Durant la seconde guerre mondiale, le Comité consultatif pour l'uranium issu de l'Office of Scientific Research and Development (OSRD) a lancé un important programme de recherche sur le plutonium. Le contrat de recherche fut alloué au laboratoire de métallurgie de l'université de Chicago. A cette époque, le plutonium était un élément très rare qui venait juste d'être isolé dans le laboratoire de l'université de Californie. Les chercheurs de Chicago travaillaient sur la réaction en chaine de "piles" d'uranium dans le but de le convertir en plutonium. Le programme s'accéléra en 1942 lorsque le gouvernement américain s'inquiéta des progrès réalisés par les chercheurs allemands dans ce domaine.
En septembre 1942, le Corps des ingénieurs de l'armée des États-Unis choisit le général de brigade Leslie Richard Groves pour diriger le projet Manhattan. Ce dernier devait entreprendre la réalisation de complexes industriels pour la fabrication d'uranium et de plutonium. Groves choisit l'entreprise DuPont pour la construction du complexe destiné à la création de plutonium. DuPont recommanda de réaliser ce complexe loin du complexe de production d'uranium à Oak Ridge. Le site idéal était décrit par ces critères :
En décembre 1942, Groves envoya son assistant le colonel Franklin T. Matthias et des ingénieurs de DuPont à la recherche de sites potentiels. Matthias rapporta que Hanford était idéal sur tous les aspects sauf pour les villes agricoles de White Bluffs et Hanford. Groves visita le site en Janvier et établit le Hanford Engineer Works (HEW) sous le nom de code "Site W". Le gouvernement fédéral expropria et relogea rapidement les 1 500 habitans de Hanford, White Bluffs et d'autres villages ainsi que les Wanapum qui habitaient la zone.
Le HEW prit forme en mars 1943 et commença immédiatement l'énorme défi technique de la construction. Pres de 50 000 ouvriers vécurent dans un camp près de l'ancienne ville de Hanford tandis que les ingénieurs et le personnel administratif habitèrent près de l'ancien village de Richland. La construction du complexe progressa rapidement. En aout 1945, le HEW avait construit 554 bâtiments dont les trois réacteurs nucléaires (105-B, 105-D et 105-F) et les trois unités de fabrication du plutonium chacune mesurant 250 mètres de long.
Pour recevoir les déchets radioactifs issues du processus de séparation, le HEW bâtit quatre "fermes de citernes" composées de 64 citernes simple coque enterrées (241-B, 241-C, 241-T et 241-U). Le projet nécessita 621 km de routes, 254 km de voies ferrées et quatre centrales électriques. Le HEW utilisa 600 000 m³ de béton, 36 000 tonnes d'acier et couta 230 millions de dollars entre 1943 et 1946.
Le réacteur B (105-B) à Hanford fut le premier réacteur de grande taille destiné à la production de plutonium au monde. Il fut conçus et construit par DuPont, d'après un design expérimental d'Enrico Fermi, et fonctionnait avec une puissance de 250 MW. Le réacteur était modéré au graphite et refroidi à l'eau. Il était constitué d'un pavé en graphite de 8,5 m par 11 et long de 11 mètres pesant 1 200 tonnes. Ce dernier était traversé horizontalement par 2 004 tubes en aluminium. 180 tonnes d'uranium sous forme de lingots cylindriques longs de 7,5 cm et d'un diamètre de 2,5 cm étaient scellés dans les tubes d'aluminium et insérés dans le bloc de graphite. Le refroidissement nécessitait 2 000 litres d'eau par minute .
La construction du réacteur débuta en aout 1943 et fut terminée un an plus tard en septembre 1944. Le réacteur atteint sa masse critique à la fin septembre et produisit son premier plutonium le 6 novembre 1944 . Celui-ci était produit lorsqu'un atome d'uranium 238 du combustible absorbe un neutron pour former un atome d'uranium 239. L'uranium 239 émet rapidement un rayonnement β pour former du neptunium 239, qui émet une nouvelle fois un rayonnement β pour devenir du plutonium 239. Les lingots irradiés étaient rapidement transportés par rail jusqu'à trois unités de séparations surnommées "canyons" situées à 16 km du réacteur. Une série de réactions chimiques séparaient la faible quantité de plutonium de l'uranium restant et des produits de fission. Ce premier lot de plutonium fut raffiné à l'usine 221-T du 26 décembre 1944 au 2 février 1945 et livré au Laboratoire national de Los Alamos le 5 février.
Deux réacteurs identiques, le D et le F, vinrent en service respectivement en décembre 1944 et en février 1945. A partir d'avril 1945, les cargaisons de plutonium arrivaient à Los Alamos tous les cinq jours et Hanford fournit rapidement assez de matière pour la bombe de l'essai Trinity et pour celle qui fut larguée sur Nagasaki. Tout au long de cette période, le projet Manhattan est demeuré top secret. Jusqu'à l'arrivée des nouvelles des bombardements atomiques, moins de 1 pour cent des travailleurs savaient qu'ils travaillaient sur un projet d'arme nucléaire Le général Groves nota dans ses mémoires "Nous fîmes tout pour que chaque travailleur comprenne sa part de l'effort global, ça et rien de plus.".
Durant la courte durée du projet Manhattan, les ingénieurs de Hanford réalisèrent d'importantes avancées technologiques. Comme personne n'avait jamais réalisé de réacteur de cette taille auparavant, les scientifiques ne savaient pas vraiment quelle quantité de chaleur allait produire la réaction nucléaire. Pour assurer la meilleure productivité possible tout en maintenant une certaine sécurité, les ingénieurs de DuPont installèrent dans les réacteurs D et F, un système de réfrigération à l'ammoniac pour refroidir encore plus la température de l'eau de la rivière avant son utilisation en tant que réfrigérant.
Les ingénieurs durent également se battre avec la gestion des déchets radioactifs que personne n'avait généré en aussi grande quantité. Une fois que les "canyons" avaient commencé de séparer les différentes molécules, les machines devenaient tellement radioactives qu'il était très dangereux de s'en approcher. Les ingénieurs ont donc dû mettre en place des moyens de remplacement d'éléments à distance. Ils créèrent donc un concept de cellule modulaire permettant de remplacer des composants par l'intermédiaire d'un opérateur dans une grue lourdement protégée contre les rayonnements. Cette technique permit l'utilisation pratique de deux technologies promises à un brillant avenir : le téflon pour les joints et la vidéosurveillance qui permettait à l'opérateur une manipulation plus simple.