L'œil de l'homme est limité. De cette limite est venue l'utilité de concevoir des appareils capables de voir plus loin ou plus précisément dans l'espace comme dans la matière. C'est ainsi que la puissance et la précision des télescopes et des microscopes ne cessent de se développer.
Alain Boudet (ancien chercheur au CNRS) propose un dossier consacré à l'observation de la matière en trois dimensions par l'intermédiaire d'une technique de microscopie particulière: la microscopie confocale associée à la microscopie à fluorescence.
Fibres de verre dans une matrice polyépoxyde,
coupes optiques en surface, à 5 µm de profondeur
Microscopie confocale en fluorescence
Ce dossier est l'adaptation d'un texte non publié distribué aux auditeurs de la conférence "Microscopie optique en fluorescence et microscopie confocale appliquées aux polymères", donnée par l'auteur au Colloque international francophone Imagerie des polymères, organisé par Apollor, Ecole des Mines de Nancy, France, tenu du 3 au 5 février 1998. Le texte a été révisé pour sa présentation sur www.techno-science.net .
Illustration: Chapman and Hall
2 - Comment observer la structure de la matière en trois dimensions ?
Par quels moyens, par quels procédés recueillons-nous des connaissances sur la structure de la matière ? Est-il possible d'observer la structure interne de la matière en trois dimensions, comment et dans quelle mesure ? Ces questions sont cruciales pour obtenir une représentation de la matière condensée (matériaux solides et liquides) qui s'approche au plus près de la vérité.
En ce qui concerne la première question, il est important de prendre conscience que toute connaissance sur la structure de la matière est une information livrée par la matière lorsqu'on lui envoie un signal et qu'elle répond. Ce signal est un faisceau d'ondes, par exemple électromagnétiques. Ce signal est neutre et la matière le façonne de ses caractéristiques propres. C'est exactement le même processus qu'un courrier. On lui envoie une lettre blanche, et elle inscrit un message. Il est crucial de noter que ce message ne peut exister sans un support, le papier sur lequel on écrit par exemple. Et bien entendu, le support conditionne le type de message qu'on peut recevoir. Sur une lettre, il n'y aura pas de message vocal. Pour une onde électromagnétique, la matière modulera cette onde et délivrera les messages qui correspondent à la longueur d'onde du support. Autrement dit, le message ne nous renseignera que sur un aspect limité de la matière.
La représentation que nous avons de la matière est issue des signaux fournis par des spectroscopes de types divers et des microscopes. Spectroscopes et microscopes projettent des rayonnements sur la matière et recueillent les signaux qu'elle renvoie ou laisse passer. Les microscopes, qu'ils soient optiques (à lumière), électroniques ou à champ proche, ont l'avantage d'avoir un système qui permet de reconstituer une image visuelle. Bien que l'observation directe à l'oeil soit déjà un phénomène admirable, elle est restreinte à des échelles en rapport avec la mesure humaine. On est limité vers l'infiniment grand, et on fera appel alors aux télescopes. On est limité vers l'infiniment petit, car les détails qu'on peut distinguer à l'oeil nu (c'est-à-dire le pouvoir séparateur ou résolution de l'oeil) ont des dimensions supérieures à quelques dizaines de micromètres, unité qui vaut un millième de millimètre. On s'aide alors d'instruments d'imagerie, tels que les microscopes.
Cependant ces images ne donnent généralement qu'une vision en deux dimensions. Par exemple, le microscope optique est bien connu puisqu'il fait partie de la panoplie des appareils de laboratoire de sciences du vivant dans les collèges et lycées. Grâce à lui, il est possible d'obtenir des images agrandies d'objets sur des coupes extrêmement fines, donc en deux dimensions. Même si la coupe est assez épaisse, le microscope a une profondeur de champ extrêmement réduite, ce qui signifie qu'on ne peut mettre au point l'image que sur une faible profondeur à la fois. La manière d'obtenir des informations en trois dimensions est de faire des tranches successives de matière dans le même morceau, et d'assembler ces informations en les recalant les unes par rapport aux autres.
Évidemment, la lumière ne peut pénétrer dans la matière et en faire des images que si cette matière est transparente, ce qui est le cas pour les tissus biologiques en tranches fines. La lumière ne traverse pas les matières opaques, par définition de l'opacité. On peut faire appel aux faisceaux électroniques des microscopes électroniques en transmission qui donnent des belles images des structures cristallines des métaux et céramiques. Mais les tranches de matière que les électrons peuvent traverser en étant susceptibles de former une image sont encore plus minces que pour le microscope optique. Les microscopes électroniques à balayage ne sont pas embarrassés de cet inconvénient et, de plus, ils bénéficient d'une excellente profondeur de champ. Malheureusement, ils ne permettent d'observer que des surfaces, soit des surfaces naturelles, soit des surfaces de fracture (voir des explications plus détaillées dans le livre "Voyage au coeur de la matière plastique", chapitre "Le regard des microscopes", cité en fin de cet article).
Il faut des rayonnements comme les rayons X pour traverser des matières sur de grandes profondeurs, comme on le constate pour les radiographies effectuées sur les sacs et valises par les appareils de contrôle dans les aérogares. L'image est ici la projection à deux dimensions de l'ombre des objets à l'intérieur de la valise, dont le mécanisme de formation est basé sur l'absorption plus ou moins importante des rayons en fonction de la nature et de l'épaisseur de la matière traversée.
A cause de ces limitations, le microscope confocal qui fournit directement des images en trois dimensions est un appareil précieux. Il est décrit en détail plus loin. Bien évidemment, il a ses propres limites, car étant une adaptation d'un microscope optique, il ne permet d'observer que de la matière transparente ou des surfaces. Il est généralement associé à la microscopie à fluorescence, grâce à laquelle il a de nombreuses applications en biologie. C'est ainsi qu'il fournit des images en trois dimensions des réseaux et structures internes des cellules. Mais il est également avantageux dans le domaine des sciences de la matière, en fluorescence ou pas, comme je vais le rapporter ici, essentiellement au travers de mon expérience sur les polymères.
3 - Des craquelures dans une gaine d'isolation électrique en polyéthylène
Afin d'illustrer la manière d'obtenir des images en trois dimensions dans la matière, prenons comme exemple l'étude d'un réseau de craquelures dans un morceau de polyéthylène. Cet exemple n'est pas seulement académique, car il s'agit d'une vraie interrogation industrielle. Le polyéthylène est utilisé comme gaine d'isolation des câbles de transport de l'énergie électrique à haute tension immergés dans la mer. Au fil des années, sous l'influence du champ électrique et de l'eau salée environnante, se développent des craquelures qui font chuter les capacités d'isolation. Les observations en trois dimensions servent à comprendre comment ces craquelures naissent et grossissent.
Confection des échantillons de polyéthylène craquelés
On ne va pas observer les vrais câbles défectueux, qu'il est difficile de se procurer, car heureusement, la formation des craquelures s'étale sur une quinzaine d'années. Les études ont lieu sur des échantillons vieillis artificiellement par des traitements accélérés. Dans un bloc de polyéthylène d'un ou deux centimètres de côté, un évidemment conique est rempli d'eau salée conductrice. Un champ électrique alternatif est appliqué entre deux électrodes dont l'une plonge dans l'eau, et l'autre appliquée au fond du bloc. Une structure en éventail ou en arbre apparaît en quelques heures à l'extrémité du cône où le champ est au maximum. Elle est visible à l'oeil nu, ou tout au moins à l'aide d'une loupe, et on peut facilement suivre son évolution au cours du vieillissement.
Les arborescences d'eau
Pour voir les détails de cette structure craquelée, on l'observe en microscopie optique conventionnelle par transparence (figure 1). L'éventail prend sa racine au niveau de la pointe du cône, et s'élargit dans des directions divergentes plus ou moins allongées. L'ensemble donne souvent l'impression d'un arbre, ce qui lui a valu le nom d'arborescence d'eau. On devine les structures internes radiantes.
Figure 1: Arborescence d'eau, microscopie optique en fond clair
Cliché E. Moreau et A. Boudet
Diffusion de lumière et contrastes
Qu'est-ce qui limite la précision de l'image obtenue ? On parle souvent de la résolution du microscope et j'y reviendrai, mais en premier lieu, il y a la lumière qui diffuse, comme un brouillard, et vient ajouter du flou à l'image de l'arborescence elle-même. Cette diffusion vient de l'interaction de la lumière avec la masse du polyéthylène et elle augmente avec l'épaisseur de l'échantillon. L'image n'est nette que si la tranche de polyéthylène ne dépasse pas quelques micromètres d'épaisseur. Les informations de structure en épaisseur restent faibles. On peut avoir une petite idée de l'agencement en hauteur en modifiant progressivement la mise au point de façon à déplacer le plan de netteté d'une face à l'autre de la tranche. Mais on ne peut pas s'affranchir du flou provenant des autres plans. Ce sera le mérite de la microscopie confocale de l'éliminer.
En deuxième lieu, la structure n'est bien observée que si elle est suffisamment contrastée. Un contre-exemple est celui d'une boule blanche sur un tapis de neige, ou encore les "tenues" de camouflage dont sont pourvus certains animaux. Les arborescences sont aisément visibles parce qu'elles sont gonflées d'eau, ce qui les rend différentes de leur voisinage.
Cependant, leurs contours restent assez incertains. Pour avoir une finesse plus grande, nous allons faire appel à un signal lumineux issu des arborescences elles-mêmes, la fluorescence. Cela sera leur fluorescence naturelle ou celle plus intense d'une substance fluorescente qu'on leur injecte.
4 - La microscopie en fluorescence
Le phénomène de fluorescence
Certaines substances, lorsqu'elles sont soumises à un faisceau électromagnétique dont la fréquence v est située dans la lumière visible ou l'ultraviolet, émettent un autre rayonnement de fréquence v' plus petite, donc moins énergétique. On dit que ces substances sont fluorescentes si cette émission se situe dans le domaine de la lumière visible.
Les molécules qui possèdent cette propriété de fluorescence incluent dans leur structure des groupements chimiques appelés chromophores qui sont responsables de cette propriété (tels que benzène, C=O, C=C, C=S, C=N, C=C-C=O, C=C-C=C, N=N, N=O, NO2, S=O). Les plus fréquemment rencontrés dans les molécules organiques sont les noyaux benzéniques. Sous l'impact des photons, le chromophore passe à un état excité, puis il revient à son état fondamental en émettant de la lumière. La réponse est presque simultanée, ce qui la distingue de la phosphorescence, beaucoup plus persistante. Si l'on ne tient pas compte du délai d'émission, fluorescence et phosphorescence sont regroupées sous le terme général de luminescence.
Il est possible de se servir du phénomène de fluorescence pour faire des images d'un objet (matière organique) en microscopie, s'il est différencié en régions dont certaines sont fluorescentes et d'autres pas. Ceci témoigne d'une différence de composition chimique entre ces régions. Si l'objet n'est pas naturellement fluorescent, une façon de le différencier en régions fluorescentes est de lui injecter un marqueur fluorescent qui diffuse dans l'échantillon et se fixe préférentiellement dans certains sites chimiques. Ces marqueurs sont appelés fluorochromes (tableau I). Dans une image, l'intensité variable de l'émission fluorescente selon la localisation dans l'objet témoigne des différences dans la diffusion et la fixation des marqueurs à l'intérieur de l'objet. En biologie par exemple, on peut les lier à des anticorps qui vont se fixer de façon spécifique sur les antigènes correspondants (immunofluorescence). Très utilisés en biologie, les fluorochromes le sont peu dans les polymères et l'étude de leur spécificité reste à faire.
Tableau I: Les marqueurs fluorescents les plus courants et leur lumière d'excitation
Principe du microscope en fluorescence
Pour fonctionner en fluorescence, un microscope comprend une source lumineuse adéquate et un bloc interchangeable situé sur le trajet lumineux (figure 2). La source est constituée d'une lampe à vapeur de mercure dont le rayonnement est filtré en longueur d'onde par le filtre d'excitation qui conserve une bande étroite du spectre lumineux. Ce faisceau est dévié vers l'échantillon par un miroir dichroïque qui possède un fort coefficient de réflexion pour cette fenêtre de longueur d'onde et un fort coefficient de transmission pour la bande qui correspond au rayonnement fluorescent émis par l'échantillon. Ce rayonnement émis est sélectionné ensuite par un filtre barrière. Le filtre d'excitation, le miroir dichroïque et le filtre barrière, assemblés dans un seul bloc, peuvent être changés et choisis pour être spécifiques du fluorochrome utilisé.
Figure 2: Schéma de fonctionnement d'un microscope en fluorescence
Observation des arborescences en fluorescence propre
Lorsqu'on observe en fluorescence une arborescence qui n'a pas été marquée d'un fluorochrome, on recueille toutefois une image de faible intensité (figure 3). Cela indique que les arborescences ont leur fluorescence propre. Or le polyéthylène ne comprend pas de groupement chimique fluorescent. Une modification chimique du polyéthylène a donc eu lieu à cet endroit, probablement une oxydation sous l'effet de l'eau salée et du champ électrique.
Figure 3: Arborescence en autofluorescence
Cliché E. Moreau et A. Boudet - Crédit photo IEEE
Observation des arborescences avec un marqueur fluorescent
Améliorons le contraste et la visibilité de l'arborescence en imprégnant la tranche de polyéthylène avec de la rhodamine, fluorochrome qui absorbe la lumière verte et émet de la lumière rouge. L'image obtenue présente un très bon contraste (figure 4). On constate une parfaite concordance dans l'étendue de l'arborescence sur les deux vues, mais les informations données sont de natures différentes: dans la figure 4, la fluorescence provoquée est liée à la densité de la rhodamine, donc à la façon dont elle a pu se répandre à travers les craquelures et s'y fixer.
Figure 4: Arborescence d'eau observée en microscopie à fluorescence
Même zone que celle de la figure 3 après imprégnation de rhodamine
Cliché E. Moreau et A. Boudet - Crédit photo IEEE
La forme générale de l'arborescence est bien visible et sa structure interne beaucoup plus détaillée que sans marqueur. On distingue plusieurs fuseaux divergents. Il est aisé de focaliser l'observation sur l'extrémité d'un fuseau et d'augmenter le grandissement (figure 5). On remarque qu'un fuseau est constitué de micro-canaux entrelacés et sinueux. Leur largeur est proche de la résolution du microscope, inférieure à 0,5 µm. L'observation est cependant gênée par le flou qui provient des plans se trouvant en-dehors de la mise au point. Ce défaut disparaîtra avec l'utilisation de la microscopie confocale.
Figure 5. Détail d'un fuseau d'arborescence
Cliché E. Moreau et A. Boudet
5 - Le microscope confocal à balayage laser (CLSM)
Le microscope confocal est né suite à des études en optique effectuées par Minsky dans les années 1960, aboutissant à un brevet, peu remarqué à l'époque. Des chercheurs tels que Wilson en Angleterre, Sheppard en Australie et Brakenhoof en Hollande ont expérimenté des systèmes de microscopes confocaux à la fin des années 70, mais c'est seulement avec le développement des lasers et des ordinateurs que le principe a pu réellement être mis en pratique, démontrer toutes ses potentialités et se développer commercialement à la fin des années 80 (figure 6).
Figure 6: Un microscope confocal, le microscope Leica TCS SP2 RS
Le microscope confocal est une adaptation du microscope optique conventionnel dans laquelle la source lumineuse et le détecteur sont réduits aux dimensions d'un point, à l'aide de diaphragmes de quelques micromètres, situés en position confocale, ce qui veut dire qu'ils ont le même foyer optique (figure 7). Le faisceau lumineux émis est rendu fortement convergent par la lentille objectif pour éclairer seulement une zone réduite de l'objet. Cela a l'avantage d'éviter la diffusion lumineuse provenant des zones voisines. Dans le mode transmission, l'image de ce point est formée par la lentille collectrice sur le diaphragme du détecteur. Celui-ci mesure l'intensité reçue. Les deux lentilles sont ainsi réglées en position symétrique, dans laquelle la source, la région ponctuelle de l'objet, et le détecteur sont conjugués. La configuration du microscope la plus courante commercialement est le mode en réflexion (figure 8). Dans ce mode, c'est la même lentille qui sert pour focaliser la source et faire l'image sur le détecteur.
Figure 7: Principe de confocalité, source et détecteur sont deux points conjugués
Dans le mode en réflexion (figure 8), un miroir semi-réfléchissant renvoie le faisceau réfléchi vers le détecteur. La source est souvent constituée d'un laser, dont le faisceau est balayé en x et en y sur l'objet. Le détecteur recueille l'image en deux dimensions point par point. D'où le nom qu'on précise quelquefois de microscope confocal à balayage laser (MCBL en français ou CLSM en anglais pour Confocal Laser Scanning Microscope). Puis la platine porte-objet est déplacée en z d'un pas défini constant de delta z, et à chaque avancée d'un pas une image xy est enregistrée dans la mémoire de l'ordinateur. On acquiert donc un fichiernumérique à trois dimensions constitué de l'intensité de chaque point x, y, z (appelé voxel au lieu de pixel, c'est-à-dire élément de volume au lieu de élément d'image). C'est la caractéristique de cet appareil de fournir une représentation en volume de l'objet sans avoir à le couper en tranches fines. Cependant, même en réflexion, le faisceau laser doit pénétrer dans la matière et des pertes de lumière se produisent sur les trajets aller retour. En conséquence, l'épaisseur de la partie explorée de l'objet est limitée par son degré de transparence. En pratique elle peut aller jusqu'à 10 ou 100 µm, quelquefois 200 µm.
Figure 8: Schéma du microscope confocal
Enfin, un traitement d'images exploite les données du fichier et affiche des vues diverses (figure 9). On peut ainsi afficher les vues xy successives, mais on peut aussi faire leur somme et des projections stéréo, comme on le verra plus loin dans le cas des arborescences. Des logiciels puissants sont également capables de fournir l'apparence d'un objet vu en perspective dans l'espace
Figure 9: Reconstitution d'images en 3D et représentations possibles
en coupes optiques horizontales, coupes transverses ou obliques, vues stéréo
L'intérêt essentiel du microscope confocal réside dans sa résolution dans le sens de la hauteur. Il est capable de sélectionner le signal qui provient de la zone de mise au point en excluant les contributions des zones situées au-dessus et en-dessous. On réalise ainsi une coupe de l'objet par une astuce optique. La pièce maîtresse de cette fonction est le diaphragme ponctuel placé devant le détecteur. C'est lui qui élimine les faisceaux issus des plans hors focalisation, grâce au principe de confocalité.
La résolution ou pouvoir séparateur est la distance de séparation en-dessous de laquelle deux objets semblent confondus. Celle du microscope confocal est meilleure que celle du microscope conventionnel. Pour le microscope conventionnel, la résolution latérale dépend de l'ouverture de la lentille objectif et dans le meilleur cas, on peut espérer avoir un pouvoir séparateur de 0,4 µm. Cela n'empêche pas de voir des objets plus petits, mais ils seront vus plus gros que leur taille réelle, à la manière d'une lampe qui brille au loin dans la nuit. On distingue la lumière émise, mais pas la lampe elle-même. La résolution latérale du microscope confocal est liée également à l'ouverture de l'objectif, et aussi à la taille de la sonde laser et à la taille du diaphragme du détecteur. En mode par réflexion sans fluorescence, elle peut descendre jusqu'à 0,15 µm. En mode en fluorescence cependant, à cause de l'incohérence du faisceau recueilli, elle reste équivalente à celle du microscope conventionnel. En fait, c'est la résolution en hauteur qui caractérise surtout le microscope confocal. Elle dépend aussi de l'objectif et peut atteindre 0,23 µm dans le meilleur des cas. Le pas delta z de balayage de la platine est réglé mécaniquement et indépendant de la résolution optique en z. Si on le choisit égal à la moitié de la résolution, on recueille alors le maximum d'informations. Si on n'a pas besoin de cette résolution, il est inutile de le choisir aussi petit, car cela aurait l'inconvénient de grossir inutilement les fichiers numériques.
6 - Matériaux observés par réflexion sur une surface
Surfaces réfléchissantes
Tandis que le microscope confocal dans son mode en fluorescence est très employé en biologie, le mode "réflexion sur une surface" obtient la faveur dans le domaine des matériaux opaques et réfléchissants, par exemple pour le contrôle de circuits imprimés. Toute surface continue réfléchissante est susceptible de fournir une image en microscopie confocale (figure 10). Ainsi la matière est observable si elle présente une surface libre, c'est-à-dire propre, et qu'elle est réfléchissante soit naturellement, soit rendue réfléchissante par métallisation. Des telles surfaces sont également visibles si elles sont recouvertes d'un autre milieu, liquide ou solide, à condition qu'il soit transparent.
Figure 10: Systèmes vus en réflexion, surface continue
Mais comment reproduire les données enregistrées en trois dimensions sur une image? Dans ce cas la représentation la plus avantageuse est de coder la hauteur par des couleurs, du rouge au violet par exemple en conformité avec le spectre électromagnétique de la lumière (figure11). Ou encore par la variation de l'intensité du plus sombre pour le bas au plus clair pour le haut. Ensuite les traitements d'image répandus peuvent en donner des représentations à trois dimensions ombrées dans l'espace avec des perspectives sous divers angles de vue.
a
b
Figure 11: Affichage à deux dimensions de l'image d'une surface
a - codage de la hauteur par des couleurs
b - profil le long d'une droite
Petits objets inclus
Un autre type de système observable en réflexion est constitué d'objets inclus dans une matrice transparente, à condition que leur proportion reste relativement faible pour permettre le passage de la lumière réfléchie. Les objets sont visibles si leur pouvoir de réflexion est différent de celui de la matrice.
Figure 12: Systèmes vus en réflexion, objets inclus
C'est le cas par exemple de particules de noir de carbone dispersées dans une matrice polyépoxyde, en faible proportion. Le but de ce mélange composite est de conférer au polymère les propriétés électro-conductrices du noir de carbone lorsque sa concentration est suffisante (voir le dossier "Les polymères, structures et propriétés, Les microstructures des polymères associés" - lien). La figure 13 montre que pour une concentration inférieure à 2%, seuil de percolation, les particules restent dispersées alors qu'elles s'assemblent en amas de type fractal, comportant des grappes et des chapelets, lorsque cette concentration dépasse 2%.
Figure 13: Composite noir de carbone / résine polyépoxyde, microscopie confocale en réflexion
a - concentration 1,4%
b - concentration 2,6%
Reproduit d'après Michels, Brokken-Zijp, Groenewoud et Knoester, Physica A, 1989
Crédit photo Elsevier Science Publisher
7 - Matériaux observés en fluorescence
Arborescences d'eau observées en microscopie confocale
Dans une arborescence d'eau traitée à la rhodamine, on a enregistré une série de coupes optiques espacées en hauteur de 0,3 µm. Trois d'entre elles sont exposées dans la figure 14. La netteté de l'image est remarquable. Elle est dénuée de tout flou de diffusion.
Figure 14. Coupes optiques d'arborescences aux profondeurs 2,4 µm, 3 µm, et 5,4 µm
Cliché E. Moreau et A. Boudet
Les micro-canaux des arborescences sont vus avec précision. Ils présentent un tracé enchevêtré et erratique, et on peut les observer d'un plan à l'autre, se développant en trois dimensions. On peut visualiser la projection totale de ces plans en faisant la somme des images successives (voir la figure 9 ci-dessus, section "Le microscope confocal à balayage laser"). Dans ce cas, bien qu'on ait perdu la troisième dimension, il reste l'avantage, par rapport à la microscopie non confocale, d'avoir éliminé tout le flou dû à des parties hors focalisation. On obtient une image de mise au point bien plus étendue en épaisseur. Il est d'ailleurs possible d'obtenir une paire de vues stéréo (figure 15). Il suffit d'additionner les plans obliquement, comme si on regardait de côté, à gauche et à droite (figure 9). On reconstitue l'impression de relief en les regardant séparément par chacun des deux yeux, par exemple en les séparant avec une feuille de carton, ou en s'aidant d'une lunette appropriée. On peut enfin reconstituer des sections transverses en sélectionnant dans chaque coupe horizontale la ligne d'intersection avec le plan de section.
Figure 15: Vues stéréo, faites de la somme de 10 coupes horizontales
Cliché E. Moreau et A. Boudet
Fibres de verre dans un matrice polyépoxyde
Des composites à matrice polymère chargée de particules, ou de corps dont la fluorescence se distingue de celle de la matrice, peuvent être observés en fluorescence propre si la taille de ces corps est adéquate et si leur concentration n'est pas trop élevée. Dans la figure 16, des fibres de verre orientées parallèlement incluses dans une matrice polyépoxyde ont été tranchées en section transversale et observées en microscopie confocale par autofluorescence à trois profondeurs différentes. Elles sont très visibles et auréolées d'un anneau brillant dû à la fluorescence propre du produit d'ensimage des fibres, graisse de protection dont elles sont enduites pour favoriser leur manipulation et leur adhésion à la matrice. On distingue une fissure qui s'évase de la profondeur vers la surface. Contrairement au microscope conventionnel, le microscope confocal a permis d'éliminer de l'image les stries de surface dûs au passage de la scie, car elles restent en-dehors des plans de focalisation.
Figure 16: Fibres de verre dans une matrice polyépoxyde, coupes optiques en surface, à 5 et 10 µm de profondeur
Microscopie confocale en fluorescence
Reproduit d'après Thomason et Knoester, Journal of Material Science Letter, 1990
Crédit photo: Chapman and Hall
Émulsions et gels. Images dans le milieu liquide
La microscopie confocale est particulièrement intéressante dans les émulsions et les gels, constitués de substances solides ou visqueuses dispersées dans l'eau.
Pour faire l'image en fluorescence des émulsions, il est souvent indispensable de recourir à un marqueur fluorescent qui va imprégner spécifiquement l'un des composants. Les émulsions de nourriture (fromage blanc frais, sauces, crèmes, ...) sont fréquemment composées d'une phase aqueuse et d'une phase grasse qui absorbent chacune un marqueur différent. On peut marquer l'une ou l'autre, mais comme les microscopes confocaux disposent souvent de deux sources lasers avec deux longueurs d'onde différentes, il est possible de marquer les deux, d'exciter les deux fluorochromes chacun dans leur longueur d'onde caractéristique, de former une image recueillant les deux émissions fluorescentes séparément, puis de les superposer dans une image bicolore (les couleurs sont alors arbitraires dans la représentation sur l'écran).
Les gels sont constitués d'un liquide stabilisé par un réseau macromoléculaire, autrement dit des molécules de polymères en très faible quantité (environ 2 à 5 %). Si l'on dispose d'un marqueur qui se fixe sur ce réseau, on obtient l'image du réseau au sein du liquide. L'avantage est évident par rapport à la microscopie électronique par exemple, qui nécessite l'extraction de la phase liquide avec le risque d'effondrement du réseau. Elle n'a pas la lourdeur de techniques de microscopie électronique plus élaborées qui nécessitent de congeler le liquide pour le conserver. Par contre la résolution est plus faible. Le problème est de savoir quel est le bon marqueur et de quelle façon il va se fixer sur le réseau, en espérant qu'il n'induise pas de modifications de structure.
Une paire d'images stéréo d'un réseau de fibrine coagulé dans l'eau est présentée dans la figure 17. Il a été rendu fluorescent par l'addition de FITC. La fibrine est visible sous forme de fibres cylindriques de diamètre variable, entremêlées selon un maillage plus ou moins dense.
Figure 17: Gel de fibrine, vues stéréo, microscopie confocale en fluorescence
Les images ont été réalisées en additionnant 30 coupes optiques espacées de 1 µm
Extrait de Blombäck, Carlsson, Lepault, McDowall, Nature, 1984
Mousses
Le microscope confocal accepte aussi les mousses, type mousse à raser, dispersion de cavités de gaz dans une substance quasi-liquide. La figure 18 rapporte les images d'une mousse à raser diluée dont la phase liquide est imprégnée de fluorescéine. Ici, s'ajoute le facteur "temps". Les images, répétées à quelques minutes d'intervalle, montrent que les bulles ne sont pas stables. Elles éclatent et fusionnent pour donner un maillage de plus en plus gros.
Figure 18: Mousse à raser, microscopie confocale en fluorescence
Chaque image, prise à des temps croissants, résulte de l'addition de coupes optiques espacées
de 15 µm sur une hauteur de 200 µm environ. (a) 3 mn - (b) 15 mn - (c) 25 mn - (d) 45 mn
Extrait de Reed, Howard, Shelton, Journal of Microscopy, 1997
Crédit photo The Royal Microscopical Society
Le Cours de Fons Verbeek (Leiden Institute of Advanced Computer Science, Université de Leiden, Pays-Bas) présentant les différents types de microscopes, en anglais: lien
Sur l'auteur
A. Boudet est l'auteur d'un livre sur les polymères, Voyage au coeur de la matière plastique, édité par CNRS Éditions, qui comprend deux chapitres importants sur les microscopies exposant les principes, les avantages et les limites, la diffraction et le traitement des images. La microscopie confocale n'y figure pas.
Les observations des arborescences d'eau ont été réalisées en 1996-1998 par l'auteur, alors chercheur du CNRS, au CEMES (Centre d'Elaboration de Matériaux et d'Etudes Structurales, Toulouse, France) avec ses collaborateurs au LGET (Laboratoire de Génie Electrique de Toulouse, France). Elles ont donné lieu à une publication scientifique: Moreau E, Boudet A, Mayoux C, Laurent C, Wright M, Fine structure of defects in polyethylene used for power cable insulation observed by fluorescence microscopy, Journal of Material Science, 1993, 28, 161.