Le palais de Justice de Poitiers est l'ancien palais comtal de Poitiers. Il est un témoignage médiéval du style architectural du gothique angevin.
Le royaume d'Aquitaine avait été reconstitué par Charlemagne pour son fils Louis le Pieux. Un palais fut construit pour lui au IXe siècle à cheval sur la muraille romaine datant de la fin du IIIe siècle, sur le point le plus élevé de la ville. Le roi Louis y fit plusieurs séjours, et y revint une fois devenu empereur, en 839 et en 840. Il fut ensuite le siège des comtes de Poitiers. Ce premier état du palais a totalement disparu dans un incendie en 1018.
Il fut reconstruit par les comtes-ducs d'Aquitaine, alors au faîte de leur puissance. Le comte Guillaume IX y ajouta un donjon vers 1104, du côté de la ville, appelé tour Maubergeon en hommage à sa maîtresse. Celle-ci, Amauberge (la Dangereuse) de l’Île Bouchard, était la femme du vicomte Aimery de Châtellerault, et la grand-mère par sa fille d'Aliénor d'Aquitaine. Le nom de Maubergeon viendrait d'après certains historiens de malberg, le nom mérovingien donné au tribunal. Ce donjon rectangulaire était renforcé d'une tour à chaque angle, et fut très endommagé avec la partie sud du palais lors de l'incendie allumé par le comte de Derby en 1346.
De 1192 à 1204, Aliénor d'Aquitaine fait aménager une salle, aula, qui remplace une autre plus ancienne. Sans nom particulier à l'époque, cette salle était probablement la plus vaste de l'époque (50 mètres sur 17) en Europe. L’ancien pont de la salle du XIIe siècle existe encore dans les constructions modernes de l'actuelle rue du marché. La salle n'a pas de plafond, et on peut voir la charpente en châtaignier, construite en 1862 par les charpentiers de marine de La Rochelle. Les murs de la salle sont ornés d'arcatures aveugles supportées par de fines colonnettes, avec une organisation différente selon le mur. Des têtes grimaçantes et des personnages ornent les culots des colonnes. Ce type d'ornement est fréquent dans l'art gothique dit Plantagenêt, Angevin ou encore Gothique de l’Ouest. On le retrouve à la cathédrale de Poitiers, édifice contemporain. Les murs ont été enduits et peints au XIXe siècle de motifs imitant la pierre en grand appareil. Une banquette de pierre fait le tour de la salle. C'est l’actuelle salle des pas perdus du palais de justice.
C'est déjà dans cette salle que les comtes-ducs rendaient parfois la justice.
Après le rattachement du Poitou au domaine royal, la salle des pas perdus devint la salle du Roi, où s'exerçait la justice du roi. C'est ici aussi qu'Hugues de Lusignan, comte de la Marche, vint défier publiquement le roi Louis IX (saint Louis) le jour de Noël 1241.
De 1418 à 1436, le Parlement royal (institution judiciaire) y siégea. Le 5 juin 1453, Jacques Cœur y fit amende honorable devant le roi, corde au cou, y entendit la sentence le condamnant à la prison jusqu'à paiement complet d'une amende. Les Grands Jours de Poitou s'y tinrent sept fois de 1454 à 1688 : il s'agit d'une juridiction exceptionnelle déléguée par le roi, pouvant juger toute affaire civile ou criminelle. Elle était mandatée de temps à autre pour remettre de l'ordre dans l'administration judiciaire d'une province et juger certains abus.
Laissée longtemps sans entretien, la grande salle se délabre fortement aux XVIIe et XVIIIe siècles. La gravure de Claude Chastillon la représente même ruinée. Le dessin de la collection Gaignières, de 1699, la représente occupée par des étals de marchands. À l'époque, on la visite pour y voir un crocodile empaillé accroché sur un des murs, ainsi que le relatent un grand nombre de voyageurs.