Jet (mathématiques) - Définition

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Jets de fonctions entre deux variétés

Si M et N sont deux variétés différentiables, comment peut-on définir le jet d'une fonction f:M\rightarrow N ? On pourrait penser définir un tel jet en utilisant des cartes locales sur M et N. L'inconvénient d'une telle façon de procéder est que les jets ne peuvent pas être définis de façon équivariante. Les jets ne se transforment pas comme des tenseurs. En fait, les jets de fonctions entre deux variétés appartiennent à un fibré de jets.

Cette section commence en introduisant la notion de jets de fonctions de la ligne réelle vers une variété. Elle montre que de tels jets forment un fibré, analogue au fibré tangent, qui est un fibré associé d'un un groupe de jets. Elle poursuit en traitant la question de la définition le jet d'une fonction entre deux variétés régulières. Tout au long de cette section, on adopte une approche analytique des jets. Bien qu'une approche algébro-géométrique soit adaptée à de nombreuses autres applications, elle est trop subtile pour être adoptée systématiquement ici.

Jets de fonctions de la ligne réelle vers une variété

Soit M une variété régulière contenant le point p. Nous allons définir les jets de courbes passant par p, ce par quoi nous désignons des fonctions régulières f:{\mathbb R}\rightarrow M telles que f(0)=p. Nous définissons la relation d'équivalence E_p^k de la façon suivante. Soient f et g deux courbes passant par p. On dit que f et g sont équivalentes à l'ordre k en p s'il existe un voisinage U de p, tel que pour chaque fonction régulière \varphi : U \rightarrow {\mathbb R} , J^k_0 (\varphi\circ f)=J^k_0 (\varphi\circ g) . Notons que ces jets son bien définis puisque les fonctions composées \varphi\circ f et \varphi\circ g sont simplement des applications de la droite réelle dans elle-même. Cette relation d'équivalence est parfois appelée un contact d'ordre k entre les courbes en p.

On pose maintenant, par définition, que le jet d'ordre k d'une courbe f en p est la classe d'équivalence de f pour la relation E^k_p . Cette classe est notée J^k\! f\, ou encore J^k_0f . L'espace des jets d'ordre k est alors l'ensemble des jets d'ordre k en p, noté J^k_0({\mathbb R},M)_p . C'est un espace vectoriel réel.

Quand p varie dans M, J^k_0({\mathbb R},M)_p forme un fibré sur M : le fibré tangent d'ordre k, souvent noté TkM dans la littérature, même si cette peut parfois engendrer des confusions. Dans le cas où k=1, le fibré tangent de premier ordre est le fibré tangent habituel : T1M=TM.

Pour montrer que TkM est un fibré, il est instructif d'examiner les propriétés de J^k_0({\mathbb R},M)_p en coordonnées locales. Soit (xi)= (x1,...,xn) un système de coordonnées locales pour M dans un voisinage U de p. Par un léger abus de notation, on peut considérer (xi) comme un difféomorphisme local (x^i):M\rightarrow\R^n .

Proposition. Deux courbes f et g passant par p sont équivalentes modulo E_p^k si et seulement si J^k_0\left((x^i)\circ f\right)=J^k_0\left((x^i)\circ g\right) sur un voisinage  U \subset V de p.

En effet, dans cette proposition le côté seulement si est évident, puisque chacune des n fonctions x1,...,xn est une fonction régulière de M dans {\mathbb R} . Ainsi, par définition de la relation d'équivalence E_p^k , deux courbes équivalentes doivent satisfaire J^k_0(x^i\circ f)=J^k_0(x^i\circ g) .
Invresement, supposons que φ est une fonction régulière à valeur réelle définie sur M dans un voisinage de p. Puisque chaque fonction régulière a une expression en coordonnées locales, φ peut être exprimé comme une fonction de ces coordonnées. En particulier, si Q est un point de M près de p, alors
\varphi(Q)=\psi(x_1(Q),\dots,x_n(Q))
pour une fonction ψ de n variables réelles à valeur réelle. Et donc, pour deux courbes f et g passant par p, on a
\varphi\circ f=\psi(x_1\circ f,\dots,x_n\circ f)
\varphi\circ g=\psi(x_1\circ g,\dots,x_n\circ g)
Maintenant, la règle de dérivation des fonctions composées permet de démontrer le côté si de la proposition. Par exemple, si f et g sont des fonctions de la variable réelle t , alors
\left. \frac{d}{dt} \left( \psi\circ f \right) (t) \right|_{t=0}= \sum_{i=1}^n\left.\frac{d}{dt}(x_i\circ f)(t)\right|_{t=0}\ (D_i\psi)\circ f(0)
qui est égal à la même expression évaluée en g au lieu de f, en se souvenant que f(0)=g(0)=p et que f ont un contact g d'ordre k dans le système de coordonnées (xi).

Ainsi l'espace TkM admets localement une structure de fibré trivial au voisinage de chaque point. Maintenant, afin de prouver que cet espace est en fait un fibré, il suffit de prouver qu'il a des fonctions de transition régulière pour un changement de variable. Soit (y^i):M\rightarrow{\mathbb R}^n un autre système de coordonnées et soit \rho=(x^i)\circ (y^i)^{-1}:{\mathbb R}^n\rightarrow {\mathbb R}^n le difféomorphisme de l'espace euclidien dans lui-même associé au changement de coordonnées. Grâce à une transformation affine de {\mathbb R}^n , on peut supposer, sans perte de généralité que ρ(0)=0. Avec cette hypothèse, il suffit de prouver que J^k_0\rho:J^k_0({\mathbb R}^n,{\mathbb R}^n)\rightarrow J^k_0({\mathbb R}^n,{\mathbb R}^n) est une transformation inversible pour la composition des jets. (Voir aussi les groupes de jets.) Mais puisque ρ est un difféomorphisme, ρ − 1 est aussi une application régulière. Donc,

I=J^k_0I=J^k_0(\rho\circ\rho^{-1})=J^k_0(\rho)\circ J^k_0(\rho^{-1})

ce qui montre que J^k_0\rho est régulière ( Qu'elle soit infiniment différentiable resterait à prouver).

Intuitivement, ceci veut dire que le jet d'une courbe passant par p peut être exprimé par les termes de sa série de Taylor en coordonnées locale sur M.

Exemples en coordonnées locales:

  • Ainsi qu'indiqué précédemment, le jet d'ordre 1 d'une courbe passant par p est un vecteur tangent. Un vecteur tangent en p est un opérateur différentiel du premier ordre agissant sur des fonctions à valeur réelles régulières en p. En coordonnées locales, chaque vecteur tangent a la forme
v=\sum_iv^i\frac{\partial}{\partial x^i}
Pour un tel vecteur tangent v, soit f la courbe donnée système de coordonnées xi par x^i\circ f(t)=tv^i . Si φ est une fonction régulière dans un voisinage de p avec φ(p)=0, alors
\varphi\circ f:{\mathbb R}\rightarrow {\mathbb R}
est une fonction à valeur réelle d'une seule variable dont le jet d'ordre 1 est donné par
J^1_0(\varphi\circ f)(t)=tv^i \frac{\partial f}{\partial x^i}(p) .
ce qui prouve que l'on peut naturellement identifier les vecteurs tangent en un point avec les jets d'ordre 1 des courbes passant par ce point.
  • L'espace des jets d'ordre 2 des courbes passant par un point.
Dans un système de coordonnées locales noté xi centré en un point p, on peut exprimer le polynôme de Taylor du deuxième ordre d'une courbe f(t) par
x^i(t)=t\frac{dx^i}{dt}(0)+\frac{t^2}{2}\frac{d^2x^i}{dt^2}.
Ainsi dans le système de coordonnées x, le jet d'ordre 2 d'une courbe passant par p est identifié à une liste de nombres réels (\dot{x}^i,\ddot{x}^i) . Comme pour le vecteur tangent ( jet d'ordre 1 d'une courbe ) en un point, les jets d'ordre 2 des courbes obéissent à une loi de transformation sous l'action des fonctions de transition de système de coordonnées.
Soit (yi) un autre système de coordonnées. En appliquant la règle de dérivation des fonctions composées,
\frac{d}{dt}y^i(x(t))=\frac{\partial y^i}{\partial x^j}(x(t))\frac{dx^j}{dt}(t)
\frac{d^2}{dt^2}y^i(x(t))=\frac{\partial^2 y^i}{\partial x^j\partial x^k}(x(t))\frac{dx^j}{dt}(t)\frac{dx^k}{dt}(t)+\frac{\partial y^i}{\partial x^j}(x(t))\frac{d^2x^j}{dt^2}(t)
Et donc la loi de tranformation est obtenue en évaluant ces deux expressions en t=0.
\dot{y}^i=\frac{\partial y^i}{\partial x^j}(0)\dot{x}^j
\ddot{y}^i=\frac{\partial^2 y^i}{\partial x^j\partial x^k}(0)\dot{x}^j\dot{x}^k+\frac{\partial y^i}{\partial x^j}(0)\ddot{x}^k.
On remarque que la loi de transformation pour les jets d'ordre 2 est du deuxième ordre en les fonctions de transition du système de coordonnées.

Jets de fonctions d'une variété vers une variété

Nous sommes maintenant prêts à définir le jet d'une fonction d'une variété vers une varité.

Soient M et N deux variétés régulières. Soit p un point de M. On considère l'espace C^\infty_p(M,N) des applications régulières f:M\rightarrow N définies dans un voisinage de p. On définit la relation d'équivalence E^k_p sur C^\infty_p(M,N) comme suit : deux applications f et g sont dites équivalentes si, pour toute courbe γ passant par p ( par convention, il s'agit donc d'une application \gamma:{\mathbb R}\rightarrow M telle que γ(0) = p ), on a J^k_0(f\circ \gamma)=J^k_0(g\circ \gamma) sur un voisinage de 0.

L'espace des jets J^k_p(M,N) est alors, par définition, l'espace des classes d'équivalences de C^\infty_p(M,N) modulo la relation d'équivalence E^k_p . Remarquons que, puisque l'espace cible N n'a pas nécessairement de structure algébrique, J^k_p(M,N) non plus. Ceci est, en fait, en contraste avec le cas des espaces euclidiens.

Si f:M\rightarrow N est une fonction régulière définie au voisinage de p, alors, par définition, le jet d'ordre k de f en p, J^k_pf , est la classe d'équivalence de f modulo E^k_p .

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