Le palais Rose de l'avenue Foch était un hôtel particulier aujourd'hui disparu, situé au n°40 (aujourd'hui n°50) de l'avenue Foch dans le 16e arrondissement de Paris et édifié de 1896 à 1902 par l'architecte Ernest Sanson pour le comte Boniface de Castellane et son épouse née Anna Gould.
Le 18 mai 1895, Boniface de Castellane achète un terrain de 3 500 m² dans le quartier le plus élégant de Paris, propriété de Georges-Auguste Hesbert, situé alors au n°40 avenue du Bois - devenu n°50 avenue Foch - , au n°94 - aujourd'hui n°124 - avenue de Malakoff, au n°1 rue Duret, ainsi qu'au n°5 et 9 rue Piccini.
Le 26 octobre 1895, il acquit un second terrain contigu de 1 002 m² ayant appartenu successivement à Edmond-Ernest Hublot puis au baron Auguste-Louis Ferdinand Creuzé de Lesser. L'année suivante, son épouse rachète une parcelle totale de 5 700 m² pour la somme de 3 625 000 francs.
Le couple commanditaire s'adresse à Ernest Sanson dans le but d'édifier sur ce terrain une demeure inspirée du Grand Trianon de Versailles. Connu pour l'ampleur et la qualité de ses travaux, le maître d'œuvre reconstruisit, en 1900, le château de Belœil en Belgique dont l'escalier d'honneur fut jugé « digne de Versailles ».
Sanson eut comme collaborateur René Sergent, promoteur le plus fameux du style Louis XVI-Ritz, une des dernières manifestations du néo-classicisme français.
Des jardins « à la française » avaient été aménagés par le célèbre paysagiste Achille Duchêne - qui reconstitua alors de nombreux parcs tel celui du château de Champs à Champs-sur-Marne, pour les Cahen d'Anvers) ou créa des ensembles dans le goût du Grand Siècle (Blenheim Palace) - comme à l'hôtel Porgès, édifié avenue Montaigne.
Le permis de construire fut délivré le 16 mars 1896 et la première pierre posée le 20 avril de la même année.
La construction dura six ans. La façade sur l'avenue Foch était très directement inspirée du Grand Trianon, dont elle reprenait les baies en plein cintre, les pilastres de marbre rose, la balustrade dissimulant les toitures et jusqu'aux ferronneries. Le maître d'ouvrage avait poussé le souci du détail jusqu'à faire venir le marbre des carrières utilisées au XVIIe siècle par Louis XIV.
L'entrée principale donnait sur l'avenue de Malakoff. Après avoir traversé la cour d'honneur, trois portes donnaient accès à un grand vestibule dallé et décoré de marbres polychromes. Sa voûte surbaissée comportait, à chaque extrémité, de petits escaliers à trois volées menant aux appartements privés et entresols de service.
Au-delà du vestibule, on pouvait admirer le grand escalier d'honneur, pièce maîtresse du Palais et magistrale adaptation du célèbre escalier dit des Ambassadeurs du château de Versailles, construit de 1627 à 1678 par François d'Orbay (1634-1697) et détruit en 1752 ; une première copie en avait déjà été réalisée en 1876 par l'architecte Gabriel-Hippolyte Destailleur (1822-1893) au palais Rothschild de Vienne, une seconde en 1878 par Dollmann et Hoffmann au château de Herrenchiemsee, une troisième et dernière par Flanneau, en 1906, au palais Egmont d'Arenberg à Bruxelles.
On cite également dans ce genre les escaliers des anciens hôtels de Boisgelin (actuelle ambassade d'Italie) et Potocki (actuelle Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris), ayant mis en oeuvres 7 et 8 variétés différentes de marbres.
L'historien et académicien Pierre de Nolhac (1859-1936) évoque ainsi cette entreprise :
« Il préparait alors cet hôtel qui reproduit le rez-de-chaussée du Grand Trianon exhaussé d'un étage (...) cet escalier évidemment démesuré que sa fantaisie grandiose voulut s'offrir (...) il y tenta de reproduire le grand degré de Louis XIV, connu sous le nom d'escalier des Ambassadeurs, et dont tout un album de la Chalcographie du Louvre a conservé les détails. Les dimensions et la reproduction architecturale sont d'une heureuse réussite, bien qu'il manque à la copie la splendeur des bas-reliefs et des peintures. Le Tout-Paris d'alors a assité à la brillante fête d'inauguration de cet immense vaisseau de marbre que le Paris d'aujourd'hui ne connaît plus. Mais le singulier de l'histoire, c'est que Boni était arrivé à croire qu'il réalisait un puissant projet de Louis XIV, que celui-ci faute d'argent, n'avait pu exécuter (...) (alors qu') il n'en avait pas moins fait l'admiration de l'Europe pendant soixante-dix ans. » (" La résurrection de Versailles - Souvenirs d'un conservateur, 1887-1920 " Plon, 1937, p.212).
Les deux volées de marbre - rouge pour les marches et noir pour les rampes - desservaient à l'étage noble avec, d'un côté, la salle à manger ornée de boiseries couleur vert d'eau, s'inspirant de celles du "Pavillon Français" du Grand Trianon et pouvant accueillir 180 invités, un jardin d'hiver et un petit théâtre, et de l'autre, le "Salon des Arts" glorifiant l'Architecture, la Peinture, la Sculpture et la Musique. Ce dernier s'inspirait du "Salon de la Guerre" de Versailles. Une longue galerie reliait les deux pièces.
La décoration était due à "la meilleure main-d'œuvre dans sa spécialité" - le maître-décorateur d'Espouy, auteur des peintures des plafonds et voûtes, dont celle du grand escalier ("les Cinq Continents", d'après Charles Le Brun), les sculpteurs Cruchet (décorations de la voûte du vestibule) et Aubé (bas-reliefs du grand salon), Felz (bibliothèque), le doreur Fourier (grande galerie), le marbrier Huvé - fut l'objet d'une recherche et d'un soin tout particuliers.
Les clients, particulièrement exigeants, firent reprendre les façades à deux reprises car le marbre italien « s'affadissait sous le ciel parisien », et la hauteur des fenêtres, afin qu'elles éclairent bien les pièces. On alla même jusqu'à peindre un trompe-l'œil en faux marbre sur du marbre véritable afin d'obtenir les nuances recherchées...
La fortune colossale d'Anna Gould permit de prodiguer l'argent sans compter et l'édifice, type-même de l'Hôtel de l'Amateur, coûta la somme énorme de quatre millions de francs-or. D'une somptuosité déjà anachronique à l'apogée de la Belle Époque, le palais Rose ne fut jamais complètement terminé : lors de sa démolition, il restait encore des calques sur certains plafonds et des corniches supportaient des marques au fusain.
Le bâtiment était pourvu de tout le confort moderne. Le sous-sol, réservé au service, comprenait notamment une épicerie, une pâtisserie et même les chambres des domestiques qui y bénéficiaient de l'eau courante et du chauffage central.