait 2 passages de l'article L331-32, ouvre donc une réserve d'interprétation en décidant que les filtres doivent être définis par un "pouvoir réglementaire", non par la HADOPI, et en soumettant ces mesures au recours judiciaire.

Promulgation

Le 12 juin 2009, le président Nicolas Sarkozy promulgue les articles non censurés de la loi.

Union européenne

Le 10 avril 2008, le Parlement européen adopte une résolution qui engage les États membres à « éviter l'adoption de mesures allant à l'encontre des droits de l'homme, des droits civiques et des principes de proportionnalité, d'efficacité et d'effet dissuasif, telles que l'interruption de l'accès à Internet ». Une résolution n'a pas force de loi mais indique la volonté du Parlement.

En juillet 2008, le projet de loi est notifié à la Commission européenne, qui n'a pas émis de réserves, car il ne présente pas de contradiction avec les directives européennes qui ont cours.

Le paquet télécoms est un ensemble de directives qui devront obligatoirement être transposées dans les lois de chaque pays membre. A l'origine, ce paquet n'a pas l'intention de réguler les contenus des réseaux de télécommunications, mais uniquement de régler des problèmes de concurrence communautaire.

En septembre 2008, la Commission européenne tente de rajouter au paquet télécoms, des modifications validant le concept de riposte graduée.

Le 24 septembre 2008, en première lecture du paquet télécoms, le Parlement vote à 88 % pour l'amendement 138 qui dit : « Aucune restriction ne peut être imposée à l'encontre des droits fondamentaux et des libertés des utilisateurs finaux, sans décision préalable des autorités judiciaires, notamment conformément à l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sur la liberté d'expression et d'information, sauf si la sécurité publique est menacée. » Selon les interprétations de ses rédacteurs (Guy Bono, Daniel Cohn-Bendit et Zazana Roithová) et les opposants au texte de loi Hadopi, cet amendement empêcherait de confier à une autorité publique le droit de couper l'accès Internet à un individu, sans le recours à un juge, et donc à un débat contradictoire.

Le 4 octobre, le président Nicolas Sarkozy envoie une lettre au président de la Commission, M. José Manuel Barroso, lui demandant de retirer l’amendement. Mais le 6 octobre, la Commission européenne rejette officiellement la demande du président français, ne voulant pas privilégier un État membre par rapport aux autres. Le 21 octobre, la Commission européenne annonce retenir l'amendement 138.

Le 20 novembre 2008, la France alors chargée de la présidence de l'Union européenne, décide de retirer cet amendement avant de présenter le texte au Conseil de l'Union européenne.

En mars 2009, il est annoncé que l'amendement 138 sera de nouveau présenté au Parlement européen en deuxième lecture, sous le numéro 46. Cette fois, il est présenté par la rapporteuse elle-même. Dans sa version finale, l'amendement insiste encore plus sur l'obligation d'un jugement équitable avant toute coupure d'Internet.

Le 23 mars 2009, le rapport Stavros Lambrinidis est voté. Il recommande de créer une directive européenne interdisant la surveillance automatisée d'Internet et considère le droit à l'éducation par Internet comme fondamental. Le rapport Medina Ortega, qui préconisait le principe de riposte graduée, est reporté sine die.

Le 21 avril 2009, le paquet télécoms est soumis au vote de la Commission ITRE. La présentation de l'amendement 46 à l'Assemblée Européenne est accepté à 40 voix pour et 4 contre.

Le 28 avril 2009, un nouveau compromis sur l'amendement 46, devant satisfaire la Grande-Bretagne et la Pologne, est trouvé. Le compromis est validé le 29 avril 2009 par le Conseil de l'Union européenne mais le texte original de l'amendement 138 est déposé en parallèle par des députés qui jugent le compromis trop ambigu.

Du 5 mai 2009 au 7 mai 2009, le paquet télécoms passe en deuxième lecture à l'Assemblée européenne. Le 6 mai 2009, après plusieurs rebondissements quant à l'ordre des deux amendements concurrents, l'amendement reprenant le texte original de l'amendement 138 est voté à 404 voix pour et 57 voix contre. L'amendement 46 résultant du compromis avec le Conseil tombe (car sans objet, puisque le texte a été modifié par l'amendement concurrent). Les 12 et 13 juin 2009, le texte est examiné par le Conseil de l'UE.

Le projet de loi complémentaire

Présentation en Conseil des ministres

Le 24 juin 2009, le projet de loi complémentaire est présenté en Conseil des ministres par la Garde des Sceaux nouvellement nommée Michèle Alliot-Marie. L'étude d'impact, qui accompagne le texte, a permis au Conseil d'Etat d'approfondir son examen critique. Le projet "autorise les agents de la Haute autorité (HADOPI) à constater les infractions et à recueillir les observations des personnes concernées. Il permet à la justice de recourir à des procédures simplifiées par la voie d’ordonnances pénales et devant le tribunal correctionnel siégeant à juge unique. Les atteintes au droits d'auteur et droits voisins commises sur internet pourront être sanctionnées par la suspension de l'abonnement". Le Ministère de la Culture n'est plus directement impliqué.

Le gouvernement ayant décrété l'urgence sur ce projet de loi, il n'est prévu qu'une unique lecture dans les deux chambres.

Sénat : lecture unique

Le 24 juin 2009, le projet de loi est déposé, avec le n° 498, devant le Sénat pour y être discuté les 8 et 9 juillet 2009, le rapporteur étant de nouveau Michel Thiollière.. Le texte a été voté au Sénat le 8 juillet et transmis à l'Assemblée nationale le 9 juillet 2009 sous le n° 1831.

Assemblée Nationale : lecture unique

Exclue de la loi Hadopi 1, la surveillance des courriels avait été réintroduite au Sénat à la surprise de nombreux députés qui ont adopté le 16 juillet 2009 en commission des affaires culturelles un amendement de l'UMP Lionel Tardy les excluant de nouveau du projet de loi, et un second amendement prévoyant que le seul abonnement Internet coupé soit celui sur lequel l'infraction a été constatée.

La lecture devait commencer le 21 juillet 2009 pour se terminer dans la semaine, mais la faible mobilisation des députés UMP lors de la dernière réunion de la Commission des affaires culturelles pour l'étude des amendements a rendu illusoire la possibilité d'un vote en juillet, qui se trouve donc repoussé par Bernard Accoyer à septembre.

Le 15 septembre 2009, le texte est adopté à 285 voix contre 225. Son passage en commission mixte paritaire est alors planifié pour le 22 septembre 2009.

Conseil constitutionnel

Le 22 octobre 2009, le conseil constitutionnel valide le texte, ne censurant que le point considéré mineur des dispositions de la loi permettant au juge de statuer par ordonnance pénale sur la demande de dommages et intérêts.

Décrets d'application

Le décret n°2009-1773 du 31 décembre 2009 institue la création de la Hadopi, ainsi que la composition du collège.

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