Tétralogie de Fallot - Définition

Source: Wikipédia sous licence CC-BY-SA 3.0.
La liste des auteurs de cet article est disponible ici.

Épidémiologie

La tétralogie de Fallot représenterait environ 10% des cardiopathies congénitales. Son incidence est proche de 4 pour 10 000 naissances, touchant autant les filles que les garçons, soit 200 à 220 nouveaux cas en France chaque année (sur 783500 naissances répertoriées par l'INSEE en 2007). C'est la cardiopathie congénitale cyanogène la plus fréquente chez l'enfant (la transposition des gros vaisseaux étant la plus fréquente à la naissance, mais avec une certaines mortalité dans les premières semaines de vie). Avant la chirurgie, l'évolution en était presque toujours fatale avant l'âge de 30 ans.

Diagnostic

Anténatal

Aspects échographiques avant la naissance

Le diagnostic de cette cardiopathie est possible avant la naissance par échographie, à partir de 22 Semaines d'amenorrhée (SA) voire avant. En France, c'est le mode diagnostique dans 70 à 80% des cas (et jusqu'à 100% quand l'examen est fait par un(e) échographiste de référence). Le plus souvent, il s'agit d'une découverte 'de novo', sans antécédent familial particulier.

L'incidence la plus souvent pratiquée lors des échographies anténatales, dite « coupe des quatre cavités » est normale. Seule l'étude des gros vaisseaux issus du cœur et de leur connexion avec les cavités cardiaques permettra de mettre en évidence :

  • Un signe d'appel : La dextroposition de l'aorte qui apparait « à cheval sur le septum interventriculaire » et non en continuité avec celui-ci comme normalement. Cette malposition de l'aorte, plus antérieure que normalement est responsable de la persistance d'une communication inter-ventriculaire dite « par malalignement » située immédiatement sous la naissance de l'aorte (CIV sous-aortique).
  • Un signe diagnostique : L'hypoplasie de la voie pulmonaire.

Cette hypoplasie, ou défaut de développement, associe une diminution du diamètre de l'anneau pulmonaire (où s'attachent les valves pulmonaires) à une diminution du tronc de l'artère pulmonaire et peut s'étendre à l'origine des branches pulmonaires droite et gauche. En amont, la portion du ventricule droit d'où nait le tronc pulmonaire (appelé « chambre de chasse » ou « infundibulum pulmonaire ») apparait elle-même comme rétrécie en raison de la saillie anormale de bandelettes musculaires dans la cavité. Cette sténose infundibulaire est habituellement peu marquée chez le fœtus mais présente une tendance naturelle à l'aggravation progressive dans les mois suivant la naissance. Habituellement, il s'y associe une malformation des valves pulmonaires responsable d'une sténose valvulaire pulmonaire. L'importance de ce rétrécissement ne pourra être correctement évalué qu'après la naissance mais, à la différence de la sténose infundibulaire, il est habituellement de sévérité moyenne et a tendance à rester stable dans le temps.

Lorsque le diagnostic de Tétralogie de Fallot est évoqué, il convient de confier le fœtus à un échographiste de référence, si possible secondé par un cardio-pédiatre pour:

  • Préciser la gravité anatomique. Il serait plus exact de parler « des » Tétralogies de Fallot que « de la » Tétralogie de Fallot. Tous les intermédiaires sont possibles entre une CIV sous-aortique isolée avec voie pulmonaire normale et la forme extrême que constitue l' « Atrésie pulmonaire à septum ouvert ». Le pronostic, les difficultés chirurgicales et la qualité du résultat opératoire dépendront bien évidemment de la sévérité de l'anomalie.
  • Rechercher d'autres anomalies cardiaques associées, en particulier:
    • La présence d'autres CIV qui compliqueraient la cure chirurgicale,
    • La présence d'anomalie(s) des valves auriculo-ventriculaires entrant dans le cadre du « Canal atrio-ventriculaire » et dont la constatation ferait particulièrement craindre l'association à une Trisomie 21 ou syndrome de Down.
  • Procéder à un examen morphologique complet du fœtus à la recherche d'anomalies extra-cardiaques, la Tétralogie de Fallot pouvant être observée dans de nombreux syndromes polymalformatifs (voir plus bas).

Les diagnostics différentiels :
La Tétralogie de Fallot fait partie d'un groupe de malformations cardiaques issus d'une anomalie commune: un défaut d'évolution de la région cono-truncale de l'ébauche cardiaque. Les autres anomalies cono-troncales qui partagent avec la tétralogie de Fallot le même signe d'appel échographique (« aorte à cheval sur une CIV ») sont :

  • La Communication inter-ventriculaire sous-aortique isolée. La voie pulmonaire est de calibre normale. Le traitement après la naissance sera celui d'une « simple » CIV avec le bon pronostic qui s'y rattache;
  • L'Atrésie pulmonaire à septum ouvert (APSO) où au contraire, l'anneau pulmonaire est atrétique, imperméable, et le tronc pulmonaire tellement hypoplasique qu'il n'est habituellement pas visible en échographie. De la voie pulmonaire ne reste que la bifurcation et les artères pulmonaires, alimentées à contre-courant par la canal artériel.
  • Le Tronc artériel commun, malformation où une seule artère (le « tronc commun ») donne à la fois l'aorte et les artères pulmonaires.

Prise en charge de la grossesse

Le diagnostic de Tétralogie de Fallot incite à proposer une amniocentèse pour étude du caryotype foetal, les deux principales anomalies chromosomiques à éliminer étant la microdélétion 22q11 et la trisomie 21.

Un suivi échographique de la grossesse permet d'apprécier la croissance de la voie pulmonaire et d'affiner le pronostic.

L'accouchement (par voie basse sauf indication obstétricale à une césarienne) sera programmé de préférence dans une maternité disposant d'un service de réanimation pédiatrique (en France, maternité dite « de niveau III ») afin de surveiller étroitement le nouveau-né au moment de la fermeture du canal artériel. En cas de déclenchement prématuré du travail, le fait d'accoucher dans une autre maternité « n'est pas une catastrophe ». Certes, il faudra envisager un transfert rapide du nouveau-né mais celui-ci ne nécessite habituellement pas de traitement spécifique dès la naissance.

Prise en charge du nouveau-né

Dans sa forme habituelle, la Tétralogie de Fallot est bien supportée à la naissance et ne demande pas de traitement immédiat. Il est cependant utile d'hospitaliser le nouveau-né dans une unité de réanimation pédiatrique pour surveillance. Celle-ci portera essentiellement sur la qualité de l'oxygénation de l'enfant, appréciée par la mesure continue (monitorage) de la saturation en oxygène du sang circulant grâce à un petit capteur placé sur la peau ou à l'extrémité d'un doigt. A défaut, la saturation en oxygène peut être appréciée de façon discontinue, par prélèvement sanguin dans une artère ou au niveau des capillaires. Cette surveillance est maintenue jusqu'à la fermeture du canal artériel c'est-à-dire jusqu'à ce que la circulation du nouveau-né se soit établie selon le modèle définitif.

Dans les formes sévères, les nouveau-nés peuvent d'emblée présenter une cyanose - couleur bleutée des téguments et des muqueuses - plus ou moins importante, traduisant une désaturation en oxygène importante. Afin d'éviter qu'elle ne s'aggrave, il pourra être indiqué de maintenir artificiellement ouvert le canal artériel grâce à la perfusion de Prostaglandines puis de réaliser rapidement une anastomose de Blalock-Taussig, intervention qui consiste à créer l'équivalent d'un canal artériel permanent en interposant un tube entre une artère sous-clavière et une Artère pulmonaire (voir plus bas).

Postnatal

Clinique

Nouveau-né, nourrisson

À la naissance, le nouveau-né est le plus souvent bien coloré, rose, sans gêne particulière. L'attention est cependant attirée par la présence d'un souffle cardiaque, systolique, perçu à l'auscultation très tôt, dès la salle d'accouchement. Un souffle d'apparition aussi précoce doit faire pratiquer une échocardiographie en urgence.

La date d'apparition de la cyanose, signe classique de la malformation dépend de sa forme anatomique. Habituellement, elle est retardée de plusieurs semaines et n'est observée au début que lors des efforts ou des colères. Au repos, elle reste très modérée et ne peut être détectée que par un observateur averti. Elle s'accentue peu à peu, s'accompagnant progressivement de fatigue gênant l'enfant dans ses acquisitions motrices.

Habituellement, il n'y a pas de manifestation d'insuffisance cardiaque, l'enfant s'alimente correctement et sa croissance staturo-pondérale est normale, au moins dans les premiers mois de vie.

  • La complication principale : le malaise anoxique.

Un malaise anoxique est lié à une augmentation brutale de la sténose infundibulaire qui interrompt plus ou moins complètement le passage du sang dans les artères pulmonaires (et donc son oxygénation) et accentue le passage de sang « bleu » (désaturé en oxygène) vers l'aorte au travers de la CIV. Il s'en suit une désaturation brutale et profonde du sang dans l'aorte et un manque d'oxygène (« hypoxie ») dans les principaux organes dont en particulier le cerveau. Cette hypoxie cérébrale se traduit par divers troubles neurologiques : l'enfant, plus ou moins geignard, le teint grisâtre, devient hypotonique (« poupée de chiffon »), semble absent et présente éventuellement des mouvements convulsifs. Le malaise se lève le plus souvent à ce moment, laissant l'enfant abattu. Si le malaise se poursuivait, l'enfant présenterait alors de véritables convulsions avec un risque de décès.
C'est donc une complication grave et au moindre doute de malaise, une consultation hospitalière s'impose en urgence (pas dans une semaine, pas demain, tout de suite !).

Petit enfant

Helen Taussig avait décrit sous le terme de « squatting » une attitude particulière que pouvaient prendre spontanément les enfants porteurs d'une Tétralogie de Fallot, en particulier après l'effort.. Ce comportement peut apparaitre vers l'âge de 6 mois et consiste à adopter une position couchée « en chien de fusil », les cuisses repliées sur l'abdomen. Plus tard, quand l'enfant peut se tenir debout, il s'agit d'un accroupissement. Ces positions permettent effectivement une amélioration plus rapide de la désaturation artérielle en oxygène secondaire à un effort. il existe une explication physiopathologique à ce type de comportement. L'accroupissement coude les veines fémorales et diminue ainsi le retour de sang vers le ventricule droit qui peut mieux l'éjecter dans la voie pulmonaire. Il coude aussi les artères fémorales et augmente les résistances artérielles systémiques, ce qui contribue à diminuer le passage de sang du ventricule droit vers l'aorte. Ces deux phénomènes concourent à une meilleure oxygénation sanguine.

En cas de malaise anoxique survenant à domicile, replier les cuisses de l'enfant sur son abdomen pourrait être un réflexe utile de la part des parents (en attendant l'hospitalisation).

Grand enfant, adulte

Il est de plus en plus rare de rencontrer une Tétralogie de Fallot non opérée après l'âge de deux ans. Soit il s'agit d'une forme particulière, soit le patient vit dans un pays en voie de développement. Le tableau est alors celui d'une cyanose plus ou moins profonde, s'accompagnant d'une fatigue et d'une dyspnée limitant les possibilités d'effort, par manque d'oxygène et non par insuffisance cardiaque.

  • Les complications peuvent être de trois ordres :
    • malaise anoxique comme pour le nourrisson ;
    • complications liées à la polyglobulie : Fatigue, maux de tête, vertiges, thrombose veineuse ou artérielle (et alors dans un organe comme la rate, le rein ou surtout le cerveau à l'origine d'un accident vasculaire cérébral). La thrombose peut se constituer sur place ou être secondaire à la migration d'un caillot veineux. Normalement un tel caillot vient se bloquer dans les poumons, donnant une embolie pulmonaire. Dans la Tétralogie de Fallot et en raison du shunt droit-gauche au travers de la CIV, ce caillot peut passer dans l'aorte et aller se bloquer dans un organe (« embolie paradoxale »).
    • complications infectieuses : D'une part, la Tétralogie de Fallot comporte un risque majeur d'endocardite, d'autre part, comme pour un caillot sanguin (« thrombus cruorique »), un thrombus infecté d'origine veineuse peut migrer par la grande circulation et infecter un organe par voie artérielle.

Ainsi, avant l'ère chirurgicale, on pouvait dire qu'un enfant porteur d'une tétralogie de Fallot qui n'était pas décédé d'un malaise anoxique mourrait plus tard d'un abcès cérébral ou d'une endocardite.

Examens complémentaires

L'échographie cardiaque est maintenant le principal (et souvent le seul) examen complémentaire fait pour affirmer le diagnostic et préciser la forme anatomique.

D'autres examens peuvent néanmoins s'avérer très utiles :

  • L'électrocardiogramme (ECG) :

En montrant des signes d'hypertrophie ventriculaire droite (HVD) de type « adaptation » ou « égalité de pressions », l'ECG peut aider à rectifier un diagnostic erroné de simple CIV chez le nouveau-né. Ainsi, la présence d'une onde T positive en V1 (critère simple mais non unique d'HVD) chez un nouveau-né présentant un tableau clinique de CIV bien tolérée doit conduire à remettre en cause ce diagnostic et faire soupçonner la présence d'une Tétralogie de Fallot.

Elle apporte aussi, au moins en théorie, des arguments diagnostiques en montrant :

    • une silhouette cardiaque particulière, dite « en sabot », liée à la position surélevée de la pointe du cœur secondaire à l'hypertrophie ventriculaire droite ;
    • un « coup de hache » à l'emplacement théorique du renflement lié à la présence du tronc pulmonaire, ici hypoplasique ;
    • une vascularisation pulmonaire normale ou diminuée (« poumons clairs ») ;
    • parfois, une position anormale du « bouton aortique » lié à la présence d'une crosse aortique à droite, particularité relativement fréquemment associée à une Tétralogie de Fallot (et qui influencerait le choix du côté où serait faite une anastomose palliative type Blalock-Taussig).

Il convient cependant de dire ici combien il est difficile de réaliser un bon cliché thoracique chez un nouveau-né. Lorsque les conditions requises (immobilité, inspiration forcée ...) ne sont pas réunies, ces signes peuvent être masqués ou pire totalement modifiés et induire en erreur. Un bon cliché thoracique n'est souvent obtenu que chez l'enfant plus grand ... alors que le diagnostic est établi depuis longtemps.

  • Le cathétérisme cardiaque :

Autrefois indispensable, il n'est maintenant éventuellement pratiqué qu'avant la cure chirurgicale de la malformation pour s'assurer :

    • de l'absence de communication interventriculaire (CIV) autre que la CIV sous-aortique constitutive de la malformation,
    • de l'absence d'anomalie de naissance ou de trajet d'une artère coronaire (qui pourraient être lésée lors de l'intervention),
    • de l'absence de rétrècissement(s) situés de façon plus distale sur les branches des artères pulmonaires,
    • et faire le cas échéant, un bilan plus précis des autres anomalies éventuellement associées à la Tétralogie de Fallot.

Dans ses indications, le cathétérisme cardiaque est de plus en plus concurrencé par l'examen tomodensitométrique qui permet également mais plus simplement une étude fine de la circulation pulmonaire et des artères coronaires (coroscan).

Page générée en 0.130 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise