Aspects écoépidémiologiques
Ces maladies concernent souvent à la fois l'homme et l'animal, y compris les animaux aquatiques (avec un risque accru avec le développement de la pisciculture et les transports intercontinentaux de crustacés, poissons ou coquillages. En Europe, en cas d'apparition d'une maladie émergente dans une pisciculture, l'État membre concerné doit mettre en œuvre les mesures nécessaires afin d'éviter la propagation de cette maladie et informer la Commission et les autres États membres de la situation. (Le cas échéant, la liste des maladies est modifiée en conséquence).
L'étude mondiale publiée dans Nature en février 2008 a montré que :
- les maladies émergentes récentes sont presque toutes des zoonoses (maladies pouvant à la fois toucher l’homme et l’animal)
- le nombre d'apparition de ces maladies a presque été multiplié par 4 depuis 50 ans
- leurs apparitions sont nettement plus fréquentes depuis 25 ans (depuis les années 1980).
- la nosocomialité augmente également : les cas de virus (ou autres pathogènes) et leurs vecteurs résistants respectivement aux médicaments et aux pesticides sont en nette augmentation ; C’est le cas d’environ 20 % des 335 maladies émergentes étudiées, qui sont d’anciennes maladies (réémergentes), mais antibiorésistantes, dont par exemple la tuberculose).
- 54.3% des M.E sont causées par des bactéries et rickettsia.
- dans les années 1980, les maladies transmises par des insectes (moustiques, punaises) ou acariens (tiques) ont connu une nette augmentation, peut-être en raison des changements climatiques ou de modifications de leur habitats (dans le même temps, de même que les microbes s’adaptant aux antibiotiques, de nombreux insectes se sont adaptés à certains insecticides).
- 60,3 % de ces nouvelles maladies étaient des zoonoses (transmises à l’homme par un animal) ;
- Et plus de 71% de ces zoonoses avaient un animal sauvage comme origine.
- les maladies émergentes ont été beaucoup plus nombreuses depuis les années 1980, probablement en raison du SIDA (et de la déficience immunitaire qu’il occasionne), mais aussi en raison de la croissance exponentielle des transports longue distance, par avion et bateau notamment.
L'étude publiée début 2008 par Nature s'est s'appuyée sur :
- une carte de danger ; celle des 335 foyers de maladie émergente (zoonoses uniquement) repérés de 1940 à 2005 ; Dans le monde, et du point de vue du nombre des émergences récentes, c'est en Europe, la zone allant du Kent à l'Allemagne en passant par la Belgique et le Nord de la France qui a été la plus exposée et qui constitue un Hotspot (point chaud)
- quatre cartes de risque, qui identifient des « hot-spots » (zones à haut risque);
Ces cartes de risques sont faites à partir de l’analyse des lieux et conditions d’apparition de ces maladies, et à partir de modèles informatiques prenant en compte les corrélations observées entre apparition de maladies émergentes et :
L’étude conclut que si l'Europe occidentale et la côte est des USA forment une zone de forte émergence depuis 50 ans, selon les modèles éco-épidémiologiques, c'est dans les pays tropicaux que le risque grandit le plus aujourd'hui (Asie du sud et de l'est, Afrique équatoriale) en raison des comportements humains et de l'accroissement exponentiel de la population dans ces zones. Si les cartes pointent l'Europe comme zone à haut risque, en données corrigées (zones tropicales à surpondérer car moins surveillées ; on n'y a probablement pas détecté certaines épidémies de ce type), les « points chauds », les pays les plus à risque, seraient peut-être ceux de l'Afrique subsaharienne, l’Inde et la Chine. L'Asie du sud et du sud-est sont deux zones à haut risque de début d’épidémie en raison d’une population dense et croissante, d’un mode de vie favorisant la promiscuité entre homme/animaux domestiques/animaux sauvages et d’une pression forte sur la forêt récente en Asie du sud-est et Amérique du sud, et déjà plurimillénaire en Chine). De plus les voyages augmentent de manière exponentielle dans ces pays.
Des zones à haut risque, mais plus petites en surface (et a priori mieux équipées en moyens de détection précoce et de soins) existent aussi en Europe et en Amérique du Nord.
Hypothèses explicatives
- L’Homme en voyageant et plus encore en colonisant de nouveaux milieux, ou en chassant, entre de plus en plus en contact avec une faune sauvage qui lui est immunitairement « étrangère ». Il prend contact avec de nouveaux parasites qu’il peut contribuer à diffuser, y compris via ses animaux domestiques (dont chiens et chats véhiculant par exemple des tiques, elles-mêmes porteuses de 3 ou 4 maladies dont la maladie de Lyme, ou des rickettsies par exemple).
Les mammifères, génétiquement et physiologiquement plus proches de nous, seraient statistiquement les premières sources de risque, mais on sait que les oiseaux en sont une autre pour certaines maladies, dont la grippe, que beaucoup de mammifères peuvent aussi contracter et diffuser, dont pour certains variants. Ainsi les chiens, chats, cochons et chevaux, proches de l’homme, sont sensibles à de nombreux virus grippaux). - Les humains et leur animaux d’élevage et de compagnie circulent de plus en plus, et de plus en plus vite.
- La généralisation des antibiotiques dans les soins vétérinaires ou humains, voire localement dans la nourriture animale, a favorisé l’émergence de souches nosocomiales - au même tittre, paradoxalement, que certaines formes d’hygiène (selon le Dr Daszak, certaines souches mortelles de bactéries communes E. coli se sont répandues largement et très vite via des produits tels que des légumes crus désinfectés dans de grandes unités agroalimentaires centralisées qui diffusent ensuite leur produit à grande distance. Ces maladies pourraient être un des prix à payer des formes actuelles du développement physiquement mondialisé, estime le Dr Daszak).
- En détruisant et fragmentant les derniers milieux à haute naturalité, nous repoussons toujours plus la faune sauvage dans des territoires de plus en plus exigus, où leur promiscuité et la perte de diversité génétique favorisent les pathogènes et la contagion, alerte le Dr Marc Levy.
Quand ces 4 facteurs sont réunis, le risque d'apparition et diffusion brutale d’un pathogène devenu ou susceptible de rapidement devenir nosocomial devient très élevé.
De même, concernant les maladies transmissibles au bétail et aux volailles, les zones d’élevage industriel qui seraient aussi des carrefours portuaires et aéroportuaires sont des zones à risque d’apparition et/ou diffusion de pandémie selon l’OMS, la FAO et l’OIE (par ex pour le H5N1).
Les laboratoires pratiquant l'expérimentation animale sont aussi à risque quuand ils importent des animaux sauvages ou venant de régions à risque.
Pistes de solutions
Plusieurs chercheurs, dont le Dr Kate Jones co-autrice de l’étude insiste sur le fait que la biodiversité et sa gestion conservatoire et restauratoire sont des moyens de limiter le risque d’épidémie et pandémies. Il faut aussi limiter et surveiller les intrusions humaines (autres que populations autochtones anciennes) dans les zones de haute biodiversité. . L’OMS, la FAO et l’OIE encouragent à mieux préserver les élevages des contacts avec les oiseaux et mammifères sauvages, et à mieux surveiller les maladies (surveillance humaine, vétérinaire + écoépidémiologie) .
Le Dr Peter Daszak (Wildlife Trust), co-auteur de l’étude mondiale appelle à une surveillance intelligente, en amont, c’est-à-dire dans les hotspot de risque, visant les personnes et animaux à risque. Ceci permettrait selon lui de bloquer les épidémies avant même qu’elle ne s’étendent.