Cyclostratigraphie - Définition

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Intérêt des études cyclostratigraphiques

Apports de la cyclostratigraphie

Affiner l'échelle des temps géologiques

L'établissement d'une échelle des temps géologiques aussi précise et fiable que possible représente sans doute le chantier le plus important des sciences de la Terre, puisque les interprétations sont largement tributaires d'une bonne connaissance des durées et des âges.

De façon simple, à une épaisseur de série sédimentaire comportant n occurrences d'un cycle de période \frac{1}{f} est attribuée une durée n \cdot \frac{1}{f} . Toutefois, l'échantillonnage de l'indicateur climatique a nécessité un cadrage temporel entre deux bornes arbitraires, lesquelles peuvent être des Global Boundary Stratotype Section and Point (GSSP), des limites de chrons ou de biozones, etc. Ces repères, qui constituent l'échelle des temps géologiques à proprement parler, ne sont pas toujours connus avec une bonne précision, surtout dans les séries anciennes. Seul l'établissement de corrélations, par exemple entre différents proxies ou différents logs, peut assurer une bonne fiabilité des résultats.

La cyclostratigraphie permet d'affiner considérablement l'échelle des temps géologiques en termes de durées. Dans une étude sur la limite Crétacé-Paléogène, Röhl et al utilisent une corrélation entre proxies biostratigraphique (Morozovella angulata), géochimique (Fe) et magnétique pour contraindre la durée du Danien. Cette période succède au Maastrichtien à 65,5 Ma, mais en l'absence de GSSP, la limite supérieure du Danien avec le Sélandien est moins claire. L'analyse spectrale de chacun des chrons du Danien a permis d'affiner sa durée à 3,65 Ma, inférieure de presque 10% aux résultats précédents.

Variations du taux de sédimentation

Le travail à haute résolution sur des cycles de périodes courtes permet de découper une série sédimentaire en une succession de sous-séquences virtuelles. Chacune d'entre elles peut être associée à un taux de sédimentation propre, ce qui permet de visualiser les accélérations et décélérations potentielles du processus sédimentaire. Pour le Danien, dont la durée a été revue à la baisse, un taux moyen de sédimentation plus élevé était nécessaire.

Lorsqu'un échantillonnage révèle des cycles affectés de quelques irrégularités ponctuelles, il est probable que la série soit affectée de discontinuités. Il peut s'agir de hiatus de non dépôt, mais aussi de phénomènes de condensation, d'altération ou d'érosion des sédiments. La corrélation à d'autre données permet de cerner l'hypothèse la plus probable. Dans tous les cas, la mise en évidence de discontinuités à haute résolution constitue un autre résultat intéressant, qui peut aider à préciser les estimations de durées ainsi que l'amplitude des variations du taux de sédimentation. Un autre exemple d'utilisation de ce type de résultats est l'estimation de l'homogénéité d'un sous-sol, en vue du stockage géologique de produits divers (carbone, déchets urbains, déchets nucléaires, etc.) Le confinement de produits volatils et/ou dangereux nécessite en effet une lithologie sans micro-failles ou discontinuités, vecteurs de transport horizontal et vertical (dissipation de la pollution vers des nappes phréatiques, remontée vers des zones habitées, etc.)

Interprétations paléoclimatiques

La méthodologie cyclostratigraphique fait intervenir le climat sous au moins deux aspects différents : comme « médiateur général » des signaux astronomiques, du fait de rétroactions diverses (développement des continents et inlandsis, taux atmosphériques en gaz à effet de serre, etc.) ; comme « médiateur local », à travers les conditions environnementales du système sédimentaire (environnement de dépôt, ie. à l'échelle plus réduite du bassin, le plus souvent). Les premières considérations relèvent de modèles climatiques généraux ; les secondes sont par contre à prendre en considération dans l'interprétation de séries au cas par cas, puisque les facteurs locaux sont alors importants. Il faut notamment considérer le fait que le signal des périodes orbitales peut être mal enregistré dans les séries sédimentaires en raison même des variations climatiques dont elles sont à l'origine ! Une rétroaction aussi bien qu'un autocycle peuvent amplifier un signal tout en le déformant, de sorte que tirer des conclusions paléoclimatiques a posteriori n'est pas toujours aisé.

Dans les séries quaternaires, l'établissement des alternances glaciaires et interglaciaires de longues périodes n'a pas fait directement appel à un travail à haute résolution type cyclostratigraphie, mais des variations existent au sein des différentes grands épisodes glaciaires. La connaissance de ces évènements peut être affinée par des résultats issus de l'analyse cyclostratigraphique. En effet, certains indicateurs permettent de considérer avec une bonne fiabilité que leurs périodicités sont celles des variations climatiques — par exemple, le δ18O vis-à-vis de la température. L'exacte signification dépend alors de mécanismes physico-chimiques complexes et, évidemment, de la qualité du signal, qui doit être primaire (non altéré). Les meilleurs signaux sont en général issus des séries les plus récentes, c'est-à-dire du Cénozoïque supérieur et du Quaternaire.

Des tendances climatiques peuvent être dégagées pour des périodes plus anciennes. En ce qui concerne le Crétacé inférieur, Mayer et al. avancent des résultats généraux sur l'éventualité d'un forçage climatique dans un contexte autre que celui des glaciations du Quaternaire. Des corrélations précises de cycles étant établies, les variations des paramètres orbitaux étaient suffisamment importantes pour que leur signal s'exprime dans des conditions de rétroactions différentes. L'ampleur du forçage astronomique des paléoclimats anté-quaternaires, par exemple des périodes d'effet de serre très actif, reste toutefois à estimer.

Diversité des applications cyclostratigraphiques

Dans les séries du Quaternaire

Les premières applications de la méthode cyclostratigraphique ont été réalisées sur des séries du Quaternaire, dans des formations lithologiques mises en place durant un contexte glaciaire (Pléistocène). Un des premiers grands succès a été l'étude spectrale des variations de températures estimées via le δ18O de tests de foraminifères et des variations d'abondance de Cycladophora davisiana. Les épisodes glaciaires étaient contraints à la fois en amplitude et en durée. Par la suite, A. Berger met l'accent sur le rôle essentiel des calottes glaciaires — la rétroaction positive, estivale, au sens de Milankovitch, est posée comme le principal modulateur des conditions environnementales. Durant le Quaternaire, le forçage astronomique se traduit par un glacio-eustatisme important.

L'analyse à haute fréquence du δ18O a par ailleurs révélé l'existence de fluctuations climatiques beaucoup plus fréquentes que ce que laissaient présager les épisodes glaciaires accessibles par un comptage direct des terrasses fluviatiles, par exemple. Classiquement, le Pléistocène recouvre quatre épisodes glaciaires majeurs (Günz, Mindel, Riss, Würm), mais on peut distinguer plus d'une centaine de « stades isotopiques » sur les derniers 2,7 Ma. Leur analyse spectrale révèle l'influence des cycles de Milankovitch.

Ces succès et d'autres obtenus sur des séries récentes pouvaient laisser penser que le forçage astronomique du climat était au moins lié au contexte glaciaire en général, sinon spécifique du Quaternaire. Une large part des travaux plus récents a consisté à savoir dans quelle mesure la théorie astronomique des paléoclimats pouvait être généralisée aux séries mises en place dans un régime climatique différent, en particulier pour les séries mésozoïques, hors des épisodes glaciaires.

Dans les séries anté-quaternaires

De nombreuses études cyclostratigraphiques ont été menées sur des séries sédimentaires du Mésozoïque. Le climat y est largement moins bien défini, et l'échelle des temps géologiques est plus relâchée, ce qui est à la fois une difficulté à surmonter et un problème auquel la cyclostratigraphie peut apporter des réponses. Les cycles orbitaux ont été mis en évidence du Trias au Tertiaire, et ce dès les années 1980. Il semble que le forçage astronomique ait été assez puissant et soutenu pour que son signal soit enregistré dans des conditions variées, aussi bien en période glaciaire qu'interglaciaire.

Pour les séries anciennes, l'objectif majeur de l'approche cyclostratigraphique est l'estimation de durées précises. La corrélation des données sédimentaires aux cycles de Milankovitch pour l'Hettangien (obliquité de 38 ka, excentricité de 95 ka, précession de 20 ka) a permis une estimation minimale de 1,29 Ma pour cette période. Plus précisément encore, des durées sont proposées pour des zones ou sous-zones à ammonites. Röhl et al. estiment la durée du Danien à 3,65 Ma à partir de la durée de différents chrons, établies par cyclostratigraphie. Il ne s'agit là que de quelques exemples parmi les nombreuses études déjà réalisées dans le Mésozoïque, lesquelles ont montré l'importance du forçage astronomique des paléoclimats. Il est d'ailleurs possible de proposer des interprétations climatiques.

Dans le Crétacé inférieur, Mayer et al. utilisent conjointement les cycles de Milankovitch et la susceptibilité magnétique ; sur la base d'hypothèses raisonnables (choix de bornes temporelles classiques bien que floues, projection des cycles de Milankovitch dans le Phanérozoïque d'après Berger), la mise en évidence de cycles climatiques offre la possibilité de proposer une tendance paléoclimatique générale au réchauffement. En effet, entre l'Hettangien et le Kimméridgien, les cycles orbitaux dominants diffèrent : obliquité à 38 ka et précession à 20 ka respectivement modulent la série. Les épisodes de prédominance de la précession sont associés à un forçage plus marqué dans les régions tropicales et subtropicales ; l'obliquité concerne surtout les hautes latitudes. Cependant, le signal de l'obliquité peut être très marqué dans des séries interglaciaires, ce qui constitue un indice de l'action de facteurs paléocéanographiques locaux sur la balance entre obliquité et précession.

De fait, les biais — à commencer par les contraintes temporelles, l'altération diagénétique et la présence de discontinuités — et autocycles représentent un défi important dans les séries anté-quaternaires. Pour affiner les résultats des études cyclostratigraphiques, des contraintes plus fortes en termes de datation absolue sont nécessaires, mais il apparaît déjà que des informations très variées et de bonne résolution peuvent être fournies sur des périodes de plus en plus anciennes.

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