Voir l'article de Wikipedia intitulé : « Faust ».
Michael Swanwick fait de claires allusions à la tragédie intitulée « Faust I», écrite en 1808 par le poète allemand Johann Wolfgang von Goethe.
Thèmes | Faust de Swanwick | Faust de Goethe |
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Personnages | Johannes Wilhelm Faust, Marguerite, Wagner. | Heinrich Faust, Marguerite, Wagner. |
Pacte | Pari de Méphisto avec Faust sur la faiblesse de l'humanité. | Pari de Méphisto avec Dieu sur la faiblesse d'un homme : Faust. |
Marguerite | Issue d'une famille de riches marchands de Nuremberg. | Issue d'une famille très pauvre, orpheline de père, mère malade. |
Chez Auerbach | Faust prédit un avenir tragique à trois hommes. | Méphistophélès montre les plaisirs de la vie à Faust. |
Découverte du corps féminin | Charme magique qui dénude les femmes aux yeux de Faust. | Nuit de Walpurgis. |
Carnaval burlesque | Défilé grotesque organisé par le père Josaphat pour dénoncer Faust. | Sabbat des sorcières. |
Vie de Marguerite | Volontairement restée seule à Nuremberg. | Lâchement abandonnée par Faust après leur première étreinte. |
Condamnation de Marguerite | Marguerite condamnée pour avoir avorté. | Marguerite condamnée pour avoir noyé son enfant. |
Repentir de Faust | Faust accuse Méphisto et vole au secours de Marguerite. | Faust accuse Méphisto et vole au secours de Marguerite. |
Final | Marguerite refuse de s'enfuir avec l'espion italien, se repend pour le mal qu'elle a fait et se suicide, Faust arrive trop tard. | Faust entre dans le cachot de Marguerite avec Méphisto, elle refuse de l'accompagner et meurt en recommandant désespérément son âme à Dieu. |
Tandis que Goethe invoque dans son Faust II, paru en 1832, l'idéal romantique de l'« Éternel féminin », Michael Swanwick en propose une version plus crue, celle de la « Vulve éternelle ».
Au début du récit, Le docteur Faust fait un bilan de toutes ses connaissances, lesquelles renvoient à une époque pré-moderne dont la pensée est modelée par la scolastique et la religion. Le savoir est divisé en deux grands groupes, avec le Trivium Quadrivium, qui comprennent d'une part la grammaire, la rhétorique et la dialectique et d'autre part l'arithmétique, la géométrie, l'astronomie et la musique. Les ouvrages de références pour les érudits du début du XVIe siècle, comme notre Faust, sont la « Somme théologique » de Thomas d'Aquin pour les questions religieuses et morales, les fragments de Pythagore pour les mathématiques, l'« Alchymia » d'Andreas Libavius pour l'alchimie, les traités de Galien pour l'anatomie et la médecine, les commentaires d'Averroès pour la philosophie, l'« Almageste » de Ptolémée pour l'astronomie, la « Physique » d'Aristote pour les lois de la nature, en passant par la Bible, les écrits de Guillaume d'Ockham, et la méthode des syllogismes.
Les doutes de Faust lui apparaissent lorsqu'il confronte les écrits de ces grands maîtres à la réalité qui l'entoure. Il constate que, contrairement à ce qu'en dit le célèbre Ptolémée, la trajectoire des planètes ne peut en aucun cas être circulaire, il a relevé de nombreuses erreurs dans l'anatomie de Galien en observant des malades et des cadavres, il a noté les nombreuses contradictions de l'Ancien Testament, etc. Faust rejette l'occultisme et aspire à une science qui décrive objectivement le réel. Faust souhaite mettre un terme à la superstition et faire entrer la science dans l'ère nouvelle de l'observation et de l'expérimentation. C'est tout l'enjeu du passage du mode de pensée prémoderne à la pensée de la modernité qui commence à s'opérer en France avec la philosophie de René Descartes. Wagner, l'apprenti de Faust, reste au départ fidèle à la pensée médiévale en répliquant à son maître que si les faits contredisent les grands maîtres antiques, c'est que Satan fausse notre jugement. Les restes d'une pensée du surnaturel affrontent les prémisses d'une pensée scientifique au sens moderne du terme.
Une fois assimilées les révélations scientifiques inouïes faites par Méphistophélès dans ses rêves, Faust tente de diffuser son nouveau savoir en l'exposant aux érudits de son époque. Il envoie de nombreux courriers donnant de nouvelles explications révolutionnaires concernant le problème des couleurs, la nature des éclairs, la circulation sanguine, etc., mais ne reçoit aucune réponse. Il participe à une réunion de la confrérie des érudits de Wittenberg, les « Leucopolitains », et leur montre son nouveau téléscope permettant d'observer les planètes, mais il ne récolte que sarcasmes et mépris de la part de ses collègues. Le monde des savants n'est manifestement pas prêt pour ces nouvelles découvertes qui remettent en cause toute la structure scolastique du savoir de cette époque de transition.
Seul son courrier exposant un nouveau système de suspension à lames métalliques pour les voitures à cheval trouve un écho favorable chez un maitre-charron qui le développe et l'applique avec succès à un nouveau type de véhicule plus confortable. Faust commence à comprendre alors, aidé par Méphistophélès, que ses nouvelles idées ne seront jamais acceptées par ses collègues, tant les enjeux sont importants. La science théorique doit donc laisser la place à la science appliquée, Faust se détourne alors des savants pour aller quérir l'aide des financiers et des usuriers, qui - s'il ne comprenne absolument rien aux fondements scientifiques de ses nouvelles inventions - perçoivent en revanche leur intérêt économique immédiat. Au lieu des passionnantes discussions savantes qu'il avait espérées, Faust se retrouve confronté au monde obtus des milieux d'affaires qui ne s'intéresse qu'à l'aspect militaire de ses inventions. Tout au long du roman, la science est soumise au diktat de sa valeur marchande, confrontée aux dogmes religieux qui lui sont hostiles et aux préjugés d'une population peu éduquée. C'est l'impossible acceptation d'une révolution scientifique complète et rapide par une société figée qui conduit Faust à l'isolement et à la misanthropie et l'ultime vision superposée de Faust et d'Adolf Hitler en sont les conséquences directes.