La tétralogie de Fallot représenterait environ 10% des cardiopathies congénitales. Son incidence est proche de 4 pour 10 000 naissances, touchant autant les filles que les garçons, soit 200 à 220 nouveaux cas en France chaque année (sur 783500 naissances répertoriées par l'INSEE en 2007). C'est la cardiopathie congénitale cyanogène la plus fréquente chez l'enfant (la transposition des gros vaisseaux étant la plus fréquente à la naissance, mais avec une certaines mortalité dans les premières semaines de vie). Avant la chirurgie, l'évolution en était presque toujours fatale avant l'âge de 30 ans.
Le diagnostic de cette cardiopathie est possible avant la naissance par échographie, à partir de 22 Semaines d'amenorrhée (SA) voire avant. En France, c'est le mode diagnostique dans 70 à 80% des cas (et jusqu'à 100% quand l'examen est fait par un(e) échographiste de référence). Le plus souvent, il s'agit d'une découverte 'de novo', sans antécédent familial particulier.
L'incidence la plus souvent pratiquée lors des échographies anténatales, dite « coupe des quatre cavités » est normale. Seule l'étude des gros vaisseaux issus du cœur et de leur connexion avec les cavités cardiaques permettra de mettre en évidence :
Cette hypoplasie, ou défaut de développement, associe une diminution du diamètre de l'anneau pulmonaire (où s'attachent les valves pulmonaires) à une diminution du tronc de l'artère pulmonaire et peut s'étendre à l'origine des branches pulmonaires droite et gauche. En amont, la portion du ventricule droit d'où nait le tronc pulmonaire (appelé « chambre de chasse » ou « infundibulum pulmonaire ») apparait elle-même comme rétrécie en raison de la saillie anormale de bandelettes musculaires dans la cavité. Cette sténose infundibulaire est habituellement peu marquée chez le fœtus mais présente une tendance naturelle à l'aggravation progressive dans les mois suivant la naissance. Habituellement, il s'y associe une malformation des valves pulmonaires responsable d'une sténose valvulaire pulmonaire. L'importance de ce rétrécissement ne pourra être correctement évalué qu'après la naissance mais, à la différence de la sténose infundibulaire, il est habituellement de sévérité moyenne et a tendance à rester stable dans le temps.
Lorsque le diagnostic de Tétralogie de Fallot est évoqué, il convient de confier le fœtus à un échographiste de référence, si possible secondé par un cardio-pédiatre pour:
Les diagnostics différentiels :
La Tétralogie de Fallot fait partie d'un groupe de malformations cardiaques issus d'une anomalie commune: un défaut d'évolution de la région cono-truncale de l'ébauche cardiaque. Les autres anomalies cono-troncales qui partagent avec la tétralogie de Fallot le même signe d'appel échographique (« aorte à cheval sur une CIV ») sont :
Le diagnostic de Tétralogie de Fallot incite à proposer une amniocentèse pour étude du caryotype foetal, les deux principales anomalies chromosomiques à éliminer étant la microdélétion 22q11 et la trisomie 21.
Un suivi échographique de la grossesse permet d'apprécier la croissance de la voie pulmonaire et d'affiner le pronostic.
L'accouchement (par voie basse sauf indication obstétricale à une césarienne) sera programmé de préférence dans une maternité disposant d'un service de réanimation pédiatrique (en France, maternité dite « de niveau III ») afin de surveiller étroitement le nouveau-né au moment de la fermeture du canal artériel. En cas de déclenchement prématuré du travail, le fait d'accoucher dans une autre maternité « n'est pas une catastrophe ». Certes, il faudra envisager un transfert rapide du nouveau-né mais celui-ci ne nécessite habituellement pas de traitement spécifique dès la naissance.
Dans sa forme habituelle, la Tétralogie de Fallot est bien supportée à la naissance et ne demande pas de traitement immédiat. Il est cependant utile d'hospitaliser le nouveau-né dans une unité de réanimation pédiatrique pour surveillance. Celle-ci portera essentiellement sur la qualité de l'oxygénation de l'enfant, appréciée par la mesure continue (monitorage) de la saturation en oxygène du sang circulant grâce à un petit capteur placé sur la peau ou à l'extrémité d'un doigt. A défaut, la saturation en oxygène peut être appréciée de façon discontinue, par prélèvement sanguin dans une artère ou au niveau des capillaires. Cette surveillance est maintenue jusqu'à la fermeture du canal artériel c'est-à-dire jusqu'à ce que la circulation du nouveau-né se soit établie selon le modèle définitif.
Dans les formes sévères, les nouveau-nés peuvent d'emblée présenter une cyanose - couleur bleutée des téguments et des muqueuses - plus ou moins importante, traduisant une désaturation en oxygène importante. Afin d'éviter qu'elle ne s'aggrave, il pourra être indiqué de maintenir artificiellement ouvert le canal artériel grâce à la perfusion de Prostaglandines puis de réaliser rapidement une anastomose de Blalock-Taussig, intervention qui consiste à créer l'équivalent d'un canal artériel permanent en interposant un tube entre une artère sous-clavière et une Artère pulmonaire (voir plus bas).
À la naissance, le nouveau-né est le plus souvent bien coloré, rose, sans gêne particulière. L'attention est cependant attirée par la présence d'un souffle cardiaque, systolique, perçu à l'auscultation très tôt, dès la salle d'accouchement. Un souffle d'apparition aussi précoce doit faire pratiquer une échocardiographie en urgence.
La date d'apparition de la cyanose, signe classique de la malformation dépend de sa forme anatomique. Habituellement, elle est retardée de plusieurs semaines et n'est observée au début que lors des efforts ou des colères. Au repos, elle reste très modérée et ne peut être détectée que par un observateur averti. Elle s'accentue peu à peu, s'accompagnant progressivement de fatigue gênant l'enfant dans ses acquisitions motrices.
Habituellement, il n'y a pas de manifestation d'insuffisance cardiaque, l'enfant s'alimente correctement et sa croissance staturo-pondérale est normale, au moins dans les premiers mois de vie.
Un malaise anoxique est lié à une augmentation brutale de la sténose infundibulaire qui interrompt plus ou moins complètement le passage du sang dans les artères pulmonaires (et donc son oxygénation) et accentue le passage de sang « bleu » (désaturé en oxygène) vers l'aorte au travers de la CIV. Il s'en suit une désaturation brutale et profonde du sang dans l'aorte et un manque d'oxygène (« hypoxie ») dans les principaux organes dont en particulier le cerveau. Cette hypoxie cérébrale se traduit par divers troubles neurologiques : l'enfant, plus ou moins geignard, le teint grisâtre, devient hypotonique (« poupée de chiffon »), semble absent et présente éventuellement des mouvements convulsifs. Le malaise se lève le plus souvent à ce moment, laissant l'enfant abattu. Si le malaise se poursuivait, l'enfant présenterait alors de véritables convulsions avec un risque de décès.
C'est donc une complication grave et au moindre doute de malaise, une consultation hospitalière s'impose en urgence (pas dans une semaine, pas demain, tout de suite !).
Helen Taussig avait décrit sous le terme de « squatting » une attitude particulière que pouvaient prendre spontanément les enfants porteurs d'une Tétralogie de Fallot, en particulier après l'effort.. Ce comportement peut apparaitre vers l'âge de 6 mois et consiste à adopter une position couchée « en chien de fusil », les cuisses repliées sur l'abdomen. Plus tard, quand l'enfant peut se tenir debout, il s'agit d'un accroupissement. Ces positions permettent effectivement une amélioration plus rapide de la désaturation artérielle en oxygène secondaire à un effort. il existe une explication physiopathologique à ce type de comportement. L'accroupissement coude les veines fémorales et diminue ainsi le retour de sang vers le ventricule droit qui peut mieux l'éjecter dans la voie pulmonaire. Il coude aussi les artères fémorales et augmente les résistances artérielles systémiques, ce qui contribue à diminuer le passage de sang du ventricule droit vers l'aorte. Ces deux phénomènes concourent à une meilleure oxygénation sanguine.
En cas de malaise anoxique survenant à domicile, replier les cuisses de l'enfant sur son abdomen pourrait être un réflexe utile de la part des parents (en attendant l'hospitalisation).
Il est de plus en plus rare de rencontrer une Tétralogie de Fallot non opérée après l'âge de deux ans. Soit il s'agit d'une forme particulière, soit le patient vit dans un pays en voie de développement. Le tableau est alors celui d'une cyanose plus ou moins profonde, s'accompagnant d'une fatigue et d'une dyspnée limitant les possibilités d'effort, par manque d'oxygène et non par insuffisance cardiaque.
Ainsi, avant l'ère chirurgicale, on pouvait dire qu'un enfant porteur d'une tétralogie de Fallot qui n'était pas décédé d'un malaise anoxique mourrait plus tard d'un abcès cérébral ou d'une endocardite.
L'échographie cardiaque est maintenant le principal (et souvent le seul) examen complémentaire fait pour affirmer le diagnostic et préciser la forme anatomique.
D'autres examens peuvent néanmoins s'avérer très utiles :
En montrant des signes d'hypertrophie ventriculaire droite (HVD) de type « adaptation » ou « égalité de pressions », l'ECG peut aider à rectifier un diagnostic erroné de simple CIV chez le nouveau-né. Ainsi, la présence d'une onde T positive en V1 (critère simple mais non unique d'HVD) chez un nouveau-né présentant un tableau clinique de CIV bien tolérée doit conduire à remettre en cause ce diagnostic et faire soupçonner la présence d'une Tétralogie de Fallot.
Elle apporte aussi, au moins en théorie, des arguments diagnostiques en montrant :
Il convient cependant de dire ici combien il est difficile de réaliser un bon cliché thoracique chez un nouveau-né. Lorsque les conditions requises (immobilité, inspiration forcée ...) ne sont pas réunies, ces signes peuvent être masqués ou pire totalement modifiés et induire en erreur. Un bon cliché thoracique n'est souvent obtenu que chez l'enfant plus grand ... alors que le diagnostic est établi depuis longtemps.
Autrefois indispensable, il n'est maintenant éventuellement pratiqué qu'avant la cure chirurgicale de la malformation pour s'assurer :
Dans ses indications, le cathétérisme cardiaque est de plus en plus concurrencé par l'examen tomodensitométrique qui permet également mais plus simplement une étude fine de la circulation pulmonaire et des artères coronaires (coroscan).