Interaction électrofaible - Définition

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Bases expérimentales

Découverte des courants neutres

La théorie initiale de la désintégration β de Fermi, achevée en 1934, ne concernait que la partie des interactions faibles prenant place sous l'influence des bosons W ±. Elle a longuement été vérifiée, sur les noyaux d'abord, puis sur les diverses particules que l'on a su créer avec les accélérateurs après la Seconde Guerre mondiale, et notamment les particules étranges, pour lesquelles on a pu noter que l'interaction faible violait la conservation de l'étrangeté, permettant ainsi aux particules étranges chargées les plus légères de se désintégrer, avec un temps de vie comparable à une désintégration β.

Cependant, la désintégration des particules étranges neutres n'entrait pas dans le cadre de cette théorie, car les neutrinos – pierre angulaire de la théorie de Fermi – n'intervenaient pas, ou très rarement.

Ce n'est qu'en 1973 que des expériences réalisées au CERN sur la chambre à bulles Gargamelle avec un faisceau de neutrinos ont permis d'établir l'existence d'une interaction faible électriquement neutre. En effet, selon la théorie de Fermi, dans une interaction faible, un neutrino est toujours produit avec un positron, ou un antineutrino avec un électron, ce qui donne un ensemble électriquement chargé.

On s'attendait donc à ce que dans les faibles – et donc rares – interactions entre les neutrinos et la matière, un neutrino donne un électron. On a observé ce phénomène, mais on a aussi observé le phénomène inattendu d'un neutrino interagissant, en gardant sa charge nulle. Il fallait conclure à l'existence d'une interaction faible neutre, faisant intervenir un courant neutre. Ceci donnait déjà un corps indirect aux prévisions faites sur la théorie électrofaible.

Une transformation difficile

Quand la théorie unifiée de l'interaction faible a été proposée, il n'existait aucun moyen réaliste de tester directement l'existence des bosons W et Z. Le CERN était alors en train de construire un nouvel accélérateur à protons de 400 GeV, le SPS, dont les premiers essais ont lieu en 1976, et la mise en place des halls d'expérience terminée en 1978. Cependant, sur la suggestion de Carlo Rubbia, il est presque immédiatement décidé de le transformer en collisionneur à protons et antiprotons.

Accélérateur et collisionneur

Dans un accélérateur, les particules sont accélérées, en un faisceau suivant un chemin à sens unique, tout autour de l'anneau, guidées par des (électro)aimants, et sont éjectées à la fin de l'accélération vers des halls d'expérience où elles rencontrent des cibles fixes.

Dans un collisionneur, deux faisceaux de particules circulent, un dans chaque sens. Leurs particules se rencontrent aux points où leurs trajectoires se recoupent.

Le gros inconvénient de l'accélérateur est que dans la collision sur la cible du hall d'expérience, une majeure partie de l'énergie de la particule accélérée est utilisée pour emporter tous les fragments de la collision dans l'élan communiqué par la particule énergique. C'est ainsi que les protons de 400 GeV émis par le SPS rencontrant un proton-cible fixe consacrent 372 GeV à emporter l'ensemble des produits de la collision, et il ne reste que 28 GeV disponibles pour les réactions qui peuvent survenir entre le proton accéléré et le proton cible. C'est en particulier notablement insuffisant pour produire des W ou Z.

Dans un collisionneur, au contraire, on peut disposer de la somme des énergies des particules qui se choquent pour faire des réactions. Ainsi, dans un collisionneur entre protons et antiprotons de 400 GeV chacun, il y a 800 GeV pour l'ensemble des produits de la réaction.

Transformation d'un accélérateur en collisionneur

Il est difficile de transformer un accélérateur en collisionneur. L'accélérateur ne disposant que d'une seule piste pour faisceau, si l'on veut faire tourner un faisceau en sens inverse, ce doit être un faisceau de particules de même masse et de charge électrique opposée. Dans le cas d'un accélérateur à protons, ce doivent donc être des antiprotons.

Ceci nécessite donc la construction d'une usine à antiprotons, avec un accélérateur proche, qui n'a pas besoin d'être très haut en énergie, mais qui doit avoir une très forte intensité. Il faut ensuite récolter la plupart des antiprotons produits, les canaliser, et les regrouper dans un anneau de stockage intermédiaire, où on va pouvoir uniformiser leurs angles et leurs vitesses (processus dit de refroidissement par analogie avec le concept correspondant en physique statistique), pour pouvoir les injecter de façon cohérente et efficace dans le collisionneur.

Il faut aussi réaliser de nouveaux tunnels d'injection, allant en sens inverse de ceux des protons.

Enfin, il faut changer le régime supportable par les aimants de trajectoire. En effet, dans un accélérateur, le champ magnétique créé par les aimants qui définissent la trajectoire dépend à chaque instant de l'énergie atteinte par le faisceau, afin de le maintenir sur la trajectoire prévue. En fin de cycle d'accélération, quand le faisceau est éjecté, les aimants sont ramenés au champ convenable pour l'injection. Donc en moyenne, les aimants doivent supporter un courant bien inférieur à celui correspondant à l'énergie maximale d'éjection.

Par contre, dans un collisionneur, quand on a réussi à fabriquer des antiprotons, à les injecter et à les accélérer à l'énergie souhaitée, on ne peut pas se permettre de les gaspiller en les éjectant. Les deux faisceaux doivent être maintenus à énergie constante, voisine du maximum. Ceci suppose donc une amélioration du système de refroidissement des aimants, qui doit alors fonctionner en régime pratiquement continu.

Mise en place du collisionneur protons-antiprotons

Carlo Rubbia avait fait sa proposition en 1976. Personne à l'époque n'avait jamais construit d'usine à antiprotons avec les contraintes mentionnées ci-dessus. Simon van der Meer releva le défi, si bien que le collisionneur – désormais désigné par Sp\overline{p}S – fut mis en fonction en 1981.

Et dès 1983, les deux expériences installées autour des points de collision entre les deux faisceaux, dénommées UA1 et UA2 (pour Underground Area 1 & 2, soit « Zone souterraine 1 & 2 »), puisque l'accélérateur SPS était construit sous terre, donnèrent en première mondiale des résultats concordants sur la détection directe des bosons W, et quelques mois plus tard, sur celle du boson Z, plus difficile à mettre en évidence. En 1984, Carlo Rubbia et Simon van der Meer partagèrent le prix Nobel de physique, après un des délais les plus courts entre une découverte et cette récompense.

Etude des bosons électrofaibles sur le LEP

Ultérieurement, le CERN rendit à sa destination initiale le SPS, et se mit en devoir de construire un collisionneur électron-positon, le LEP.

Construit dans un tunnel de 27 km de périphérie, le LEP a atteint une énergie de 104 GeV par faisceau. Mais les premières expériences ont porté sur la formation de Z 0 par annihilation directe électron-positon. La masse du Z ainsi produit étant directement reliée à l'énergie bien connue des faisceaux, il a été possible de déterminer avec une extrême précision cette masse, ainsi que la largeur d'indétermination de cette masse, reliée au temps de vie fini du Z par le principe d'incertitude.

On a ainsi abouti à une masse mZ = 91.187 GeV, avec une erreur expérimentale de ± 0.002 GeV, et à un temps de vie de 2,64×10−25 s. En calculant les contributions à l'instabilité provenant des neutrinos, on déduit que 3 types de neutrinos existent, tout au moins des neutrinos suffisamment légers pour que le Z puisse se désintégrer dans une paire correspondante, c'est-à-dire des neutrinos de moins de 45 GeV. Ce sont les 3 types de neutrinos connus.

Les collisions à énergie supérieure ont permis de confirmer ces résultats, quoiqu'avec une moindre précision. Elles ont aussi permis de déterminer les caractéristiques du W : masse de mW = 80.4 GeV avec une erreur expérimentale de ± 0.03 GeV, et temps de vie de 3,07×10−25 s.

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