Arrêtés le 5 juillet 1944, Samy Klein, son cousin Henri Klein, et son futur cousin par-alliance, André Elbogen, ne restent que pour un court temps en prison. Au matin du vendredi 7 juillet 1944, ( la veille du 17 Tammouz) ils sont emmenés pour être fusillés au bord d'un champs. Ce champ est situé à l'Étrat à la Fouillouse (Voir, La Fouillouse), commune de l'Étrat, située à six kilomètres au nord de Saint-Etienne. Le "cadavre affreusement mutilé" de Samy Klein est trouvé sur la route de l'Étrat à la Fouillouse , le 8 juillet 1944 (le 17 Tammouz).
Chaque matin, la police française enlève les corps, après les avoir photographiés!
Plus tard, Marguerite Klein ira en pélerinage à ce champ, et elle en rapporte ce témoignage:
"Mes chers amis,
"Je vous apporte le dernier message de Samy et je suis sûre qu'il est un réconfort pour vous tous qui l'avez aimé et qui le regrettez. Nous sommes allés sur les lieux de sa mort tragique. Il faut quitter la grand'route et monter un chemin caillouteux. C'est là, dans un coin de campagne paisible, au bord du chemin, le long d'un champ, que l'on a retrouvé son corps. Sans doute, alors, ce champ était-il couvert d'une riche moisson. Il y a plus de deux mois de cela et le voilà tout labouré, prêt pour une nouvelle semence. N'est-ce pas là un symbole? La riche récolte qu'il avait amassée en lui pour nous, nous l'avons perdue en le perdant, mais si cette perte nous touche au plus profond de nous-mêmes, ne nous prépare-t-elle pas par là même au dur travail qui nous attend? Les difficultés sont faites pour nous donner la joie de les vaincre. Ayons le courage".
"signé: MARGUERITE"'
Les dépouilles de Samy Klein, Henri Klein et André Elbogen sont inhumées dans le cimetière de l'Etrat, puis inhumées à nouveau, après la guerre, dans le cimetière israélite de la rue du rabbin Abraham Bloch à Lyon. Cette seconde inhumation se fera en même temps que pour les cinq fusillés du 19 mai 1944 de la ferme-école Saint-Germain près de Villemotier dans l'Ain, incluant Aron Wolf, l'ami de Samy Klein. Selon la tradition juive, ils seront veillés toute une nuit par les chefs E.I.F. de Lyon, incluant Frédéric-Shimon Hammel, au cimetière juif de Lyon.
Ce n'est qu'au début septembre 1944 que Marguerite Klein apprend avec précisions les circonstances de la mort de Samy. Elle voit alors les photos et et elle lit le signalement vestimentaire. Elle se trouve à Roanne. Comme le demande la tradition juive, elle ne fait qu'une heure de shiva (sur les sept jours de deuil).
A titre posthume, Samy Klein est décoré de la Médaille de la Résistance par décret du 3 août 1946.
Frédéric-Shimon Hammel qui a bien connu Marguerite Klein trace son portrait:
"La vie de Marguerite, à partir de ce vendredi 7 juillet 1944, où son mari a été fusillé par les Allemands par contre, sera celle d'une héroïne: héroïsme tout particulier, discret - pour ne pas dire secret - resolu, extraordinaire. Elle élèvera seule, ses deux filles, elle exercera sa profession de médecin, elle dirigera une maison d'enfants de l'OSE (L'Œuvre de secours aux enfants), elle participera au Mouvement des Éclaireurs Israélites de France. Pendant des années, elle en dirigera la branche féminine."
"Tout cela dans le calme, sans publicité, avec assurance, comme s'il était naturel qu'une femme seule ne s'écroule pas sous tant de graves responsabilités."
"Marguerite est soutenue par une foi inébranlable et par le souvenir de celui qui n'a partagé sa vie que pendant trois ans. Cette double fidélité qui, en fait, n'en est qu'une, caractérise cette vie toute de dévouement et de sacrifices. Son poste de l'Hygiène scolaire lui ménage beaucoup de vacances. Elle va "se reposer" soit chez sa fille en France, soit chez celle qui s'est installée en Israël. Pour cette dernière, surtout, la présence de sa mère est une bénédiction. Elle peut dételer un peu, alors que Marguerite se chargera des travaux du ménage, envahi d'enfants."
"Elle ne s'accorde pas un jour pour aller voir ses amis. Il faut aller à Bnei Brak, pour la rencontrer."
"Pendant nos dernières rencontres à Strasbourg, part l'évocation des souvenirs liés à la personne de Samy, Marguerite me parlera des problèmes rencontrés au cours de son travail de médecin des écoles. L'usage des drogues l'inquiète au plus haut point. Ses préoccupations maternelles s'étendent à toux ceux qui se confiaient à elle."
"Marguerite n'a pas choisi au hasard sa profession, s'identifiant à son père, médecin lui aussi, à la forte personnalité, et pilier de la communauté orthodoxe de la Rue Cadet. Le docteur Salomon Klein refusera de quitter Paris, ses malades et sa communauté pendant l'Occupation, et portera fiérement l'étoile jaune imposée par les nazis. Sa femme contractera une infection grave en aidant son mari. Marguerite dépose au Consulat de Suisse à Lyon une demande de visite à sa mère, soignée dans un hôpital de Zurich. La réponse sera aussi laconique qu'inhumaine: "Unerwüncht" (Indésirable). Madame Klein, affaiblie par les restrictions, succombera sans avoir revu les siens. Les relations postales avec la Suisse sont coupées et Marguerite n'apprend le décès de sa mère qu'après plusieurs semaines. Je revois Samy, déjeunant avec moi à la Soupe populaire de Lyon, se dresser, blême, pour dire la formule traditionnelle: "Barou'h Dayane Emeth" (Béni soit le Juge équitable), en apprenant la nouvelle."
"Le dernier message de Samy et l'amour qu'il exprime guideront Marguerite jusqu'à sa mort. Grâce à eux, son veuvage ne sera ni une totale solitude ni, d'ailleurs, une affliction passive. Marguerite alliera la fidélité aux dernières volontés de son mari à une sérénite remarquable. Jamais, au grand jamais, la moindre plainte ne passera ses lèvres."
"Dant l'immédiat après-guerre, Marguerite se mettra à la disposition des oeuvres d'accueil. D'abord une maison pour jeunes D.P., improvisée de toutes pièces par le Service social des Jeunes des E.I.F., à Montreuil. A la liquidition de ce centre, elle acceptera une proposition de l'OSE: diriger, à Versailles, un foyer pour jeunes filles."
"Quittant le domaine de l'éducation, Marguerite revient à ses premiers amours, la médecine, exercée comme médecin d'Hygiène scolaire à Paris, puis à Mulhouse, à Colmar et finalement à Strasbourg. Elle envisage sa retraite et son installation en Israël, lorsqu'un cancer se déclarera. Sa fille Annie-Rose arrivera avec son bébé nouveau-né peu de jours avant la fin. Marguerite lui a caché son mal pour ne pas lui causer de soucis pendant les derniers mois de grossesse."
"Présidente des E.I.F. Pendant de longues années, Marguerite est le porte-parole de Samy auprès des instances dirigeantes du Mouvement, d'abord comme Commissaire de la Branche Féminine, comme Présidente du Mouvement. A la Féderation Française des Éclaireuses (F.F.E.), elle représente les Éclaireuses Israélites, son action dépassant de beaucoup cette simple représentation. Pendant l'après-guerre, années qui seront aussi celles de "l'après antisémitisme officiel", il faudra que les Juifs soient représentés par une personne sûre d'elle et qui sache de quoi elle parle."