Marguerite-Marie Dubois - Définition

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Carrière

Fonctions

Marguerite-Marie Dubois en 1965.

Sa carrière universitaire s'est entièrement déroulée à la Sorbonne où elle est d'abord recrutée comme Chargée de conférences de philologie anglaise (Licence, Diplôme d'Études Supérieures (DES), aujourd'hui Maîtrise), enseignement qu'elle assure de 1941 à 1956. De 1953 à 1966, elle est nommée Chargée de conférences aux cinq Écoles normales supérieures, Rue d'Ulm, Sèvres, Saint-Cloud, Fontenay-aux-Roses et ENSET (1953-1966). En 1955, elle devient Chef de travaux de philologie anglaise à la Sorbonne, puis Maître de conférences de littérature et civilisation médiévales anglaises à la Sorbonne en 1969. L'année suivante, en 1970, elle est nommée Professeur de littérature et civilisation médiévales à la Sorbonne-Paris IV. Lors de son départ à la retraite en 1983, elle reçoit le titre de Professeur émérite (éméritat à vie conféré en 2000).

Enseignement

Marguerite-Marie Dubois a elle-même fait la synthèse de son enseignement dans un document datant du 1 mars 2010 dont voici les principaux extraits :

« Dès mon premier cours à la Sorbonne, le 3 janvier 1941, j'ai parlé de René Huchon. J'ai attiré l'attention des étudiants sur la valeur scientifique et spirituelle de ce professeur qui était un modèle de rigueur intellectuelle et morale, ainsi que de patriotisme.

J'ai exposé ensuite ce que j'attendais de mes auditeurs et ce que je leur apporterai. J'ai défini - comme l'avait toujours fait mon maître et selon sa méthode - la linguistique historique, en tant qu'étude diachronique de la langue dans son principe, sa forme, son architecture fondamentale, mais aussi dans son évolution, son « grandissement », pour ainsi dire, au cours des âges, depuis l'indo-européen reconstitué jusqu'à l'anglais moderne.

J'ai ajouté, exposant mon propre point de vue, que nous ferions de la philologie, au sens total du terme, c'est-à-dire que nous aborderions la stylistique, l'histoire, la littérature, la poétique, la philosophie, bref : un savoir encyclopédique qui constitue, pour ainsi dire, les humanités de l'anglais. Notre but, en étudiant les racines des langues germaniques et indo-européennes, serait de connaître l'âme, l'histoire, la civilisation de ces peuples disparus qui survivent dans la civilisation, l'histoire, l'âme de l'Angleterre moderne.

Trois ans plus tard, mes cours, déjà très personnels, s'étaient éloignés du type d'enseignement qui caractérisait la méthode de René Huchon. Je variais sans cesse les exemples, j'ajoutais des exceptions frappantes aux règles jadis incontestées, je condensais les informations au gré de mon esprit de synthèse ; ou bien j'élargissais le domaine, passant de l'étude du langage à l'apport de la création littéraire, et même à l'influence de la psychologie ou de la théologie pour expliquer certains phénomènes.

Syððan wæs geworden þæt he ferde þurh þa ceastre and þæt castel: godes rice prediciende and bodiende. and hi twelfe mid. And sume wif þe wæron gehælede of awyrgdum gastum: and untrumnessum: seo magdalenisce maria ofþære seofan deoflu uteodon: and iohanna chuzan wif herodes gerefan: and susanna and manega oðre þe him of hyra spedum þenedon.
« Quelque temps après, Jésus se rendit dans les villes et les villages pour y proclamer et annoncer la Bonne Nouvelle du royaume de Dieu. Il était accompagné des Douze et de quelques femmes qu'il avait délivrées de mauvais esprits et guéries de diverses maladies : Marie, appelée Marie de Magdala, dont il avait chassé sept démons, Jeanne, la femme de Chuza, administrateur d'Hérode, Suzanne et plusieurs autres. Elles assistaient Jésus et ses disciples de leurs biens. »
Traduction de l'évangile de Luc 8:1-3 (Lc 8),
trad. La Bible du Semeur.

Presque vingt ans plus tard, dans le courant de 1969, on évoqua au Conseil de notre Institut l'ouverture d'une nouvelle chaire d'études linguistiques, et voilà que brusquement je fus confrontée à une situation hors du commun. Au cours de l'entretien qu'il avait sollicité à mon domicile, le candidat favori, Jean-Robert Simon, m'annonça clairement qu'il renoncerait à être nommé à la Sorbonne s'il devait y enseigner autre chose que le vieil- et le moyen-anglais, tant il redoutait d'affronter une branche différente. Et il me demanda, comme une faveur sine qua non, de lui abandonner ma propre spécialité, c'est-à-dire la langue médiévale. Curieusement, son nom m'était connu depuis 1949. Le professeur Floris Delattre m'avait parlé de lui, de ses orientations médiévales, de ses aspirations à une carrière de philologue, et aussi de certains aspects de sa vie intérieure dont j'avais gardé mémoire. Il avait évoqué la valeur intellectuelle et morale de ce jeune homme probe, discret, modeste, plutôt timide. Son discours était honnête, clair, sobre, définitif et concluant. Il ajouta que ma réponse, si elle était négative, lui fermerait à tout jamais l'accès à une chaire parisienne en dépit de ses mérites. Sur le coup, je fus interloquée par cette audacieuse requête, mais il me donna des raisons graves qui justifiaient son attitude et il avança une proposition, à laquelle il avait dû longuement réfléchir :

- Vous pourriez fonder un enseignement nouveau : celui de la littérature et de la civilisation du Moyen Age anglais.

J'objectai pourtant :

- Un tel changement me serait des plus pénibles. Je tiens à cette matière que m'a transmise René Huchon et dont j'ai assuré la survie. De plus, la création de cette nouvelle U.V. exigerait un énorme travail, et encore faudrait-il que les autorités donnent leur aval ! On cherche plutôt à recruter des linguistes. Je ne voudrais pas me retrouver tout à coup dépossédée et totalement exclue de mon domaine.

Il m'affirma qu'il avait pris des contacts et qu'il était convaincu de l'accord unanime du Conseil de notre U.E.R., Conseil où je siégeais déjà, ainsi qu'au C.C.U., privilèges qui me permettraient d'exposer et de défendre mon point de vue. Il se montra tellement pressant que j'éprouvais à son égard une sorte de pitié, au sens positif, remplie d'indulgence mais dépourvue de commisération. Cet homme, humble et franc, m'attendrissait. Après m'être assurée de l'appui général, je cédai. Par charité pure, je remis donc entre les mains de Jean-Robert Simon - un inconnu - l'enseignement que mon maître Huchon avait jadis choisi pour moi, l'objet d'une vocation, suscitée mais consentie, à laquelle, depuis 28 ans, j'avais donné toutes mes forces dans un total enthousiasme.

En silence, je me suis tournée vers les nouvelles perspectives qui s'offraient. D'une part, j'allais envisager l'aspect littéraire de la production médiévale dans son ensemble, et non plus réduit à de courts exposés avant l'étude de chaque texte - chose facile car j'avais publié, en 1962 aux PUF, une Littérature anglaise du Moyen Age (500-1500), base solide et vaste. D'autre part, je révèlerais l'aspect civilisationniste du Ve siècle au XVe siècle, immense champ d'action peu défriché, qui demanderait un labeur considérable à travers les mutations de la politique et des mœurs en terre britannique. Que de minutieuses recherches dans une foule de directions : institutions éducatives, histoire civile, juridique et religieuse, archéologie, géographie, agriculture, industrie, économie, arts et métiers, etc. Source inépuisable de découvertes et d'intérêts ! Je n'ai jamais regretté d'avoir exploré ce riche terrain, quasi inexploité en France, et de l'avoir mis à la portée de tous, soit par des cours dialogués entre mon assistante Yvonne Bridier et moi, soit par l'utilisation des moyens audio-visuels récents, permettant la projection de cartes, enluminures, manuscrits. Il suffit de constater que, de nos jours, la plupart des sujets de thèse concernent des aspects civilisationnistes et que trop rares sont les choix individuels de recherche linguistique. Le Moyen Age anglais actuel subsiste surtout grâce à son visage socioculturel, c'est-à-dire grâce à la fondation forcée en 1969 de cette U.V. inattendue.

Mais, en 1974, survint le drame : Jean-Robert Simon décédait subitement. Vide douloureux, qu'il fallait bien tenter de réparer : le Conseil de l'U.E.R., unanime, me pria alors d'assumer les deux enseignements. C'est ainsi que je devins, seule, professeur de langue, littérature et civilisation du Moyen Âge anglais ».

Portrait d'après Jean-Pierre Mouchon

« Sanscrit ».

Grande figure des études médiévales anglaises en France, Marguerite-Marie Dubois arrive à la Sorbonne en 1941. Elle est responsable de la préparation du certificat de philologie anglaise. Elle doit lutter pour organiser la section de philologie et d'anglais médiéval (aujourd'hui appelé « vieil-anglais ») au lendemain de la mort de René Huchon. De 1941 à 1983, elle assure ses cours à la Sorbonne et les différentes ENS (1953-1967), et est la présidente-fondatrice du Centre d'études médiévales anglaises (CEMA). Ses connaissances multiples, (latin, grec, sanskrit, hittite, gotique, scandinave, vieux-haut-allemand, anglais ancien et contemporain, italien, un peu de tokharien et de tzigane), lui permettent d'aborder des sujets très divers peu ou point enseignés à l'époque. En cela, elle fait figure de pionnière.

La Grammaire complète de la langue anglaise, écrite en collaboration avec Charles Cestre (Larousse, 1949) est, pendant des décennies, un instrument de travail pour les élèves des lycées et des collèges, et aussi pour les étudiants préparant le certificat de philologie anglaise et les concours d'enseignement, CAPES et Agrégation. Ouvrage de référence, riche en exemples, elle apporte une réponse à la plupart des problèmes grammaticaux. De plus, elle éclaire la langue contemporaine par l'évocation de ses origines et de son histoire.

C’est surtout en tant que lexicographe que Marguerite-Marie Dubois donna toute sa mesure. Ses dictionnaires bilingues, préparés avec toute une équipe de collaborateurs britanniques et américains (dont Barbara Shuey) et publiés dans la collection Saturne de Larousse, remplacent nombre de dictionnaires obsolètes parfois parus avant la Seconde Guerre mondiale et même au XIXe siècle (dictionnaires bilingues d'Alfred Elwall). Les niveaux de langage y sont indiqués, les différentes nuances observées, les locutions abondent et les traductions se caractérisent par leur précision. Le Dictionnaire français-anglais de locutions et expressions verbales (Larousse, 1973) s’attache aux syntagmes, c’est-à-dire aux expressions globales. Ce principe est ensuite adopté et adapté par les dictionnaires d’anglais de Françoise Dubois-Charlier, publiés également chez Larousse, et bien plus tard par Valérie Katzaros qui a dirigé un Dictionnaire français-anglais/anglais-français (Larousse, 2005) enrichi d'illustrations en couleur regroupées par thèmes permettant d’associer une image à un mot ou à une expression.

D'autre part, dans sa jeunesse, Marguerite-Marie Dubois, romancière, poète et théologienne, a abordé le chant lyrique avec sa voix de soprano dramatique.

Activités administratives

  • Ancien membre du Comité National des Universités (CNU).
  • Présidente-fondatrice de l'Association des Maîtres-Assistants et Chefs de Travaux (AMACT, Paris IV).
  • Fondatrice du Centre d’études médiévales anglaises (CEMA , Paris IV).
  • Cofondatrice, avec Jean Simon, de l'Association des Médiévistes-Anglicistes de l'Enseignement Supérieur (AMAES).
  • Vice-présidente, puis vice-présidente honoraire de Terra Beata, Société historique et littéraire, fondée à Marseille par Jean-Pierre Mouchon en 1999.

Distinctions honorifiques

Ruban d'Officier d'Académie.
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