Introduction
Le collège Clisthène est un collège expérimental public français fondé à Bordeaux en 2002. Il est connu depuis que le journaliste du Monde, Luc Cédelle, lui a consacré un livre intitulé un plaisir de collège aux Editions du Seuil en 2008 et que Béatrice Schonberg l'a présenté dans la première émission sur France 2 des « 100 français qui font bouger….l’école » la même année.
Quasi unique en France dans son organisation, le projet de collège a été validé par le conseil national de l'innovation pour la réussite scolaire en 2001 et a ouvert ses portes l'année suivante, dans un quartier populaire de Bordeaux, le Grand Parc, en recrutant des élèves « ordinaires » sur carte scolaire.
Fondé par deux professionnels de l’éducation, Jean-François Boulagnon et Géraldine Rabier, il est né d'une conviction profonde : la défense et la promotion de l'école de la république doit se faire au plus près de la réalité du "terrain".
L'approche choisie pour cette expérimentation est systémique : C’est un établissement scolaire dans sa totalité qui bénéficie d'une expérimentation globale. C’est sur le collège qu’elle porte, tant sur le plan pédagogique et éducatif que sur celui de l’organisation générale, car il s’agit sans conteste du maillon faible du Système éducatif français et que c’est le dernier lieu ou l’ensemble d’une classe d’âge se retrouve.
Véritable laboratoire de recherche, Clisthène s’appuie sur :
- des pratiques reconnues (innovations et expérimentations partielles qui ont fait leur preuve et bonnes pratiques dans plusieurs pays occidentaux, notamment du Système éducatif finlandais )
- les travaux de la recherche internationale depuis une trentaine d’années, dans les domaines la neurologie, les neurosciences, la psychologie, comme ceux Antonio Damasio, de l'Apprentissage et de la prévention de la violence scolaire notamment
- sur les travaux de sociologues et de chercheurs en Sciences de l’Education qui soutiennent Clisthène -comme Edgar Morin, Paul Ricoeur, Philippe Meirieu,.....ont souvent participé à la mise en place des dispositifs
Objectifs
Les objectifs de départ sont, comme l'a dit à l’AFP le 2 septembre 2002, le sociologue François Dubet à l’ouverture de Clisthène, de transformer le collège pour le rendre « plus juste, plus efficace, plus démocratique, ouvert à tous les élèves, à moyens constant et avec des élèves ordinaires », d’apporter des réponses innovantes aux problèmes du système éducatif et de répondre à l’évolution de la société et aux attentes des acteurs de l’école.
Cette expérimentation s’articule autour de trois grands axes :
- Susciter l'intérêt et la motivation par la diversification pédagogique, pour permettre la réussite de chaque élève et lutter préventivement contre l’échec, le décrochage scolaire.
- Prévenir la violence scolaire en mettant la totalité d’un établissement au service de cette mission.
- Permettre un apprentissage authentique de la démocratie par la mise en situation réelle, la responsabilisation progressive.
Pistes de travail
L'idée de départ est de faire bouger la stabilité de la forme scolaire en bousculant le modèle existant.
Faire de l’établissement une structure pédagogique nouvelle
Repenser la journée scolaire
- Un temps d’accueil du matin (1/2h) avec différents pôles (CDI, informatique, lecture, actualité, petit-déjeuner……), sas anxiolytique et temps de préapprentissage qui conditionne le bon fonctionnement de la matinée de cours.
- Un emploi du temps basé sur les rythmes biologiques des élèves et leurs temps forts dans la journée : réactiver la capacité attentionnelle des élèves, tenir compte des plages d’attention (le creux de l’après repas) permettre que la fin de journée, souvent redoutée par les enseignants, soit mieux vécue.ce travail a été effectué en liaison avec Hubert Montagner et François Testu
- Une vie scolaire plus sereine : La limitation des déplacements, les activités proposées engendrent une vie scolaire plus apaisée et une baisse très conséquentes des incivilités.Une plage d’aide au travail l’après-midi pour finir la journée en groupe de tutorat : le deuxième groupe d’insertion des élèves avec la classe (12 élèves de tous les niveaux) encadrés par leur tuteur
Repenser le temps pédagogique
Clisthène met en application le principe des trois tiers temps :
- 1/3 temps disciplinaires le matin : emploi du temps souple, pédagogie active et différenciée ;un travail sur les compétences et le socle commun
- 1/3 temps interdisciplinaire composé de 2 ½ journées dans la semaine (un matin, un après-midi) et de six semaines totalement interdisciplinaires dans l’année pour favoriser l’autonomie, le mode d’apprentissage ouvert, le travail en équipe, le recours à la recherche documentaire.
- 1/3 temps d’ateliers artistiques, technologiques, sportifs ou sociaux l’après midi (2 h) pour donner du temps aux matières sacrifiées au collège, initier à la découverte de la voie professionnelle, initier à des matières non enseignées comme telles au collège (éducation aux medias par exemple)
Repenser la séquence d'enseignement, la journée, la semaine
- La séquence d'enseignement, de base est de 1 h30 - 1 h40 pour toutes les disciplines, parfois 2 h. On observe qu’à Clisthène, malgré un horaire d'enseignement réduit, on réalise un gain d'enseignement/apprentissage conséquent sur la séquence d'enseignement avec un rythme qui respecte davantage les besoins des jeunes
- Sur la plan quantitatif : cette organisation par plages longues permet de gagner1/2 h d'apprentissage par jour soit 2 h semaine (gain de temps lié aux déplacement, démarrage de cours) ;
- Sur le plan qualitatif, le travail d'apprentissage proposé est plus favorable à la différenciation pédagogique pour chaque élève. En effet le professeur est amené à varier les modalités d'appren -tissage : travail personnel, petit groupe, points méthodologiques, place plus grande aux questions et à l'oral, conseil individualisé, évaluation critériée (réf : les nombreux travaux de Philippe Meirieu et ceux cités dans les cahiers pédagogiques) Les plages longues permettent d'organiser des activités d'apprentissages plus variées et motivantes et notamment des 1/2j de projets interdisciplinaires.
Refonder le « temps Professeur (enseignant) »
Repenser le temps Professeur (enseignant)
Le temps de service des Professeur (enseignant) . Le décret de 1950 fixe le temps de service des professeurs (36 h = 18 h cours + 18 h préparation). A Clisthène on le réaménage de l’intérieur : Le temps de présence dans l’établissement est de 24 h qui se subdivise en temps d’enseignement (13h-15h), tutorat et temps réservés à l’aide et au conseil des élèves( 3-5h), concertation en équipe(2h15), implication dans la vie de l’établissement(3h), remplacements/formation (1h). Pour répondre à l’un des principaux griefs des parents, toutes les heures de cours sont assurées en cas d’absence de professeurs. Le remplacement est annualisé dans son temps de service.
Créer les conditions institutionnelles du travail en équipe
La réunion de concertation hebdomadaire (2 h 15), toutes les activités de l’établissement sont impulsées, régulées et évaluées dans le cadre de cette réunion. Les décisions sont collégiales. Une culture de l'échange se développe alors, basée sur la confiance et la légitimité.Le travail collectif permet de se centrer sur les acquis essentiels. La question du quoi apprendre d'essentiel précède celle du comment apprendre (démarche des actuels nouveaux programmes déclinés en compétences. La nouvelle organisation facilite la co-formation dans la durée, sans perturber les cours. Elle permet"d'outiller" les professeurs et de diffuser les "bonnes pratiques".
Une nouvelle Gestion des ressources humaines, et responsabilisation des professeurs
Elles diminuent les phénomènes de « burn-out » ou Syndrome d'épuisement professionnel. . La responsabilisation accrue engendre une plus grande motivation, le sentiment d’appartenir à une équipe, un établissement, et d'avancer individuellement et collectivement dans la bonne direction, d'avoir de l'emprise sur leur métier
Transformer l’établissement pour créer les conditions d’une vraie communauté éducative
- Repenser la place et le rôle des élèves, l'équilibre entre spécificité et altérité : Une participation effective des élèves (rôles pédagogiques dans les cours et éducatif à l’extérieur), des lieux et des temps de paroles institutionnalisés, une responsabilisation progressive, des activités systématiquement resitué dans une perspective d'apprentissage de la citoyenneté
- Engager tout l’établissement dans la lutte contre la violence scolaire par la mise en pratique des invariants décrits dans les rapports de l'Inspection générale et des chercheurs depuis 30 ans : la mise en place de repères et de limites claires, la mise en place d’une relation de confiance entre élèves et adultes, , une conception de l’établissement comme lieu d’apprentissage de la parole, ( Jacques Lacan: « la violence, c’est de la parole non aboutie ») , un travail en équipe de tous les adultes, une inscription dans l’environnement et une effective co-éducation.
- Mettre en place une véritable co-éducation avec les parents :
- une réponse apportée aux griefs traditionnels des parents vis-à-vis de l’école : remplacement systématisé des professeurs, entrées et sorties à horaires fixes, emploi du temps fondés sur les rythmes chronobiologiques des élèves.(travail en concertation avec Georges Dupon Lahitte et la FCPE)
- une organisation de l’établissement pour faciliter le dialogue : Le groupe de tutorat est la base de cette relation: l’élection dans chaque groupe de tutorat d’un parent délégué et de quatre parents relais pour le passage de l’information, un travail de suivi par le tuteur-référent, un bilan écrit du trimestrel de l’élève remis en mains propres à la famille débouchant sur un contrat de progrès individuel réaliste (c'est-à-dire à la portée de chaque élève).
- une politique d’établissement visant à associer les parents en les consultant (réunion mensuelle), les informant et en communiquant avec eux en organisant le dialogue (bulletin de liaison bi-hebdomadaire, plan de travail des élèves distribué chaque vendredi aux familles) et en les faisant participer à la vie du collège (participation au temps d’accueil et aux ateliers, café des parents, repas de fin de trimestre). la réussite de cette attitude est pointée dans des masters de sociologie
Une priorité : le travail pour assurer une mixité sociale effective. La question est cruciale pour l'avenir de l'école de la république. Il n’y a pas de fatalité. Elle est équilibrée à Clisthène, des classes sociales aisées qui l’avaient déserté depuis 25 ans viennent dans un quartier difficile scolariser leur enfant à Clisthène.