Le Postconstuctiviste fut un style architectural transitoire qui exista en Union soviétique dans les années 1930, typique de l'architecture stalinienne des débuts, avant la Seconde Guerre mondiale. Le terme postconstructiviste fut forgé par Selim Khan-Magomedov, un historien de l'architecture, pour décrire la mutation de la production des artistes d'avant-garde vers le néoclassicisme stalinien. Khan-Magomedov data le Postconstructivisme de 1932 à 1936, mais les délais de construction et l'immensité du territoire sur lequel ce style s'est appliqué allongent sa durée jusqu'en 1941.
L'existence de ce style est admise, mais les explications de Khan-Magomedov considérant son évolution comme un processus naturel à l'intérieur de la communauté architecturale, plutôt que comme dérivée simplement d'un interventionnisme de l'État, fait débat.
(Cette partie est inspirée du livre de Khan-Magomedov soviet avant-garde architecture, vol.1, Avant-garde to postconstructivism and beyond)
En 1932 -1933, lors du concours du palais des Soviets, l'État envoya un message clair aux architectes, leur disant que l'époque des expérimentations était révolue et que les nouvelles constructions devaient suivre les canons classiques. À cette époque la profession d'architecte était divisée en trois générations :
Selon Khan-Magomedov, Ivan Fomine et Ilya Golossov furent deux précurseurs de ce style. Ils convergèrent vers le même style venant de deux univers différents - Néoclassicisme et Constructivisme. Le concept de Fomine, facilement formulable, érigé en acier et granit à Moscou (bâtiment du Dynamo), fut bien compris même par la jeunesse inexpérimentée. « La jeunesse suivait instinctivement ceux qui arrivaient à déclarer leur position clairement. La jeunesse croyait que cette période était un état culturel auto-suffisant, et non une transition vers quelque chose d'autre. » En 1933-34, Golossov en termina publiquement avec l'avant-garde. Il retourna au Néoclassicisme, essayant néanmoins d'éviter les citations littérales du passé. Par exemple il utilisa des colonnes à section carrée au lieu des traditionnelles à section circulaire. Les colonnes carrées, sveltes et sans chapiteau devinrent la marque de fabrique de ce style naissant. Les réponses de Golossov lors de concours publics inspirèrent par leur style de nombreux adeptes.
Projets originaux d'Ivan Fomine et d'Ilya Golossov (jamais exécutés) :
Ivan Fomine. Gare de Koursk à Moscou, 1933 | Ilya Golossov. Collège des syndicats, 1938 |
Khan-Magomedov a défini le postconstructivisme comme « une enveloppe néoclassique sans les détails néoclassiques. » Golossov et ses suiveurs ont délibérément remplacé les modénatures historicisantes (colonnes, chapiteaux, frises et corniches) par d'autres de leur propre invention - pour se démarquer d'un pur renouveau néoclassique. Les volumes principaux respectent les règles classiques et sont en général parfaitement symétriques.
Immeubles d'Ilya Golossov et de Vladimir Vladimirov à Moscou :
Ilya Golossov. Yauzsky, 2, détail | Vladimirov. Aviazhilstroy, loggia |
Le Postconstructivisme a bénéficié des réactions naturellement hostiles à l'avant-garde et à l'éclectisme passéiste. Ce style a été perçu comme nouveau, et permit en même temps de construire des immeubles de prestige suivant le goût de l'élite provinciale. Un autre avantage en pleine période de rationnement généralisé fut que, à l'inverse du Constructivisme, ce type de construction minimisait l'utilisation de l'acier et du ciment, revenant à la maçonnerie plus traditionnelle avec parquets et cloisonnage. Ceci explique la diffusion du Postconstructivisme dans les années 1930.
Évolution - du Constructivisme au Postconstructivisme puis à l'architecture Stalinienne :
Moscou
Club Pravda, de Molokov et Chekmotayev, 1935-1937 |
Léningrad
Immeuble Karpovka, d'Igor Fomine, 1934 | Immeuble Kirovsky, de Simonov, Abrosimov et Khryakov, 1934 | District des Soviets, d'Igor Fomine, 1930-1935 |
Sverdlovsk et Kouïbychev
Hôpital à Sverdlovk, de Yugov, 1936-1939 | Tour à Sverdlovsk, 1932 |
Dès 1936 l'aile gauche de la « promotion 1929 » et de plus jeunes encore (Mordvinov, Alabyan) avaient acquis une certaine expérience de la pratique. Il manquait à ces architectes l'enseignement classique qu'avaient reçu les vieux Constructivistes ; ce défaut de compétence les prévenait de toute velléité de réinvention d'un héritage néoclassique, mais tout ce dont ils étaient capables était de copier servilement. Le résultat fut qu'ils rejetèrent leurs professeurs avant-gardistes et s'engagèrent dans un style purement néoclassique. Ils ne purent se contenter de Postconstructivisme car ils n'avaient aucune capacité à innover — contrairement à Golossov ou à Fomine. Au même moment, en 1936, Fomine mourait et Golossov devenait trop âgé, laissant le champ libre à la nouvelle génération.
Un autre groupe de jeunes architectes cherchant une formation académique fréquenta les ateliers de Zholtovsky et autres vieux architectes néoclassiques. Eux aussi se convertirent au-delà du Postconstructivisme directement aux canons staliniens. Leurs vieux mentors étaient toujours actifs et bénéficiaient du soutien de l'État. Il n'y avait plus aucun besoin d'inventer de nouvelles formes ou un nouveau style. Les projets postconstructivistes se prolongèrent tant bien que mal encore quelques années, avant que la Seconde Guerre mondiale n'enterre définitivement ce mouvement.