La cyclostratigraphie est une méthode particulière de stratigraphie, discipline des sciences de la Terre qui étudie la succession des différentes couches géologiques ou strates. Il s'agit d'une discipline intégrée qui exploite des résultats issus notamment de l'astronomie, de la climatologie et des techniques mathématiques.
La cyclostratigraphie s'appuie sur la théorie astronomique des paléoclimats qui stipule que les variations climatiques sont liées à des processus astronomiques cycliques, largement prédictibles. Elle permet d'analyser les cycles sédimentaires — et tout particulièrement les cycles « climatiques » que sont la précession, l'obliquité et l'excentricité — au travers d'indicateurs climatiques échantillonnés dans les dépôts sédimentaires. L'objectif principal de la cyclostratigraphie est l'estimation de durées, ce qui est d'autant plus difficile que les terrains étudiés sont anciens et altérés. L'étude des séries récentes du Quaternaire a permis les premiers résultats, mais les temps anté-quaternaires sont désormais étudiés avec succès, avec la possibilité d'affiner l'échelle des temps géologiques et de faire des interprétations paléoclimatiques.
Si la cyclostratigraphie en tant que méthodologie et applications est une branche récente de la stratigraphie, ses fondements théoriques remontent aux débuts du XIXe siècle. Très tôt s'est posée la question de l'origine des apparentes cyclicités sédimentaires observées à l'affleurement. Les cycles de courtes périodes pouvaient être rattachés à des phénomènes classiques en sciences de la Terre, tels les oscillations tidales ou l'alternance des saisons mais, d'une part cette relation n'était pas triviale, d'autre part les cycles de plus longues périodes devaient de fait résulter d'un paramétrage d'un genre différent et inconnu. Rapidement, les variations climatiques sont reliées aux cycles sédimentaires, mais les preuves manquent. Par ailleurs, la question de l'origine de la variabilité climatique restait ouverte : pourquoi et dans quelle proportion le climat général de la Terre évolue-t-il ? Ces variations sont-elles cycliques et, si oui, dans quelle mesure affectent-elles la sédimentation ?
Le processus de sédimentation est pluriel, mais il présente des caractéristiques générales exploitées par les différentes approches de la stratigraphie. Quel que soit le mode de sédimentation (continentale, marine ou lacustre), l'énergie solaire et la gravité conditionnent la mise en place de la pellicule de sédiments qui subira des actions diagénétiques variables et deviendra une roche sédimentaire parmi d'autres. Les altérations internes peuvent détruire ou au contraire souligner des particularités héritées dans la lithologie. Ces particularités reflètent entre autres les conditions externes de mise en place de la roche. La cyclostratigraphie se propose d'étendre le champ de la lithostratigraphie, basée sur des corrélations de faciès lithologiques, en analysant et quantifiant des cycles au sein de ces faciès.
Le fait de retrouver des variations cycliques dans les séries sédimentaires est l'indice d'un forçage quelconque du processus de sédimentation par des changements environnementaux, mais il faut alors déterminer quel genre de cyclicité peut avoir exercé une influence majeure sur l'environnement de dépôt. Certains processus sont caractérisés par des autocycles, ie. des variations régulières propres au mode sédimentaire (internes, endogènes). Les cyclicités relevant d'un forçage externe sont qualifiées en opposition d'allocyclicités. Elles mettent en jeu un phénomène exogène dont le signal sera plus ou moins déformé, atténué ou amplifié par le mode de dépôt. Les travaux les plus récents tendent à montrer que cette distinction, quoique pertinente, est peut-être simplificatrice : en effet, les processus cycliques « internes » ou « externes » interviennent conjointement.
Une fois que le caractère cyclique d'un enregistrement sédimentaire a été mis en évidence par des analyses chimico-physiques, l'enjeu est double : il faut déterminer si un phénomène externe (allocyclicité) a réellement influencé la sédimentation, au point qu'il devienne un trait dominant de la lithologie ; puis, il faut déterminer la nature de ce phénomène. Il est également nécessaire de vérifier que l'enregistrement sédimentaire est significatif en termes de durées, c'est-à-dire que le dépôt est continu et non altéré diagénétiquement. Pour apporter une réponse à ces questions, la cyclostratigraphie peut chercher à vérifier l'existence et la nature d'une corrélation entre les cycles sédimentaires d'une part et les cycles climatiques d'autre part, ce qui constitue une double réponse (l'existence d'une corrélation étant tributaire de la continuité et de l'homogénéité de la série sédimentaire).
Le climat est paramétré en grande partie par l'insolation, c'est-à-dire par la quantité d'énergie reçue du Soleil. La variation de température entre le jour et la nuit constitue un exemple frappant de l'influence de l'énergie solaire sur le climat terrestre, à court terme cependant. La source radiative solaire est considérée de puissance constante, mais le positionnement de la Terre par rapport au Soleil varie selon plusieurs facteurs périodiques. L'insolation est donc affectée de cycles, essentiellement en raison de trois paramètres orbitaux.
Elle quantifie l'écart à une orbite circulaire. Dans le cas de la Terre, l'orbite de révolution autour du Soleil varie entre un quasi-cercle (excentricité de 0,005) et une ellipse moyenne (excentricité de 0.058), du fait des interactions gravitationnelles avec les autres corps célestes du système solaire --- principalement les planètes géantes Jupiter et Saturne. La valeur actuelle de l'excentricité est e = 0,017. Elle permet de calculer les distances Terre-Soleil à l'aphélie (distance maximale) et à la périhélie (distance minimale) selon les formules d = a(1 + e) et d = a(1 − e) respectivement, où a est la longueur du demi-grand axe de l'orbite (un invariant déduit de la période orbitale par la troisième loi de Kepler) et e l'excentricité.
La variation de distance entre périhélie et aphélie suit une période principale de 400 000 ans environ, et une secondaire de 100 000 ans environ. On montre par ailleurs que, pour une excentricité donnée, la différence d'énergie radiative reçue du Soleil par la Terre entre ces deux positions est égale à quatre fois l'excentricité du moment. Actuellement, cet écart vaut donc environ 6,8% pour une excentricité de 0.0167. Couplée aux variations de vitesses lors de la révolution (d'après la seconde loi de Kepler), elle peut avoir une incidence la durée théorique des saisons, mais son principal effet est de moduler l'amplitude de la précession.
Elle quantifie l'écart de l'axe de rotation à la normale du plan orbital d'un corps céleste. Pour la Terre, dont le plan orbital est celui de l'écliptique, il s'agit de l'angle formé par l'axe de rotation et un axe perpendiculaire au plan de l'écliptique. L'obliquité actuelle est proche de ⍵ = 23°27', les bornes étant fixées autour de 22° à 25° selon une cyclicité de 41 000 ans environ. Ce paramètre est celui qui influence en priorité les saisons : lorsque l'obliquité est élevée, les différences climatiques entre été et hiver sont fortes, les effets étant plus marqués aux latitudes élevées.
Le phénomène d'obliquité est couplé à la rotation de la Terre et induit une précession, qui correspond à la révolution de l'axe de rotation incliné (obliquité) autour de la normale au plan orbital. Une toupie en fin de rotation possède un mouvement similaire, sans la composante rotationnelle (précession pure). Il en résulte une variation cyclique de l'orientation de l'axe de rotation par rapport au Soleil : si on pose pour simplifier que l'écart angulaire à la verticale est toujours égal une valeur d'obliquité constante, la direction de cet angle constant dans l'espace varie. Dans les faits, les périodes d'obliquité et de précession sont trop proches pour prendre une obliquité constante. Par ailleurs, la précession terrestre est doublement paramétrée. Du fait de sa rotation propre, la Terre n'est pas une sphère parfaite mais connaît un renflement équatorial. Sous l'influence des forces de marée produites par le Soleil et la Lune principalement, cet excès de masse tend à revenir au plan de l'écliptique, c'est-à-dire qu'il joue contre l'obliquité. Ce phénomène induit une seconde précession, dite orbitale ou lunisolaire, qui s'ajoute à la précession propre de la Terre. Comme la précession orbitale se fait dans le sens contraire de la rotation gyroscopique de la Terre sur son axe, le cycle complet a une période moyenne d'environ 21 700 ans, décomposée en deux cyclicités principales de 19 000 et 23 000 ans.
Les variations du climat sont pour partie seulement tributaires des « cycles climatiques », qui sont des déterminants orbitaux exogènes. On se souviendra notamment que les développements théoriques ont souligné le rôle de rétroactions au sein du système Terre. Si l'énergie reçue de l'espace — et du Soleil en particulier — « au sommet de l'atmosphère » est bien connue, celle reçue en surface des océans et des continents — c'est-à-dire en dessous de l'atmoshpère dense — dépend de nombre de phénomènes internes. Le bilan énergétique est par conséquent dépendant du paramétrage climatique propre à la Terre. Concernant les paramètres internes, les variations dans l'efficacité de la réflection, par déplacement et croissance des surfaces à fort albédo, le développement de la couverture nuageuse, les modifications dans l'activité des courants marins et aériens ou encore le déplacement relatif des zones sèches et humides influencent le climat, « pré-paramétré » à grande échelle par les variants orbitaux.
La cyclostratigraphie ne se limite donc pas à la recherche des cycles de Milankovitch, les cycles climatiques purs. D'autres phénomènes susceptibles d'engendrer des oscillations périodiques enregistrées dans les roches sédimentaires peuvent être étudiés par les mêmes méthodes. Il existe des cycles de longues périodes — par exemple les alternances entre périodes glaciaires et interglaciaires, les variations eustatiques, certains aspects de la dynamique tectonique… — et de très nombreux cycles de plus courtes périodes — oscillations quotidiennes du niveau marin déterminées par le système Terre-Lune (marées), alternances de varves dans les dépôts fluviatiles, etc. L'importance des cycles climatiques est liée à ce qu'ils ont donné corps à la méthode et qu'ils sont souvent les mieux enregistrés sur des affleurements de grande puissance, mais il faut garder à l'esprit que la cyclostratigraphie est applicable à tout type de cyclicité.