Dans son introduction des œuvres complètes d'Ambroise Paré voici ce qu'écrit le docteur Malgaine: "Constantin né à Carthage et épris d'un ardent désir de s'instruire dans toutes les sciences il s'en alla en Babylonie, apprit la grammaire, la dialectique, la physique (médecine), la géométrie, l'arithmétique, les mathématiques, l'astronomie, la nécromancie et la musique. Après avoir épuise routes les sciences des Chaldéens, des Arabes et des Persans il alla aux Indes, interrogea les savants de ce pays, revint par l'Egypte ou il termina ses longues études; et après quarante années de voyages et de travaux, il revint dans sa ville natale. Mais, des connaissances si rares et si nombreuses durent effrayer ses compatriotes, ils le prirent pour un sorcier et résolurent de s'en défaire. Constantin instruit à temps, pris la fuite et se dirigea vers Salerne où il demeura pendant quelques temps caché, sous l'habit d'un mendiant. Le frère du roi de Babylone ayant passe par cette ville, le reconnut et le découvrit au fameux Robert Guiscard qui en fit son premier secrétaire. Mais plus soucieux de repos que d'honneurs il quitta la cour et se retira au Mont-Cassin où il passa le reste de sa vie à traduire de l'arabe en latin divers ouvrages de médecine ou à compiler lui-même."
Cette légende reproduite depuis Pierre Diacre, dans tous les livres sur Constantin, avec ou sans réserve, doit être abandonnée à jamais. C'est un conte des milles et une nuit auquel il manque l’héroïne: la fille du prince. Malheureusement pour Constantin, pris de chagrin entre au couvent et prend l'habit.
De bonne heure, il se voua à l'étude de la médecine et, comme c’était l’usage du temps, il fit des voyages lointains, dont certains le conduisirent jusqu’en Extrême-Orient. Il se familiarisa avec les langues orientales et étudia de façon approfondie la littérature arabe. Ses études en médecine arabe lui apprirent beaucoup de choses qu’ignoraient ses contemporains occidentaux. De retour à Carthage il suscita chez ses confrères une grande jalousie qui lui valut tant de désagréments (on dit même qu'il fut accusé de pratiquer la magie) qu'il accepta volontiers la place de secrétaire auprès de l'empereur Constantin Monomaque à Reggio.
Pendant qu’il était à Salerne Constantin l'Africain devint un professeur de médecine renommé. Il n’y resta cependant que quelques années et renonça aux honneurs et aux biens temporels pour devenir bénédictin à l'abbaye du Mont-Cassin. Il fut accueilli à bras ouverts par l'abbé Desiderius, un des hommes les plus instruits de son temps, qui devait devenir le pape Victor III. Constantin passa les dernières années de sa vie au Mont-Cassin, s’occupant à écrire des livres, encouragé en cela par Desiderius, qui était son meilleur ami. Son travail le plus connu est le livre nommé Liber Pantegni, dédié à Desiderius, qui est en fait une traduction du Kitab al-Maliki ou Livre de l'art médical d’Ali ibn Abbas al-Majusi (la traduction littérale du titre est Livre royal). Il a aussi écrit quelques travaux originaux, mais il est si difficile de distinguer ce qui est effectivement de sa main et ce qui lui a été attribué par la suite qu’on n’a aucune certitude quant à ses contributions originales en médecine.
La vie même de Constantin l’Africain nous est mal connue. La source la plus fiable se trouve dans une brève notice, De Constantino, insérée par le maître salernitain Matthæus Ferrarius dans son commentaire sur le Dietæ universalis d’Isaac Judæus. On trouve aussi des détails sur sa vie et sur son oeuvre dans la biographie que lui a consacrée Pierre le Diacre, un autre moine de Monte Cassino
Le personnage surgit brusquement dans la lumière en 1075, où il apparaît à Salerne et s’étonne de l’indigence de la littérature médicale dont on y dispose. Il retourne alors en Afrique pour collecter les œuvres qu’il peut y trouver puis retourne à Salerne après trois ans. Sa retraite au Mont-Cassin n’a rien que de tout à fait normal à un âge où la vue des hommes les gênait dans leur travail ; il trouvait sans doute les aides nécessaires pour lui lire les textes à traduire et les recopier sous sa dictée. Avec Constantin commence la deuxième époque de l'École salernitaine de médecine, particulièrement notable pour sa traduction de tous les grands écrits médicaux, grecs aussi bien qu'arabes et pour des travaux originaux importants. Beaucoup des professeurs célèbres du XIIe siècle à Salerne étaient fiers de proclamer que Constantin avait été leur maître. Parmi les nombreuses éditions de ses travaux la plus importante est celle de Bâle (in fol., 1536).