Loi Création et Internet - Définition

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Bibliographie

  • Collectif, La Bataille Hadopi, In Libro Veritas, 2009  
  • Emmanuel Derieux et Agnès Granchet, Lutte contre le téléchargement illégal : Loi Dadvsi et Hadopi, Sa Lamy, 2010, 266 p.  

Sujets de discordes

Cette section recense les principaux points de discorde au sujet de ce projet de loi.

L'identification par l'adresse IP

Bien que le projet de loi ne prévoie pas la nature des preuves fournies à l'Hadopi, il est, selon les discours prononcés à l'Assemblée Nationale ainsi que dans plusieurs interviews de Mme Albanel, probable que celles-ci soient basées sur une identification de l'auteur de l'infraction via une adresse IP. Celle-ci a déjà été mise en oeuvre par la SACEM, la SDRM, la SPPF et la SCPP, suite à l'arrêt du Conseil d'Etat de 2007 annulant les refus que la CNIL avait adressé à l'égard de ces traitements de données personnelles.

Or, l'utilisation d'une adresse IP pour identifier un accès internet ou un lien avec une personne utilisant cet accès internet est une donnée peu fiable. Ce problème technique est aussi soulevé par la Cnil lorsque consultée sur la loi Hadopi.

D'après sa conception même, le protocole IP et le routage sur Internet ne vérifient pas l'adresse source. Ce protocole est conçu pour être routé même en cas de guerre nucléaire. Le routage étant décentralisé, cela rend impossible la vérification de la source. Aussi, le CERT déconseille d'utiliser une adresse IP comme une identification d'ordinateur sur Internet, car n'importe quel ordinateur peut usurper l'adresse de n'importe quel autre.

Les travaux de trois chercheurs américains de l'université de Washington ont montré cette spécificité du protocole IP : en utilisant de la rétro-ingénierie sur le logiciel BitTorrent ils ont pu enregistrer des adresses IP d'imprimantes et de routeurs Wi-Fi sur des serveurs de peer to peer, et recevoir des lettres de société traquant les téléchargements illégaux aux États-Unis pour des fichiers non téléchargés. Selon leurs conclusions, il est facile de faire générer par les outils de surveillance de fausses plaintes et il est relativement simple de reconnaître ces outils.

L'UFC - Que choisir a fait constater devant huissier que le piratage d'un réseau sans fil d'un voisin était extrêmement facile, en pénétrant un réseau Wi-Fi protégé par chiffrement en WEP. C'est alors l'adresse IP du voisin qui sera relevée par les outils de surveillance. L'utilisation d'une adresse IP (relevée au moment du soupçon d'un délit d'après la loi Hadopi) identifiant à la fois un accès internet mais aussi entre une personne utilisant cette accès internet et l'IP relevé au moment soupçon du dit délit, est une donnée peu fiable.

De manière plus évidente encore, l'adresse IP ne permet pas d'obtenir l'adresse de courriel de son utilisateur. Le FAI est en mesure de fournir le nom et l'adresse postale de ses clients, mais pas leur adresse de courriel. Quand bien même certains clients auraient fourni l'une de leurs adresses au moment de leur inscription, rien ne garantit qu'ils continuent à utiliser celle-ci par la suite. Or, l'action première de la Hadopi est supposée être l'envoi de courriels d'avertissement aux contrevenants. Il est inévitable qu'un grand nombre de citoyens ne recevront de la Hadopi que la lettre recommandée, sans avertissement préalable.

Présomption de culpabilité

Selon l'article 1315 du code civil, la charge de la preuve est portée sur le demandeur. La loi Hadopi repose sur le droit civil pour appliquer les sanctions de coupure.

Entre la version du 30 octobre 2008 et du 20 avril 2009, l'article L. 331-24 a été modifié à trois endroits pour remplacer « Lorsqu’elle est saisie de faits constituant un manquement à l’obligation définie à l’article L. 336-3 » par « Lorsqu’elle est saisie de faits susceptibles de constituer un manquement à l’obligation définie à l’article L. 336-3 ».

Cette écriture permettra de sanctionner l'internaute sur des soupçons qu'un téléchargement a été fait à partir de sa ligne Internet et non sur des preuves. L'internaute sera obligé d'amener la preuve de l'absence de téléchargement à partir de sa connexion. Le texte propose par ailleurs l'installation de programmes mouchards pour amener cette preuve.

Cette loi ne condamne pas le téléchargement non autorisé, mais le fait que la ligne Internet ait été utilisée pour un téléchargement non autorisé. La première difficulté est de discerner a priori les contenus ayant été autorisés ou pas par leur ayants droit, ou dans le domaine public. Ensuite cette loi met en place une responsabilité du fait d'autrui (ce qui est parfois le cas en droit civil mais interdit en droit pénal). Ainsi le propriétaire est non seulement responsable des agissements des personnes utilisant sa ligne (famille, ami de passage, employés, clients de passage), mais en plus de ceux qui contournent les systèmes de sécurité mis en place. La sécurité informatique est un vaste sujet ; cette loi demande pourtant à chaque abonné d'en devenir un expert.

Personnalité de la peine pénale

Un des principes de base du droit pénal français est le principe de personnalité de la peine pénale : on ne peut être condamné au pénal pour le fait d'autrui. Ce principe permettait ainsi d'éviter la coupure de l'accès internet, puisque, celle-ci étant une peine pénale, elle ne pouvait être appliquée qu'à condition de prouver que le titulaire de l'accès était bien l'auteur du téléchargement.

Toutefois, le délit de non sécurisation, instauré avec Hadopi condamne, non plus le fait de télécharger mais le fait de ne pas avoir protégé son accès internet, contournant ainsi le principe de personnalité de la peine pénale. Ce point fut reproché au projet de loi au cours des débats.

La coupure de l'accès Internet

La loi prévoit de couper l'accès à Internet, alors que cet accès a pris beaucoup d'importance. La connexion Internet est utilisée dans un foyer pour de nombreux usages légitimes sans rapport avec le piratage (communication, recherche d'information, vie pratique, recherche de travail, télé-travail, études, documents administratifs, inscription à l'université...). Cette loi instaure un climat de suspicion au sein d'un foyer, où l'activité d'un seul membre pourrait sanctionner tous les membres d'une même famille.

Le projet de loi ne distinguant pas les personnes morales des personnes physiques, une entreprise dont l'activité dépend plus ou moins directement d'Internet sera obligé de les cesser. Le contrôle de l'activité des employés sur internet entraînerait un surcoût économique pour les entreprises, et les outils de filtrage des connexions ne sont pas toujours satisfaisants. Ce contrôle imposé par la loi de l'employeur envers ses employés risque aussi de se transformer en surveillance individualisée, selon la Cnil.

Dans certaines régions, en particulier les zones non dégroupées la coupure Internet impliquera la coupure du téléphone et de la télévision par Internet. Or selon la loi en vigueur, les opérateurs de téléphonie ont l'obligation de fournir un service minimum d'urgence. Les fournisseurs d'accès estiment qu'un délai minimum d'un an à partir de la publication des décrets sera nécessaire pour que toute la France soit équipée convenablement. Or selon le principe d'égalité, tous les contrevenants doivent être sanctionnés de la même manière. Donc aucune coupure ne pourra être prononcé avant que les fournisseurs d'accès ne soient prêts.

La Cnil a exigé des garanties afin de s'assurer que les modalités de mise en œuvre de l'exclusion ne concerne que « des incidents présentant une gravité certaine et prédéterminée ».

La Suède a refusé l'application d'une coupure de l'accès internet, mesure clef de la riposte graduée, jugeant la sanction trop forte.

Le 26 mars 2009, le Parlement européen adopte à 481 voix contre 25 et 21 abstentions un rapport du socialiste grec, Stavros Lambrinidis, intitulé Renforcement de la sécurité et des libertés fondamentales sur Internet. Par une forte majorité, les eurodéputés se prononcent contre toute sanction de privation d'accès à internet : « un tel accès ne devrait pas être refusé comme une sanction par des gouvernements ou des sociétés privées ».

L'aspect pédagogique

La loi adopte une approche que le législateur veut pédagogique, remplaçant les poursuites pénales par des messages d'avertissement pouvant aboutir à la suspension de l'abonnement internet.

Les partisans d'une approche modernisée de la notion de droit d'auteur soulignent au contraire le contre-sens pédagogique d'une approche consistant à criminaliser des comportements considérés comme naturels par toute une génération, comportements selon eux incontournables dans la consommation et la production culturelle digitale au XXIe siècle.

Une volumétrie pouvant atteindre 10 000 courriels par jour et l'efficacité des avertissements sont avancés par le ministère de la Culture pour énoncer qu'un nombre très faible d'internautes verra sa connexion effectivement coupée. Selon la ministre, cette loi aurait donc pour but de « créer un cadre psychologique », ce qu'elle a affirmé au moment du second vote à l'Assemblée.

Un internaute pourra recevoir plusieurs recommandations par courriel avant de recevoir un courrier recommandé (Art. L. 331-26). Les opposants à la loi ont critiqué cette liberté laissée à l'appréciation de la Haute Autorité, la trouvant arbitraire et peu lisible.

Les opposants s'interrogent donc sur l'aspect pédagogique d'une riposte graduée qui n'expose pas avec exactitude les faits reprochés, les messages d'avertissement n'étant pas accompagnés de la description des manquement reprochés. Le destinataire des avertissements devra les exiger de la Haute Autorité pour qu'ils lui soient communiqués. Chaque étape peut aussi être considérée comme une sanction, car elle expose la personne accusée à l'étape suivante en cas de récidive.

Le coût économique

Fonctionnement de la HADOPI

En dehors des 6,7 millions d'euros par an du budget du ministère de la Culture, les coûts pour les FAI et leurs clients sont difficilement estimables. Selon différentes estimations, les FAI devront investir entre 60 millions et 100 millions d'euros, de 2009 à 2012 pour adapter leur infrastructure. Selon la FFT, il se pourrait même que ces coûts soient constitutionnellement à la charge de l'état.

À cela, il faut aussi ajouter le coût de la mise en place de filtrages supplémentaires par les entreprises envers leurs employés, et le coût de la mise en place de filtrage et de mise à jour d'une liste blanche pour les accès en borne Wi-Fi "hotspot".

S’ajoutent aussi les coûts de repérage et de signalement qui seront à la charge des ayants-droit (Sacem, SACD…). Il est à noter que ces coûts pourraient empêcher les petits labels d'avoir recours à la Hadopi, réservant de fait le recours à la Hadopi aux majors.

Les gains, quant à eux, ne sont pas garantis, puisqu'aucune étude ne prouve que les personnes s'arrêtant de pirater achèteraient pour autant les produits qu'ils auraient eu envie de télécharger gratuitement. Une étude réalisée conjointement par L'UFC-Que choisir et un laboratoire de recherche de l'université Paris-XI sur les habitudes de copiage des français présente des résultats détaillés sur l'impact quasiment nul de la copie sur les comportements d'achat.

Quand bien même les ventes augmenteraient, les gains pour le fisc français ne sont pas non plus assurés. Le leader du marché, iTunes d'Apple (60% de part du marché), paie ses taxes au Luxembourg, car en tant que société extra-communautaire, elle y bénéficie d'avantages fiscaux. Bientôt AmazonMP3 s'y installera aussi. Actuellement, iTunes représente un manque à gagner de 5 millions d'euros pour le fisc français.

Fonctionnement de la loi complémentaire

La loi complémentaire ajoute l'intervention des juges en plus de la haute autorité.

Le gouvernement ne prévoit plus que 50 000 suspensions, mais elles mobiliseront plus de personnel, puisqu'il faudra en plus 109 fonctionnaires dont 26 magistrats. Le gouvernement prévoit de créer 9 tribunaux spéciaux répartis sur la France. Le coût financier n'a pas été estimé.

L'absence de crise économique du secteur culturel

Alors que les majors du disque dénoncent une crise de la musique, le chiffre d'affaires global de la musique (en incluant les concerts) est en augmentation : selon deux études économiques, le marché mondial de la musique progressera de 4 % de 2007 à 2011. En 2007, la Sacem a atteint un record historique de sa collecte. Plutôt qu'une crise de la musique c'est donc une crise de l'industrie du disque.

L'industrie cinématographique a battu des records de fréquentation en 2008, que ce soit en France, aux États-Unis ou en Suède par exemple. De même, 2009 est une année record pour l'industrie du cinéma qui va dépasser pour la première fois la barre des 10 milliards de revenu.

L'industrie du jeu vidéo a augmenté son chiffre d'affaires de 22 % en 2008 par rapport à 2007, qui était déjà une année exceptionnelle.

Nombre de chiffres alarmistes répétés par le ministère de la Culture (en particulier 10.000 emplois détruits par le piratage, ou le milliard d'œuvres téléchargées en 2007) sont aujourd'hui fortement contestés ; les opposants au texte s'inquiètent que le fait d'avoir présenté aux députés une situation plus alarmiste que la réalité aie créé une fausse obligation de légiférer, afin de sauver une industrie qui ne serait pas réellement menacée.

Crainte d'un contrôle de l'internet

Filtrage

D'après le site Web J'aime les artistes du ministère de la Culture, le « filtrage généralisé des réseaux » n'est pas prévu. Pourtant, la loi prévoit bien d'inclure des « expérimentations » dans ce domaine : « [La Hadopi] évalue (…) les expérimentations conduites dans le domaine des technologies de reconnaissance des contenus et de filtrage par les concepteurs de ces technologies, les titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés et les personnes dont l’activité est d’offrir un service de communication au public en ligne. ».

Dans la version initiale du projet, le mot « filtrage », placé dans un des articles du projet avait été supprimé par le Sénat. Finalement, le texte prévoit que le tribunal de grande instance puisse imposer du filtrage à tout acteur pouvant le faire. La Business Software Alliance s'inquiète de cette disposition. La BSA est un consortium anti-piratage, auquel adhèrent, entre autres, Microsoft, Apple et Dassault. Free refuse d'appliquer du filtrage à ses abonnés, estimant qu'on ne peut décemment demander à la poste d'ouvrir tous les courriers, pour vérifier que personne ne s'envoie des poèmes recopiés d'un livre dans tous les courriers d'amour.

Dans un article du Monde diplomatique l'universitaire André Gunthert, parle du « filtrage de l'internet » :

« Hadopi vise aussi à préparer le filtrage du Net », l'acronyme évoquant CSA pour l’audiovisuel et la Haute autorité ayant vocation à devenir l’organe de contrôle et de régulation du web. […] Pour surveiller le piratage, Hadopi suppose la mise en place par l’industrie des télécoms de bases de données des connexions des usagers, de procédures et de services dédiés à leur exploitation. […] Grâce à cet outil et à l’élaboration de « listes blanches » expurgées des sites « inappropriés » les services de l’État disposeront de moyens sans précédent de contrôle des échanges en ligne. Il suffira de doter la Haute autorité de pouvoirs accrus pour s’assurer du verrouillage du réseau. »

Dans un texte intitulé Qui contrôlera le futur ?, des auteurs de science-fiction et d'autres personnes qui travaillent autour de ce domaine co-signent une lettre contre la loi Hadopi, : « Cette loi […] nous apparaît surtout comme un cheval de Troie employé pour tenter d'établir un contrôle d'Internet, constituant par là même une menace pour la liberté d'expression dans notre pays ». Et ils mettent en garde contre les dangers que cette loi fait peser sur le « monde de la culture diffusée et partagée sous licence libre ».

Selon Jean-Michel Planche, spécialiste de l'Internet et intervenant au sein de la Commission consultative des réseaux et services de communications électroniques (CCRSCE) consultée pour le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI ou LOPPSI 2), il se prépare un « système de filtrage au profit de fins spécifiques, c'est la neutralité du Web qui est menacée » : le filtrage mis en place au niveau des adresses IP ou des DNS sera insuffisant et passera dès lors au niveau des paquets réseaux, le modèle de l'internet qui est au profit de l'utilisateur et un système d'échange décentralisé conçu pour résister à une guerre nucléaire, passerait à un modèle de système centralisé de diffusion de contenus au profit de quelques-uns.

Pour Rickard Falkvinge, fondateur du parti pirate suédois, Hadopi serait véritablement les prémices d'un contrôle de l'internet en France : dans un entretien accordé à Fluctuat.net, il affirme le risque et la crainte d'un modèle de système centralisé de diffusion de contenus et de la perte de la neutralité du Web. Dans un autre article, il finit par déclarer : « Vous devez être désormais l'un des pays les plus répressifs au monde sur ce sujet, derrière peut-être la Corée du Nord ou l'Iran.[…]Nous sommes sur un chemin où l'activité de chaque citoyen devient totalement transparente pour les gouvernements. Nous savons où ce chemin mène : à une forme de totalitarisme ».

Lors des débats commencés le 4 mai au soir, Mme le Ministre Albanel a laissé entendre que le filtrage serait fait par des sociétés privées commanditées par les majors, et la majorité a rejeté tous les amendements visant à faire encadrer les tests de filtrages par l'Arcep, suivant l'avis défavorable de la Ministre.

Mouchards

Pour réduire sa peine (coupure d'Internet), un internaute devra accepter qu'un programme espion soit installé sur son ordinateur. Les opposants à la loi imaginent aisément les dérives possibles de ces programmes.

Ces logiciels de sécurisation contrôleront les données entrantes et sortantes de l'ordinateur. Ils seront obligatoires, payants et non interopérables. Le rapporteur Franck Riester et Christine Albanel ont refusé la gratuité de ces logiciels. Les internautes utilisant un système d'exploitation non compatible avec les logiciels de sécurisation ne seront pas exonérés. Parmi ces systèmes non compatibles, on comptera sans doute Mac OS, GNU/Linux, et d'autres systèmes minoritaires (BSD, Solaris...), ainsi que les vieilles versions de Windows. Cette absence de compatibilité pourrait pousser les internautes condamnés à migrer "de force" vers Microsoft Windows et ainsi bloquer la concurrence. Microsoft aurait alors le monopole des systèmes d'exploitation de ces internautes. Les natures et fonctions précises de ces logiciels ne sont toujours pas connues. Cela pourrait poser de sérieux risques de sécurité à l'ensemble des machines ainsi équipées d'une porte dérobée.

Dans la version présentée le 29 avril 2009, il est question de surveiller toutes les communications électroniques, ce qui inclut aussi les e-mails et toutes les autres communications à caractère privé pour un particulier, et relevant du secret industriel ou commercial pour une société.

Dans son avis rendu, le Conseil Constitutionnel a censuré l'imposition de ces logiciels-espions. L'Autorité pourra suggérer aux contrevenants et internautes d'installer un tel logiciel, mais pas le leur imposer.

La labellisation

La loi prévoit que les sites « commerciaux légaux » soient mis en avant par les méthodes de recherche sur internet. Les bons sites recevraient un label de l'Hadopi. Les sites ainsi labellisés auraient un avantage jugé anticoncurrentiel par l’Acsel, (l’Association de l’économie numérique), le Geste, (le Groupement des éditeurs de services en ligne) et l’Asic, (l'Association des services Internet communautaires).

Le surréférencement

Via l'amendement no 50 de Franck Riester, l'Assemblée a adopté un amendement UMP qui prévoit un label officiel Hadopi, et qui veille aussi « à la mise en place » et à « l'actualisation d'un système de référencement de ces mêmes offres par les logiciels permettant de trouver des ressources sur les réseaux de communication électroniques ». Pour lui, « les moteurs de recherche réorientent le plus souvent les internautes, à l’occasion de la saisie de titres de films, vers des sites de téléchargement ou de partage illégaux ». Grâce aux filtres imposés chez les internautes par la future loi, les sites qui respectent les réglementations du CSA seraient labellisés, et les sites qui ne les respecteraient pas seraient bloqués.

Le moteur de recherche Google déclare à propos de ce surréférencement des sites Web : « Ce serait aller loin que de demander aux moteurs de recherche de surréférencer certains sites labellisés, cela constituerait une forme de censure ».

Le site Web Big Brother Awards a décerné son prix spécial du Jury pour Frédéric Lefebvre, député et porte parole de l’UMP, pour « (...) ses arguments iniques pour soutenir la loi Hadopi ». Son amendement de février 2008 prévoyait de donner au CSA des pouvoirs de contrôle sur les sites de partage de vidéos et d’information et de labelliser les sites qui respectent les réglementations du CSA, et de bloquer les autres sites grâce aux filtres imposés chez les abonnés internet. Cet amendement a été finalement adopté par l'amendement no 50 de Franck Riester.

Le modèle économique du disque

Le modèle économique du disque repose sur la matérialité du support dont l'usage est rival (un seul disque ne peut être utilisé que par un foyer à la fois) et quasiment exclusif (accès payant). La fabrication de disques imposent des procédés industriels qui pouvaient être contrôlés. Il s'agit d'une économie de la rareté.

Les innovations technologiques et la numérisation ont cependant permis de rendre le coût de la copie et de la diffusion de l'information extrêmement faible, voire insignifiant, que ce soit en temps ou en argent, et à la portée de tout le monde. Les supports physiques laissent ainsi peu à peu place à des biens immatériels non-rivaux et, dans le cas du piratage sur Internet, non-exclusifs pour lesquels les théories économiques n'appliquent pas la même logique. Il s'agit d'une économie de l'abondance.

« Lorsqu’on partage un bien matériel, il se divise. Lorsqu’on partage un bien immatériel, il se multiplie. »

— Serge Soudoplatoff

Pour ces raisons, le prix Nobel d'économie Paul Krugman estime que l'argent dans la culture ne peut plus être réalisé dans la vente de disques, mais dans la vente de produits dérivés et de services.

« Octet après octet, tout ce qui peut-être numérisé sera numérisé, rendant la propriété intellectuelle toujours plus facile à copier et toujours plus difficile à vendre plus cher qu'un prix nominal. Et nous devrons trouver les modèles économiques et les modèles d'affaires qui prennent cette réalité en compte. »

— Paul Krugman

Les principes économiques d'exclusivité ne peuvent être appliquées qu'au début de la diffusion d'une œuvre : c'est le cas des salles de cinéma qui diffusent en exclusivité les nouveaux films avant leur sortie en vidéo, puis leur diffusion à la télévision. Dans la vie d'une œuvre piratée, il y a un pic d'abondance, où toute offre payante ne peut concurrencer l'offre pirate. Il y a ensuite une baisse de la disponibilité de l'œuvre couplée à une abondance d'offres non pertinentes où une offre payante peut se développer. Le filtrage est alors le service qui a de la valeur.

Un rapport de 2009 commissionné par le gouvernement néerlandais estime qu'un point de non retour a été atteint en matière de partage de fichiers. L'industrie de la musique doit donc faire preuve d'innovation pour utiliser cet état de fait. Le rapport dit que le durcissement des lois et des actions contre le piratage ont toujours eu des effets temporaires.

Plusieurs autres rapports affirment que l'impact du téléchargement illégal ne serait pas nécessairement négatif pour l'industrie du spectacle : une partie des « pirates » ne serait de toute façon pas consommatrice et trouverait d'autres moyens de contourner les protections, une autre partie reporterait leur budget sur les places de concert et les produits dérivés, et les autres continueraient à acheter autant de CD et DVD, le téléchargement leur servant simplement à faire un premier tri et constituant une promotion à coût nul pour l'industrie du disque.

L'efficacité de la loi en question

Le 26 février 2009, Patrick Waelbroeck, expert scientifique sur le piratage et professeur associé à l’ENST au département Économie et science sociale, déclare que cette loi rendrait le piratage invisible et non mesurable. Le P2P, qui est particulièrement visé par cette loi, ne représente que la troisième méthode d'échange de fichiers sous copyright au sein d’une université française ; la première méthode étant l'échange en face à face, par disque ou clef USB. Dans un proche avenir, il estime que d'autres technologies, comme le Bluetooth, vont supplanter les méthodes existantes.

Pour Frédéric Aidouni, spécialiste des technologies P2P, la loi va « faciliter le piratage sur Internet par le développement de logiciels sécurisés». Le P2P classique pourrait ainsi laisser place à de nouveaux réseaux entièrement chiffrés (par exemple de type F2F). Bien que déjà existants, de tels réseaux sont aujourd'hui peu fréquentés. La loi pourrait aussi encourager le développement d'Usenet en SSL, ainsi que l'usage d'offres VPN ou de proxy d'anonymat payant. L'usage de systèmes de téléchargement direct (rapidshare, megaupload et autres) ou le passage par le streaming permettraient vraisemblablement aussi de passer entre les « mailles » d'Hadopi.

La loi risquerait de ne sanctionner que les petits contrevenants qui n'ont pas la compétence technique pour échapper aux contrôles. Ainsi, la loi donnera l'illusion d'une efficacité contre le piratage en diminuant la partie visible du piratage.

Laurent Petitgirard, président de la Sacem, en son nom personnel, doute de l'efficacité de cette loi : « Il était impossible pour la Sacem de ne pas s’associer à une concertation générale visant à sortir d’un système uniquement répressif idiot et inefficace ».

Pour Jacques Attali, économiste et écrivain futurologue notable, cette loi est « une loi absurde et scandaleuse » (dans une tribune publiée le 10 mars 2009). Le 13 mars 2009, le SNEP, Syndicat national de l'édition phonographique, réplique à celui-ci en dénonçant son discours démagogique et « l'arrogance, l'argumentation superficielle et les contre-vérités » ; des réalisateurs de films qualifient le projet de loi comme une « démarche novatrice, respectueuse des libertés individuelles » le même jour.

Le 30 mars 2009, J. Attali déclare que cette loi est vouée à l'échec et il recommande aux artistes de bien faire attention à ce que la mise en place de la licence globale ne soit pas en leur défaveur. Puis, le 27 avril 2009, il propose que des artistes, producteurs, agents, sociétés d'auteurs, tourneurs, consommateurs et fournisseurs d'accès se rencontrent autour d'une table ronde pour réfléchir à dix propositions pour amorcer un débat serein et réfléchi sur les nouvelles technologies (dont la notion de « téléchargement gratuit ») appliquées principalement à la musique, au cinéma et au livre : « le coût de production et de distribution des œuvres artistiques sera sans cesse en baisse ».

Une étude de l'université Rennes I conclut, en mars 2010, que la loi est inefficace.

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