De 30 ans plus jeune que Galilée, Gassend, s'est consacré en astronomie à l'observation et à la description du mouvement des planètes, des éclipses de soleil et à l'évolution des taches solaires. Une de ses observations les plus marquantes a lieu le 7 novembre 1631 lors du passage de la planète Mercure devant Le soleil (un transit). Elle lui assure une place dans le panthéon de l'astronomie. Alors qu'on ne peut observer la planète à l'œil nu, il a l'idée de faire projeter son image sur une feuille de papier. Cela lui permet de se rendre compte de la petitesse de la planète. Il en a tiré une publication :
Ses travaux portent également sur la propagation des sons ainsi que sur les lois du mouvement et de l'inertie, et en collaboration avec Pierre de Fermat sur l'étude des graves. Opposé à l'astrologie, il entretint une querelle avec l'astronome-charlatan Jean-Baptiste Morin. Ce dernier alla jusqu'à prédire la mort prochaine du philosophe dès 1650.
À la recherche d'une voie moyenne entre dogmatisme et scepticisme, Gassend s'attaque avec violence à Aristote dès sa première publication. En réalité, sa critique porte contre tous ceux qui prétendent avoir découvert quelque recette, innée, nécessaire et indubitable, relativement à la nature réelle des choses. Pour lui, tout le savoir provient de l'expérience sensible. Son courant de pensée tient du phénoménalisme et de l'éclectisme. Gassend est rationaliste et pragmatique. En particulier, il s'oppose avec Descartes, auquel il reproche à la fois les idées innées, et sa théorie des animaux machines. Un animal a une petite âme, écrit Gassend (pour ajouter aussitôt : Pas aussi grande que celle des hommes). Sa préférence va vers Hobbes, qu'il admire pour la force et la liberté de sa pensée.
De fait, Gassend est l'héritier de moralistes, comme Pierre Charron et d'anti-Aristotéliciens, comme Juan Luis Vives et Pierre de La Ramée. Renouvelant Pyrrhon d'Elis, il prend ainsi le relais de Francis Bacon, auquel il emprunte de nombreux éléments de la «méthode» scientifique. De surcroît, il croît au vide (contrairement à Descartes) et aux atomes (alors que Descartes en tient pour les quatre éléments) ; il s'accorde avec la méthode expérimentale de Blaise Pascal et manifeste un sentiment très vif de la connaissance approchée. Fidèle à l'érudition des savants de la première moitié du XVIIe siècle, il s'oppose donc naturellement au tabula rasa cartésien.
A l'opposée des certitudes du philosophe de la Haye, Pierre Gassend maintient un scepticisme curieux. Alors que Descartes explique l'Univers par sa vision mécaniste, Gassend y devine une complexité sensible due à l'interaction des atomes et du vide. Il demande à Descartes par quel mécanisme une âme immatérielle pourrait mouvoir un corps matériel ; questions qui irritent le philosophe de la Haye. D'autre part, Gassend voudrait que soit reconnu à l'imagination une place aussi importante que celle de la raison ; que le doute cartésien demeure un doute sceptique et non une simple prétérition du discours. Leur querelle oppose deux philosophes d'égales renommée à l'époque mais Descartes en retour le traite avec mépris de philosophe charnel, de disciple d'Epicure. Dans ses lettres, il l'appelle mon très chair ou « bonne grosse bête », selon Tannery et Adam « ô Caro optima » dans le texte... comme pour le désigner au bûcher de l'inquisition. Mais à ce jeu, Gassend gagne l'avantage car, selon le mot d'Adolphe Franck, il sait mieux que Descartes, railler sans blesser
La démarche de Gassend consiste en fait à une toute autre approche que le cartésianisme. Elle est d'abord nominaliste, au sens double où
Ce point de vue réduit la philosophie des catégories substantialistes à néant, évacue la métaphysique et réclame dès lors de ne faire porter les raisonnements que sur la physique. Dans ce domaine, Gassend adopte le point de vue de Démocrite et d'Epicure ; l'épicurisme de Gassend est la solution aux apories que révèle son nominalisme. Il en retient la théorie corpusculaire et l'interprétation de la lumière. Contrairement à Descartes, pour qui le propre de la matière est l'étendue, Gassend la relie à l'impénétrabilité. Cette profession de foi atomiste lui attire alors de sévères critiques de Campanella. Il se défend du coup du matérialisme dont on l'accuse en supposant ces atomes sensibles... Pour Gassend, la matière est active ; ce qu'on a pu appeler un matérialisme dynamique. Il défend ce point de vue dans trois ouvrages :
Ce système, où les atomes sont mortels, mais l'âme non, est le ferment qui donnera naissance au sensualisme de Locke et de Condillac. Il va bien au delà de son précurseur, l'archevêque polonais Guillaume de Sanok
Nominaliste (et si l'on veut, en ce sens, relativiste), Pierre Gassend resta sa vie durant fidèle à l'Église et à la foi chrétienne. Autre paradoxe, il étudia toute sa vie Épicure, qu'il réinterprèta à la lumière de la science de son temps et de sa foi. Sa théologie s'exprime (autour d'Épicure), dans Du principe efficient, c'est-à-dire des causes des choses.
Sans aller, comme Giordano Bruno, jusqu'à défendre l'idée d'une pluralité de Mondes, théorie qu'il condamne en regard de ses conséquences théologiques, Gassend, qui possédait un exemplaire de Immenso laisse affleurer dans ses ouvrages son accord avec l'aspect cosmologique des thèses du philosophe nolain, notamment l'idée que les étoiles sont d'autres soleils, éventuellement entourés de planètes. Il imagine également que ces étoiles sont dispersées dans l'univers mais pas forcément rangées en "couches" comme l'imaginait encore Johannes Kepler. Il envisage que ces planètes soient habitées, tout en mettant en garde contre les conceptions anthropomorphiques des conceptions du vivant.
L'édition complète de ses œuvres en 1655 (rédigé en 1636) comprend entre autres un traité spéculatif intitulé Manuductio ad theoriam seu partem speculativam musicæ. Il s'agit d'une introduction à la théorie musicale assez convenue (intervalles, consonances, clefs, indications de mesure) et sans aspects pratiques, au contraire des œuvres théoriques de son époque (Harmonie universelle de Marin Mersenne par exemple). Gassendi insiste sur les fondements mathématiques des intervalles, des consonances et des modes.
Il comprend 4 parties :