Soleil vert | |
Titre original | Soylent Green |
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Réalisation | Richard Fleischer |
Acteurs principaux | Charlton Heston Leigh Taylor-Young Edward G. Robinson Joseph Cotten |
Scénario | Stanley R. Greenberg, d'après le roman Soleil vert, de Harry Harrison |
Costumes | Pat Barto |
Photographie | Richard H. Kline |
Montage | Samuel E. Beetley |
Musique | Fred Myrow |
Production | Walter Seltzer, Russel Thacher |
Société(s) de production | Metro Goldwyn Mayer |
Pays d’origine | États-Unis |
Langue(s) originale(s) | anglais |
Format | Couleurs - 2,35:1 - Mono - 35 mm |
Genre | Anticipation |
Durée | 97 minutes |
Sortie | 9 mai 1973 |
Soleil vert (Soylent Green) est un film américain d'anticipation réalisé par Richard Fleischer, sorti en 1973 et tiré du roman Soleil vert de Harry Harrison.
Soleil vert se déroule en l'an 2022. Le monde baigne alors dans une étrange lumière jaune, qui a détruit la faune et la flore. Très peu de terres sont encore cultivables et les habitants qui n'ont pas les moyens d'acheter des aliments naturels mangent un aliment de synthèse, le « Soleil vert » (Soylent green), produit par la multinationale « Soylent ». Les émeutes sont fréquentes et sévèrement réprimées.
Après le meurtre d'un des dirigeants de la société Soylent, un policier en charge de l'affaire va découvrir la vérité sur la fabrication de cet aliment...
Soleil vert, comme 2001: l'Odyssée de l'espace, Orange Mécanique ou THX 1138, fait partie de ces films d'anticipation « intellectuels », prophétiques, inspirés par un avenir lourd de menaces, en l'occurrence celle de la surpopulation et de l'épuisement des ressources naturelles. Soleil vert est, lui aussi, devenu un classique et, de surcroît l'un des films d'anticipation les plus sombres jamais réalisés. Il exprime parfaitement la peur, selon les mots de Krishnamurti, de « vivre dans un monde semblable à la mort»
Le titre anglais Soylent Green, bizarrement traduit par « Soleil Vert » (peut-être un écho de greenhouse effect, effet de serre, alors que « Soylent » est la contraction de « soybean-lentil » soit soja-lentille !) est le nom d'une multinationale imaginaire, la « Soylent Company », géant agro-alimentaire produisant des tablettes vitaminées sans goût ni texture, métaphore répugnante d'un progrès sans joie. Elle vient, au début du film, de lancer un nouvel « alicament », le Soylent « green », censé être à base de plancton.
Soylent green est tiré d'un roman peu connu de Harry Harrison, publié en 1966 : Make room, make room, (en français : « Dégagez, faites de la place ! » ; voir Soleil vert, le roman) qui décrit un New York surpeuplé où s'entassent des millions de chômeurs, où les automobiles ne roulent plus et où règnent le rationnement et la violence. L'action se situe non pas en 2022, mais en 1999. Cette date paraissait assez lointaine en 1966 pour être crédible.
Make room, make room! diffère sensiblement du film. Le thème en est centré sur le risque d'explosion démographique, encore porteur à une époque où la dénatalité n'a pas encore remplacé le baby boom, et où l'opinion conservatrice (aux USA) s'oppose au contrôle des naissances pour des raisons principalement religieuses. Le sujet était débattu à l'époque : la pilule va apparaître massivement comme moyen contraceptif et les pays en voie de développement sont encore loin de montrer le moindre signe de décollage économique : l'entassement, le manque de place (Make room!) menacent donc au Nord comme au Sud. Par ailleurs, la violence urbaine fait son apparition. Enfin une nouvelle culture est en train de naître dans le quartier bohème de San Francisco, résolument anti-industrielle : les hippies. C'est dans ce contexte que naît Make room, make room!, un récit moins écologiste que malthusien.
Le film en revanche est tourné en 1973. Une décennie plus tard, l'air du temps a changé. Le thème de l'explosion démographique, qui s'éloigne dans les pays industrialisés, passe désormais, sans disparaître complètement, derrière une nouvelle peur millénariste : la destruction de l'environnement et la raréfaction des matières premières (nous sommes en plein premier choc pétrolier). La pollution devient un thème récurrent dans l'actualité, les partis et groupes de pression écologistes s'organisent. Les premiers producteurs de produits biologiques critiquent l'agriculture intensive, le club de Rome vient de sortir le rapport Meadows (1972) Halte à la croissance ?, puis Sortir de l'ère du gaspillage : demain ; enfin un essai terrifiant du sociologue britannique Gordon Rattray Taylor, Le jugement dernier (Calmann Levy, Paris, 1970) annonce la fin du monde si rien n'est fait pour inverser les tendances. Soleil vert arrive donc, commercialement, dans un contexte idéal.
Pourtant, comme souvent à Hollywood, Soleil vert a failli ne pas se faire. La MGM n'aime pas le scénario de départ, la seule utilisation du thème de la surpopulation leur paraît insuffisante : c'est une bonne idée, mais il faut rendre le film plus frappant. Harry Harrisson devra donc batailler pour éviter la dénaturation de son œuvre, puis reconnaîtra plus tard que les idées « imposées par le studio », étaient excellentes : à la surpopulation seront donc ajoutées l'euthanasie des vieillards, puis une idée encore plus terrifiante : les tablettes vitaminées (le pain synthétique Soylent green) s'avèrent faites à partir de cadavres (industrialisation du cannibalisme) au lieu de plancton (« L'océan agonise, hurle Charlton Heston, le plancton a cessé d'exister ») ; et surtout sera créée (presque au dernier moment, avec des stock-shots choisis par le monteur du film) la scène la plus célèbre, où E.G. Robinson, avant d'être euthanasié, se voit montrer, dans une sorte de dôme IMAX avant la lettre, des documentaires animaliers, des films sous-marins, des paysages naturels magnifiques, images banales mais qui, après deux heures de plans généraux d'un New York à aspect de bidonville, baignant dans un smog jaunâtre, agité d'émeutes dégagées au bulldozer, prennent une tonalité bouleversante : le spectateur comprend que tout cela n'existe plus, a été détruit par la pollution et l'empoisonnement planétaire qui en résulte. Légèrement marqué à gauche (Richard Fleischer avait déjà réalisé le Génie du mal, avec Orson Welles, film anti-peine de mort), le film décrit en outre des politiciens corrompus, des capitalistes cyniques, et des scènes d'émeute qui, de façon subliminale, évoquent des images de camps de concentration.
C'est encore Harry Harrison qui conseillera la réalisation du « main title » saisissant, qui montre en accéléré l'essor de la société industrielle moderne du XIXe siècle à nos jours et au-delà, par un montage de photos fixes, et son effondrement au XXIe siècle. Le film est bien plus compréhensible grâce à cette introduction servie par une musique très réussie de Fred Myrow, sorte de blues symphonique à la Lalo Schifrin.